Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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PAUL (Robert William)

pionnier, cinéaste, producteur britannique (Highbury 1869 - Putney 1943).

Le succès à Londres du Kinetoscope d'Edison, qui n'est pas protégé par un brevet, incite ce modeste fabricant d'appareils scientifiques à en produire, en série, une contrefaçon... irréprochable (1895). Edison riposte en limitant l'exploitation de ses films aux seuls appareils d'origine. Aussitôt, grâce à une caméra fabriquée par Birt Acres (1854-1918), qu'il associe à son entreprise, Paul tourne ses premiers sujets. C'est la naissance, de fait, du cinéma britannique. Une demande de brevet pour son Animatograph (ou Theatrograph), déposée en 1896, est reconnue le 23-1-1897. Même si cet appareil de projection est encore rudimentaire, Paul est armé pour la production. Encore auréolé du prestige que lui a valu sa prise de vues du Derby d'Epsom de 1895, il fonde la Paul's Animatograph Ltd (1897). Jacques Deslandes a retrouvé le cahier d'intentions de la société : il porte naturellement sur les sujets et les « portraits animés », mais aussi, déjà, sur la « publicité animée »... Les studios de la Paul's, à Muswell Hill, sont peut-être les premiers à voir le jour en Grande-Bretagne. Leur production, abondante, fournit les forains, aussi bien qu'ils répondent aux besoins de la propagande nationale (soutien à la guerre du Transvaal). Parti de saynètes d'un comique bon marché et bon enfant (A Soldier's Courtship, 1896), et de chansons filmées, Paul tourne également un Queen Victoria's Diamond Jubilee (1897), ou le couronnement d'Édouard VII empereur : The Delly Durbar (1903). Il a réalisé quelques-uns de ces reportages cinématographiques (en Égypte, au Portugal) qui sont, avant la lettre, les « actualités » du siècle des Lumière. Puis, brusquement, R. W. Paul se retire, en 1910.

PAULVÉ (André)

producteur et distributeur français (Seignelay 1898 - Paris 1982).

Après une brève carrière dans l'industrie bancaire, il se tourne vers le cinéma, créant en 1937 une société de distribution, Discina, puis de production, Speva Films, laquelle produira notamment Pièges. Associé à Michel Safra, il va s'efforcer de maintenir haut le flambeau de la production française sous l'Occupation. Il y parviendra, puisque c'est sous son égide que seront réalisés les Visiteurs du soir (M. Carné, 1942), Lumière d'été (J. Grémillon, 1943), l'Éternel Retour (J. Delannoy, id.) et entrepris les Enfants du paradis (Carné, 1945). Après-guerre, on retrouve Paulvé à la tête d'entreprises tout aussi honorables : la Belle et la Bête (J. Cocteau et R. Clément, 1946), les Maudits (R. Clément, 1947), la Chartreuse de Parme (Christian-Jaque, 1948), Manèges (Y. Allégret, 1950), Orphée (Cocteau, id.), Casque d'or (J. Becker, 1952). Il y a sans nul doute un « style » Paulvé, caractéristique de la grande époque de la « qualité française ».

PAVAN (Marisa Pierangeli, dite Marisa)

actrice américaine d'origine italienne (Cagliari 1932).

Dans l'ombre de sa sœur, la plus glamoureuse Pier Angeli, Marisa Pavan n'en est pas moins une bonne comédienne, qui fut citée à l'Oscar du meilleur second rôle pour sa prestation dans la Rose tatouée (D. Mann, 1955). Très brune, souvent repliée sur elle-même, elle incarne volontiers l'autre femme face à la star féminine du film. Ainsi, après avoir incarné une tendre squaw auprès du blond Alan Ladd dans l'Aigle solitaire (D. Daves, 1954), elle campe avec gravité une jeune et noiraude Catherine de Médicis en opposition à la resplendissante et blonde Diane de Poitiers créée par Lana Turner (D. Miller, 1956) ou encore la fragile Abishag face à la flamboyante Gina Lollobrigida dans Salomon et la reine de Saba (K. Vidor, 1959). Progressivement, elle disparaît des écrans, n'apparaissant plus dans les magazines que comme l'épouse de Jean-Pierre Aumont. L'une de ses dernières et courtes apparitions date de 1973, dans l'Événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la Lune (J. Demy).

PAVANELLI (Livio)

acteur italien (Copparo 1881 - Rome 1958).

Un des plus célèbres acteurs du cinéma muet italien, Pavanelli se lance d'abord dans une carrière théâtrale, où il est notamment, pendant neuf ans, le partenaire d'Eleonora Duse. En 1913, il abandonne presque complètement le théâtre pour le cinéma. Rendu populaire par Carnavalesca (A. Palermi, 1916), Pavanelli représente un des séducteurs types des studios italiens. À partir de 1924, la crise du cinéma italien l'amène à poursuivre avec succès sa carrière en Allemagne, où il tourne dans des films de Georg Jacoby, Carl Froelich, Robert Wiene, etc. Rentré en Italie en 1932, il interprète encore quelques films avant de se consacrer à la production.

PAVIOT (Paul)

cinéaste français (Paris 1926).

Photographe, il se tourne vers le cinéma au début des années 50 et réalise, avec beaucoup d'humour, des courts métrages parodiques dans lesquels il s'attaque tour à tour au western (Terreur en Oklahoma, 1950), au film policier (Chicago Digest, 1951) et au film d'épouvante (Torticola contre Frankensberg, 1952). Il signe ensuite plusieurs courts métrages documentaires de qualité : Saint-Tropez, devoirs de vacances (1952, avec Boris Vian), Lumière (1953, commenté et dit par Abel Gance), Pantomimes (1954) et Un jardin public (id.), avec le mime Marceau, et Django Reinhardt (1958, avec Chris Marker et Yves Montand). On lui doit également deux films de long métrage qui, malgré leur intérêt certain, ne connurent aucun succès : Pantalaskas (1959) et Portrait robot (1960). Depuis, il se consacre à la mise en scène pour la télévision.

PAVLOVI´C (Živojin)

cinéaste yougoslave (Sabac, Serbie, 1933 - Belgrade 1998).

Diplômé de l'Académie des beaux-arts de Belgrade, il s'initie au cinéma en suivant assidûment les programmes de la cinémathèque et en tournant quelques films d'amateur (il avouera plus tard que cette période de sa vie a été décisive à cause des influences déterminantes qu'il a subies : l'expressionnisme allemand, les premiers films soviétiques, l'école muette suédoise, le néoréalisme italien). Au début des années 60, il passe à la mise en scène « professionnelle » en dirigeant deux films-omnibus (c'est ainsi qu'on nomme dans son pays les films à sketches) : ‘ les Eaux vives ’ (Žive vode), épisode du film ‘ les Gouttes, l'Eau, les Combattants ’ (Kapi, vode, ratnici, 1962), et ‘ le Cercle ’ (Obruč), épisode de la Ville (Grad, 1963), œuvre dont la diffusion sera interdite. En 1965, il adapte le Double de Dostoïevski (l'Ennemi [Neprijatelj /Sovraznik]) et, en 1966, signe le Retour (Povratak). Les années suivantes seront particulièrement fastes dans un double domaine créatif. Pavlović devient un cinéaste dont les films sont remarqués non seulement en Yougoslavie, mais à l'étranger : le Réveil des rats (Budenje pacova, 1967), Quand je serai mort et livide (Kad budem mrtav i beo, 1968). En 1969, l'Embuscade (Zaseda) déclenche des réactions idéologiques contradictoires et le film, sans être à proprement parler interdit, n'obtient pas son visa d'exploitation. En 1970, il donne les Épis rouges (Rdeče klasje / Crveno klasje), puis enseigne la mise en scène à l'école de cinéma de Belgrade. Mais, parallèlement, Pavlović s'impose comme romancier : la Rivière sinueuse (Krivudava reka, 1963), Journal d'un inconnu (Dnevnik nepoznatog, 1965), les Poupées (Lutke, id.), Deux Soirées d'automne (Due večeri u jesen, 1967), et auteur d'essais cinématographiques : le Film du Diable (Djavolji film, 1969). Sa renommée ne l'empêche pourtant pas d'être bientôt écarté du corps enseignant pour des raisons politiques (on accuse ses films d'« avoir une influence pernicieuse sur la jeunesse », sa pédagogie d'être « négative et pessimiste »). Après une interruption de trois ans, il reprend le chemin des studios et tourne successivement le Vol de l'oiseau mort (Let mrtve ptice, 1973), une série de télévision : le Chant (Pesma), ‘ la Meute ’  / ‘ la Traque ’ (Hajka, 1977), Au revoir, à la prochaine guerre (Nasvidenje v naslednji vojni  / Dovidenja u sledecem ratu, 1980), l'Odeur du corps (Zadah tela, 1983, d'après son propre roman), la Route vers le Katanga (Na putu za Katangu, 1987), le Déserteur (Dezerter, 1994), le Pays des morts (Drzhava mrtvih, 1998-2000). Le cinéaste succombe pendant le tournage de ce dernier film. D'une lucidité amère, l'œuvre de Pavlović est marquée du sceau du naturalisme le plus cru, le plus décapant. Ses personnages sont souvent des gens simples confrontés à la cruauté du monde qui les environne, monde où les rêveurs et les idéalistes sont vite éliminés au profit de ceux qui savent s'adapter à toutes les péripéties d'une impitoyable lutte pour la vie. ▲