Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
G

GALLONE (Stanislawa Winaweróvna, dite Soava)

actrice italienne d'origine polonaise (Varsovie 1880 - Rome 1957).

Appartenant à une famille aristocratique, elle séjourne d'abord en France avant de s'installer en Italie, en 1911, où son beau visage aux yeux bleu-vert encadré par de magnifiques cheveux capte l'attention des spectateurs qui se pressent pour la voir jouer au théâtre. En 1914, elle fait ses débuts au cinéma et devient rapidement une des divas les plus appréciées du public. Elle épouse Carmine Gallone, qui la dirige dans la grande majorité de ses nombreux films (Avatar, 1915 ; La chiamavano Cosetta, 1916 ; La storia di un peccato, 1917 ; Maman poupée, 1918 ; Il bacio di Cirano, 1919 ; La cavalcata ardente, 1925 ; Celle qui domine, 1927, en langue française). Elle tourne aussi sous la direction de Palermi (Madre, 1916) et de Genina (La peccatrice senza peccato, 1922). Elle cesse de travailler avec l'arrivée du parlant pour suivre son mari dans ses déplacements et se consacrer à sa famille.

GAMIL (Sana)

actrice égyptienne (Manṣurah, v. 1927).

Issue du Conservatoire du Caire, aujourd'hui sociétaire du Théâtre national, sa carrière cinématographique débute assez tard sans jamais l'inciter à abandonner les planches. Indéniablement une très grande actrice, dont la sobriété, l'intensité, le don d'émouvoir sans sensiblerie ni pathétique outré sont exceptionnels. On la voit s'essayer à l'écran sous la direction d'un Aṭif Salim :  ’J'ai détruit mon foyer’ (Hadamtu bayti, 1947), ‘les Amours du millionnaire’ (Gharamu al-millyunir, 1957, avec Kamal ash-Shinnawi) et ‘Rendez-vous avec l'inconnu’ (Maw'id ma'a al-maghul, 1959, aux côtés d'Omar Sharif). Mais ce n'est que l'année suivante que Sana Gamil trouve un rôle à la mesure de son talent, celui de la sœur sacrifiée de Mort parmi les vivants/le Commencement et la fin (S. Abu Sayf, 1960). Elle domine magnifiquement l'éclatant mélodrame : la lente dissolution de la famille, l'abnégation qu'elle mène jusqu'à la perte de son « honneur » pour aider ses frères, l'un qui finit malfrat, l'autre qu'elle adore avant de le découvrir dans sa lâcheté et toute sa triste ambition (Sharif). Elle aura encore deux beaux rôles : dans l'Aube d'un jour nouveau (Y. Chahin, 1964) et dans la Seconde Épouse (Abu Sayf, 1967), puis deux prestations dans des films qui ne sont pas dépourvus d'intérêt : ‘l'Impossible’ (Ḥ. Kamal, 1964) et ‘l'Inconnu’ (Ashraf Fahmi, 1982). Mais elle n'a pas obtenu à l'écran la place qu'elle était en droit d'espérer, que son métier, sa beauté expressive lui eussent assurée dans un registre, de surcroît, très ouvert.

GAMMA.

Symbole du facteur de contraste d'une émulsion photosensible ( CONTRASTE) — Nom donné à la loi de variation de la courbe caractéristique de sensibilité des caméras vidéo (niveau du signal en fonction de l'éclairement).

GANCE (Abel)

cinéaste français (Paris 1889 - id. 1981).

Pionnier du cinéma français avec Louis Delluc et Marcel L'Herbier, il disparut longtemps après ses compagnons, auréolé d'une gloire trop ancienne, laissant peu de films à la hauteur de ses ambitions : la Roue (1923 ;  : 1921) et Napoléon (1927). Si la virulence des critiques à son égard s'atténua avec le temps (les quelques distinctions honorifiques qu'il reçut ne lui furent décernées qu'à la fin de sa vie), c'est parce qu'il ne réalisa plus de nouvelles œuvres, privé de moyens par les producteurs méfiants. « J'ai droit aux interviews, aux hommages, jamais aux commandes », déclara-t-il.

De ses études secondaires, Abel Gance conserve une attirance particulière pour la littérature et le théâtre. Dès 1908, il joue, à Paris, à Bruxelles ; il écrit deux tragédies, dont la Victoire de Samothrace ; il est Molière jeune dans un film de Léonce Perret. « Ce goût pour une littérature passablement décadente lui fait écrire un livre de poèmes, Un doigt sur le clavier, l'amène à composer des scénarii jusqu'au jour où on lui demanda de les réaliser lui-même. » (Charensol, in Panorama du Cinéma, 1930.) Gance peut laisser déborder son imagination ; il écrit, réalise : la Digue (1911), le Nègre blanc (1912), Il y a des pieds au plafond (id.), le Masque d'horreur (id.), Un drame au château d'Acre (1915). Mais Gance veut aller plus loin, explorer la technique pour le plaisir du spectateur et pour le sien. Il réalise la Folie du docteur Tube (1915), riche en essais et trucages. Et malgré l'échec de ce film, il signera une dizaine d'autres films les années suivantes, dont un Barberousse à épisodes (1917) fort apprécié du public. Gance va apporter son concours à l'effort de guerre en réalisant des films de propagande dont certains ne sont pas dénués d'intérêt. Ainsi, après l'Héroïsme de Paddy (1915), Strass et C ie (id.), les Gaz mortels (1916), il réalise la Zone de la mort (1917), qui attire l'attention de la critique, accroît la méfiance de certains producteurs (Gance n'est-il pas l'inventeur du gros plan ?), mais conforte la confiance d'autres, dont Charles Pathé. C'est à partir de 1917 qu'il tourne ses premiers grands films : Mater Dolorosa (1917), la Dixième Symphonie (1918), le célèbre J'accuse (1919), plaidoyer contre une guerre qui le marque profondément, et la Roue (1921-1923), dans lequel « le monde des locomotives, des rails, des disques contraste avec un monde de neige, de sommets, de solitude : une symphonie blanche succédant à une symphonie noire » (A. Gance).

Déjà, les critiques vont souligner l'ambivalence des œuvres de Gance, où le meilleur côtoie toujours le pire : grandiloquence et lyrisme, mais aussi emphase et symbolisme primaire, imagination et créativité puissantes dont il use souvent avec abus, « abondance de richesses neuves et de pauvretés banales et de mauvais goût » (L. Moussinac). Ainsi est Gance : contradictoire et ambitieux, visant toujours plus haut, souvent trop, convaincu de son génie, déçu du manque de conviction de ses interlocuteurs.

Mais sa foi en lui et dans les possibilités du cinéma le conduit à inventer des outils nouveaux quand la technique est défaillante : surimpression, polyvision, prachiscope, polytipar, pictoscope, pictographe, pour lesquels il recevra le prix international de l'Invention en 1954. En 1926, Gance achève la réalisation de Napoléon Bonaparte. Étonnante rencontre de l'Empereur et du cinéaste (qui incarne Saint-Just). À ses techniciens et acteurs, Gance proclame : « Il va vous permettre d'entrer dans le temple des arts par la gigantesque porte de l'histoire. » Grandiose et lyrique, riche en procédés nouveaux, Napoléon est considéré comme le chef-d'œuvre de Gance qui le sonorisera en 1934, et le modifiera en 1971. Mais c'est l'historien anglais Kevin Brownlow qui parviendra à en reconstituer une version quasi intégrale à laquelle New York (1981) puis Londres et Rome (1982), et enfin Paris (1983) feront un triomphe.