Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
C

CIMINO (Michael)

cinéaste américain (New York, N. Y., 1941).

Après des études d'art et d'architecture, puis d'art dramatique, il réalise des films publicitaires, puis collabore aux scénarios de Silent Running (D. Trumbull, 1972), Magnum Force (Ted Post, 1973) et The Rose (M. Rydell, 1980), ce dernier sans être mentionné au générique. Mais c'est son association avec Clint Eastwood, depuis Magnum Force, qui l'amène à écrire et réaliser pour lui le Canardeur (Thunderbolt and Lightfoot, 1974). La thématique de Cimino y transparaît déjà : son goût des affirmations énergiques et des personnages mystérieux, son intérêt pour les situations paradoxales. Voyage au bout de l'enfer (The Deer Hunter, 1978) est pourtant une sorte de révélation, à la fois par la nouveauté de sa construction et par l'efficacité romanesque de sa mise en scène. Le film connaît un remarquable succès commercial, non sans malentendu, car son sujet est moins la guerre du Viêt-nam que la signification de celle-ci pour quelques individus. Cette réussite permet à Cimino d'entreprendre la Porte du paradis (Heaven's Gate), western ambitieux et politiquement dérangeant. Sorti à New York en 1980, ce film coûteux est si mal accueilli par les critiques que la United Artists le retire de l'affiche pour confier au réalisateur le soin d'en préparer une version écourtée. Cette dernière conserve toutefois une belle complexité et une grande invention visuelle mais ne peut sauver la compagnie productrice du désastre. Il faudra que Cimino attende 1985 pour réaliser l'Année du Dragon (Year of the Dragon) où se déploie son romantisme de l'échec mais qui présente des Sino-Américains une vision si caricaturale qu'elle provoquera la polémique. Dans le Sicilien (The Sicilian, 1987) il s'avère incapable d'assurer la moindre crédibilité à l'histoire de Salvatore Giuliano. En 1990, il tourne The Desperate Hours (id.), remake d'un film de William Wyler : explosif, Cimino pulvérise le huis clos par son sens du décor et gomme les poncifs grâce à sa peinture au couteau de personnages ambigus. Malgré ses qualités, le film est un demi-échec commercial et critique qui ne remet pas Cimino en selle comme il l'aurait voulu. En 1996, il réalise Sunchaser, beau road-movie et nouveau succès d'estime qui renvoie Cimino au film publicitaire dans lequel il excelle. ▲

CINÉ.

Abrév fam. de cinéma. La racine ciné- provient de la racine grecque kinê, que l'on retrouve dans kinêma (mouvement  CINÉMA), kinêsis (mouvement, cf. kinésithérapeute), kinêtos (mobile, cf. les dénominations — Kinetoscop et Kinetograph — des appareils d'Edison  INVENTION DU CINÉMA). De même que la racine cinéma dans cinématique, ciné fut employé dans cinétique (relatif au mouvement : énergie cinétique, théorie cinétique, etc.) avant l'apparition du cinéma. Mais, de même que cinéma est aujourd'hui perçu comme dérivé de cinématographe, ciné est aujourd'hui reçu comme diminutif de cinéma.

Plus court que cinéma, ciné a engendré un plus grand nombre de mots, comme :

— cinéaste*  ;

— ciné-club*  ;

— cinémaniaque (personne poussant jusqu'à la manie la passion du cinéma) ;

— cinémitrailleuse (caméra 16 mm installée sur les avions de chasse et déclenchée automatiquement en même temps que les mitrailleuses ou les canons, de façon à enregistrer les résultats du tir) ;

— ciné-parc (mot québécois pour drive* in) ;

— cinéphile (amateur de cinéma ; autrefois, on distinguait volontiers le cinéphile, supposé connaisseur, du simple spectateur, mais cette nuance tend à disparaître) et cinéphilie ;

— cinéroman (roman-photo tiré d'un film) ;

— cinéthéodolithe (caméra spéciale, 16 ou 35 mm, généralement équipée d'un puissant téléobjectif, employée pour filmer les trajectoires des engins spatiaux, particulièrement les tirs de fusées).

Ciné engendra également une quantité importante de noms de marque, comme : Cinecolor (procédé de cinéma en couleurs), Cinépanoramic (procédé d'écran large par anamorphose), Cinérama*, Cinemeccanica (fabricant italien de projecteurs), etc., sans oublier Cinecittà, ensemble de studios et de laboratoires de la banlieue romaine.

Dans le langage populaire, ciné est devenu un substantif, synonyme de cinéma : je vais au ciné ; tout ça, c'est du ciné.

Parallèlement à ciné, kinê a donné lieu aux racines kine (Kinescope, caméra spéciale pour filmer les images d'un récepteur de télévision  VIDÉO) et kino (cf. par exemple Kinopanorama  CINÉRAMA).

Le radical ciné de cinéraire a une tout autre origine : il vient du latin cinis, cendre.

CINEARTE.

Hebdomadaire brésilien (1926-1942). La place envahissante prise par la rubrique « Cinéma » du magazine à grande diffusion Para Todos décide ses éditeurs à publier une revue spécialisée, dirigée par Mario Behring et Adhémar Gonzaga, à l'image de Photoplay, publication américaine populaire entretenant le star-system. Cinearte joue un rôle similaire, contribuant à la pénétration et à l'enracinement des films étrangers au Brésil. Mais, en même temps, il devient la tribune d'un timide nationalisme cinématographique. Cette dualité traduit celle de ses fondateurs. Behring (grand maître des maçons brésiliens) est un défenseur obstiné du libre-échange et un ennemi du cinéma de fiction national ; seul le documentaire trouve grâce à ses yeux, en vertu de son rôle pédagogique et de propagande. Gonzaga est voué corps et âme à la consolidation d'une cinématographie nationale basée sur la fiction ; il condamne sans appel les « actualités » et autres « combines » ayant permis aux opérateurs et cinéastes de survivre pendant des années. L'entente se fait autour du cinéma américain, adopté comme modèle esthétique et industriel. Cinearte, éditée à Rio de Janeiro, fait connaître l'expérience des divers « cycles régionaux » de production du muet, tout en leur prêchant la morale et les conventions hollywoodiennes : un cinéma de studio, éloigné des réalités du sous-développement, ne gardant du pays que la « photogénie » des beautés naturelles. L'équipe de la revue passe à la pratique avec le film Barro Humano (Gonzaga, 1928) ; la sophistication prônée étendra son influence à certaines œuvres de Humberto Mauro. Les velléités industrielles de Gonzaga débouchent sur la création de la compagnie Cinédia (1930). Creuset d'un curieux mélange de mimétisme, d'idéalisme esthétique, et de nationalisme (qui est sous-jacent aux diverses tentatives d'implantation de studios de type hollywoodien et à leur idéal de qualité), Cinearte, ne sera remis en question qu'après l'échec de la Vera Cruz (vers la moitié des années 50) et l'avènement du Cinema Novo.