Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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OPHULS (Max Oppenheimer, dit Max) (suite)

Puis, à partir de 1940, deuxième exil, vers les États-Unis, où Ophuls doit s'imposer, dans une langue et une technique nouvelles. Après plusieurs années difficiles où de nombreux projets avortent, il se voit confier par Howard Hughes la réalisation d'un film (Vendetta) en 1946, mais est chassé du studio après quelques jours de tournage. Sa carrière américaine s'amorce en 1947 seulement avec l'Exilé et surtout avec Lettre d'une inconnue, où Stefan Zweig l'inspire comme naguère Schnitzler.

Lorsque Ophuls reprend enfin en 1950 le chemin des studios français, son talent s'épanouit avec la Ronde, un film à sketches à la salacité enrobée d'humour, suivi du Plaisir, adaptation raffinée de trois contes de Maupassant (dont la Maison Tellier, transformé en émouvant rondo champêtre), puis Madame de, exercice de haute virtuosité qui débute en vaudeville fin de siècle et s'achève en pure tragédie (Danielle Darrieux, qui n'était qu'aguichante dans les deux précédents, y est sublime), enfin Lola Montès, flamboyant oratorio où l'art du spectacle se trouve à la fois transfiguré et moralisé, résolution de tous les thèmes épars jusque-là, retable baroque enchâssant un cœur d'amour épris. D'abord objet d'une véritable cabale, ce dernier film, après bien des péripéties, se voit plébiscité par la jeune critique : ses audaces dans le traitement de la couleur et du CinémaScope en font le plus coûteux et le plus fascinant des films d'avant-garde. Mais c'est aussi, pour Max Ophuls, le chant du cygne. Il meurt d'une inflammation rhumatismale du cœur, après une dernière mise en scène théâtrale, en Allemagne : le Mariage de Figaro.

En exergue à l'œuvre d'Ophuls, on place souvent ce mot de Lola la courtisane : « La vie, pour moi, c'est le mouvement. » Mouvement des formes, mouvements du cœur, mouvement de sociétés. Des valses enchanteresses de Liebelei à celles, qui n'en finissent pas, de Madame de, du manège de la Ronde au tourniquet féerique au centre duquel s'exhibe Lola Montès, en passant par les délicates arabesques de Lettre d'une inconnue, Max Ophuls a dessiné comme à main levée une épure en perpétuelle mouvance, proche du cercle parfait.

Films  :

Dann schon lieber Lebertran (MM, ALL, 1930) ; Die verliebte Firma (ALL, 1932) ; la Fiancée vendue (Die verkaufte Braut, ALL, id.) ; Die lachende Erben (ALL, 1933, 1931) ; Liebelei (ALL, 1933 et sa vers. franç. : Une histoire d'amour, id.) ; On a volé un homme (FR, 1934) ; La signora di tutti (IT, id.) ; Divine (FR, 1935) ; Valse brillante de Chopin (CM, FR, 1936) ; Ave Maria de Schubert (CM, FR, id.) ; Komödie vom Geld (PB, id.) ; la Tendre Ennemie (FR, id.) ; Yoshiwara (FR, 1937) ; Werther (FR, 1938) ; Sans lendemain (FR, 1940) ; De Mayerling à Sarajevo (FR, id.) ; l'École des femmes (FR, inachevé, 1941) ; l'Exilé (The Exile, US, 1947) ; Lettre d'une inconnue (Letter From an Unknown Woman, US, 1948) ; Caught (US, 1949) ; les Désemparés (The Reckless Moment, US, id.) ; la Ronde (FR, 1950) ; le Plaisir (FR, 1952) ; Madame de... (FR, 1953) ; Lola Montès (FR, 1955).

OPTICAL.

Mot angl. pour optique (adj.). Optical effects, effets spéciaux de laboratoire, par opposition à special effects, effets spéciaux de prises de vues. ( GÉNÉRIQUE.) Optical printer, tireuse optique. ( TIRAGE.)

OPTIQUE.

Tireuse optique, tireuse où un objectif forme sur le film copie l'image du film à copies. ( TIRAGE, EFFETS SPÉCIAUX.)

ORDUÑA (Juan de)

cinéaste et acteur espagnol (Madrid 1900 - id. 1974).

Venant du théâtre, il fait au cinéma une carrière de comédien couronnée de succès (Boy, B. Perojo, 1926 ; Nobleza baturra, F. Rey, 1935). Après une tentative isolée durant le muet (Una aventura de cine, 1928), cet ancien galant de l'écran déploie bientôt une intense activité comme metteur en scène (une quarantaine de titres), sans doute l'un des plus prestigieux du cinéma franquiste. Sous le signe de la compagnie Cifesa, il commence par exalter les militaires victorieux (Porque te vi llorar, 1941 ; ¡ A mi la legión !, 1942 ; El frente de los suspiros, id.). Il continue en alternant les genres en vogue : la comédie (Ella, él y sus millones, 1944), le film religieux (Misión blanca, 1945 ; Teresa de Jesús, 1961), les adaptations littéraires (La Lola se va a los puertos, 1947, d'après les frères Machado ; Zalacaín el aventurero, 1954, d'après Pío Baroja), les biographies d'époque (Serenata española, 1947, sur Albéniz). Mais, après le succès sans précédent de Locura de amor (1948), Orduña donne ses lettres de noblesse au florissant film historique, évocation grandiloquente d'un passé impérial que le régime rechigne à considérer révolu : Agustina de Aragón (1950), La leona de Castilla (1951), Alba de América (id.), sans oublier Pequeñeces (1949), d'après le père Coloma. Ces « films à barbe » (comme dit le public) marquent une période : Bardem et Berlanga commencent leur premier film (le Couple heureux, 1951) par une satire de ce type de cinéma. Orduña est aussi responsable du triomphe international de Sara Montiel (Valencia [El último cuplé], 1957), qui donne lieu au sous-genre des « films à couplets » (La Tirana, 1958). Il tourne encore un remake de Nobleza baturra (1965) et une série de zarzuelas pour la télévision (1967-1969).

ORDYNSKI (Vassili) [Vasilij Sergeevič Ordynskij]

cinéaste soviétique (Kostroma 1923 - Moscou 1985).

Diplômé du VGIK en 1954, il fait son entrée dans la « nouvelle vague » avec ‘ Un homme est né ’ (Čelovek rodilsja, 1954) et ‘ les Quatre ’ (Četvero, 1957), évocations de la jeunesse frappantes par leur vigueur réaliste et leur souci de vérité, puis s'affirme avec deux films remarquables par la franchise et la lucidité de leur témoignage sur la « grande guerre patriotique » : ‘ Au seuil de ta maison ’ (U tvoego poroga, 1963) évoque les plus durs moments de la bataille devant Moscou et ‘ Si ta maison t'est chère ’ (Esli dorog tebe tvoj dom..., 1967) est un documentaire de long métrage en collaboration avec l'écrivain Constantin Simonov.

ORLANDO (Silvio)

acteur italien (Naples 1957).

Formé dans sa ville natale par une longue expérience dans le théâtre d'avant-garde, Silvio Orlando rejoint à Milan le Teatro dell'Elfo, que dirige Gabriele Salvatores. C'est ce dernier qui lui donne son premier rôle au cinéma avec Kamikazen (1988) et qui le reprend dans Sud (1993). Orlando devient très rapidement un de ces acteurs capables de tout jouer, comédies et drames : au cours des années 90, outre la veine comique qu'il développe à la télévision, on le voit dans Palombella rossa, Aprile, la Chambre du fils de Nanni Moretti, la Semaine du Sphinx, le Porteur de serviette, Arriva la bufera, la Scuola de Daniele Luchetti, Un altra vita, Vesna va veloce de Carlo Mazzacurati, La mia generazione de Wilma Labate, I Magi randagi de Sergio Citti, Figli di Annibale de Davide Ferrario, Polvere di Napoli d'Antonio Capuano, Fuori dal mondo de Giuseppe Piccioni, Je préfère le bruit de la mer de Mimmo Calopresti (ces deux derniers films sont l'occasion d'interprétations magistrales). Orlando n'est jamais aussi à l'aise que dans des histoires quotidiennes où il joue des hommes ordinaires aux prises avec la vie. Il fait alors l'étalage de ses immenses capacités faites de spontanéité mais en même temps de délicatesse et d'intériorité. Orlando conserve par ailleurs des liens avec le théâtre, où il apparaît régulièrement.