Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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FONDA (Henry) (suite)

Il revient au cinéma avec Permission jusqu'à l'aube (1955), qu'il avait fait triompher à Broadway. Il se brouille avec Ford, mais accepte les propositions qui affluent : le scrupuleux Pierre de Guerre et Paix, le pathétique Faux Coupable ou l'honnête juré de Douze Hommes en colère. Le goût du cinéma lui revient et il semble s'amuser. Ce qui explique que cet homme intransigeant se soit transformé avec délectation en incarnation démoniaque dans les Cinq Hors-la-loi (Vincent McEveety, 1968) ou Il était une fois dans l'Ouest (S. Leone, id.). C'est ainsi encore que se justifient les épiphanies fugitives et les apparitions dans des films médiocres.

Le regard de source claire, le pas mesuré, le geste économe suggèrent l'honnêteté, même dans une composition frénétique comme J'ai le droit de vivre. Sa voix articulée, aux trémolos étouffés, fait vibrer les monologues (les conclusions des Raisins de la colère et de l'Étrange Incident). Mais il sait aussi se taire et son visage sobre de Christ aux douleurs balaye tout (le bouleversant Faux Coupable). Tout en lui est si limpide qu'il a souvent navigué aux confins de la naïveté (la Fille du bois maudit, le Brigand bien-aimé ou Chad Hanna). Le dessinateur Al Capp en fit le modèle de son Lil’ Abner. Cet aspect de son jeu a obscurci quelque peu les autres, riches, nuancés. Il a joué l'indignation (J'ai le droit de vivre), la colère (les Raisins) ou l'obstination stupide (le Massacre de Fort Apache). Mais il fut aussi un acteur de comédie exemplaire, comme en témoigne l'éblouissant Un cœur pris au piège (1941), où on le verra, savant hurluberlu, recroqueviller sa grande taille face à une Barbara Stanwyck qui s'amuse à jouer les mantes voraces.

Acteur avant tout, Henry Fonda est, entre tous, un visage ami, intime. Il suscite l'identification et la compréhension. Il murmure la confidence à l'oreille du public. Il s'est servi de ce rapport privilégié pour s'assurer une des plus belles « sorties » qu'un acteur ait jamais eues. Dans la Maison du lac (1981), professeur à la limite de la décrépitude, il sait, avec un art consommé, jusqu'où il peut être grossier ou mufle. Il s'effraie de l'obscurité d'une forêt, signe de sa mort prochaine, il joue son agonie, puis, finalement, revit, précairement, illusoirement. Comme pour nous dire que, malgré une issue qu'il savait inévitable, son visage de bon pain serait toujours là. Clair, ouvert, généreux, personnification d'un certain idéal démocratique, mais aussi, furtivement calculateur ou durci, humain, son visage est un miroir.

Films  :

la Jolie Batelière (V. Fleming, 1935) ; À travers l'orage (H. King, id.) ; Griseries (I Dream Too Much, J. Cromwell, id.) ; la Fille du bois maudit (H. Hathaway, 1936) ; le Diable au corps (The Moon's Hour Home, W. Seiter, id.) ; Spendthrift (R. Walsh, id.) ; la Baie du destin (Wings of the Morning, H. Schuster, 1937, GB) ; J'ai le droit de vivre (F. Lang, id.) ; Rivalité (Slim, R. Enright, id.) ; Une certaine femme (E. Goulding, id.) ; Collège mixte (I Met My Love Again, A. Ripley et J. Logan, 1938) ; l'Insoumise (W. Wyler, id.) ; Blocus (Blockade, W. Dieterle, id.) ; les Gars du large (Spawn of the North, H. Hathaway, id.) ; Miss Manton est folle (The Mad Miss Manton, Leigh Jason, id.) ; le Brigand bien-aimé (H. King, 1939) ; Laissez-nous vivre (Let Us Live, J. Brahm, id.) ; Et la parole fut (The Story of Alexander Graham Bell, I. Cummings, id.) ; Vers sa destinée (J. Ford, id.) ; Sur la piste des Mohawks (id., id.) ; les Raisins de la colère (id., 1940) ; Lillian Russell (I. Cummings, id.) ; le Retour de Frank James (F. Lang, id.) ; Chad Hanna (King, id.) ; Un cœur pris au piège (P. Sturges, 1941) ; Wild Geese Calling (Brahm, id.) ; Tu m'appartiens (You Belong to Me, W. Ruggles, id.) ; The Male Animal (E. Nugent, 1942) ; la Poupée brisée (The Big Street, I. Reis, id.) ; Qui perd gagne (Rings on Her Fingers, R. Mamoulian, id.) ; Six Destins (J. Duvivier, id.) ; The Magnificent Dope (W. Lang, id.) ; l'Étrange Incident (W. Wellman, 1943) ; Aventure en Libye (Immortal Sergeant, J. Stahl, id.) ; la Poursuite infernale (J. Ford, 1946) ; Dieu est mort (id., 1947) ; Femme ou maîtresse (O. Preminger, id.) ; The Long Night (A. Litvak, id.) ; la Folle Enquête (On Our Merry Way, K. Vidor, Leslie Fenton, 1948) ; le Massacre de Fort Apache (J. Ford, id.) ; l'Ange de la haine (Jigsaw [caméo], Fletcher Markle, 1949) ; Permission jusqu'à l'aube (J. Ford, M. LeRoy, 1955) ; Guerre et Paix (K. Vidor, 1956) ; le Faux Coupable (A. Hitchcock, 1957) ; Douze Hommes en colère (S. Lumet, id.) ; Du sang dans le désert (A. Mann, id.) ; Stage Struck (Lumet, 1958) ; l'Homme aux colts d'or (E. Dmytryk, 1959) ; l'Homme qui comprend les femmes (The Man Who Understood Women, N. Johnson, id.) ; Tempête à Washington (Preminger, 1962) ; le Jour le plus long (A. Marton,..., id.) ; la Conquête de l'Ouest (épisode dirigé par G. Marshall, id.) ; la Montagne des neuf Spencer (D. Daves, 1963) ; Que le meilleur l'emporte (F. Schaffner, 1964) ; Une vierge sur canapé (Sex and the Single Girl, R. Quine, id.) ; Point limite (Lumet, id.) ; Première Victoire (Preminger, 1965) ; Guerre secrète (T. Young, id.) ; le Mors aux dents (B. Kennedy, id.) ; la Bataille des Ardennes (Battle of the Bulge, K. Annakin, id.) ; Gros Coup à Dodge City (A Big Hand for a Little Lady, Fielder Cook, 1966) ; Welcome to Hard Times (Kennedy, 1967) ; les Cinq Hors-la-loi (Firecreek, Vincent McEveety, 1968) ; Police sur la ville (D. Siegel, id.) ; les Tiens, les miens, le nôtre (Yours, Mine and Ours, M. Shavelson, id.) ; l'Étrangleur de Boston (R. Fleischer, id.) ; Il était une fois dans l'Ouest (S. Leone, id. ITAL/US) ; Trop tard pour les héros (R. Aldrich, 1970) ; le Reptile (J. Mankiewicz, id.) ; Attaque au Cheyenne Club (G. Kelly, id.) ; le Clan des irréductibles (P. Newman, 1971) ; le Poney rouge (The Red Pony [TV], Robert Totten, 1972) ; le Serpent (H. Verneuil, 1973, FR/ALL) ; les Noces de cendres (Ash Wednesday, L. Peerce, id.) ; Mon nom est personne (Il mio nome è nessuno, Tonino Valerii, id., ITAL/ALL) ; Un flic véreux (Inside Job, Michael Lewis, id., TV) ; les Derniers Jours de Mussolini (Mussolini : ultimo atto, C. Lizzani, 1974, ITAL) ; la Bataille de Midway (Midway, J. Smight, 1976) ; le Toboggan de la mort (Rollercoaster, James Goldstone, 1977) ; Tentacules (Tentacoli, Oliver Hellman, id., ITAL) ; The Great Smokey Roadblock / The Last of the Cowboys (John Leone, id.) ; l'Inévitable Catastrophe (The Swarm, I. Allen, 1978) ; Fedora ([caméo], B. Wilder, id., ITAL/ALL) ; Meteor (R. Neame, id.) ; la Grande Bataille (La battaglia di Mareth, Umberto Lenzi, 1979) ; Wanda Nevada (P. Fonda, id.) ; Cité en feu (City on Fire, Alvin Rakoff, id.) ; la Maison du lac (M. Rydell, 1981).