Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
A

AVANT-GARDE. (suite)

La deuxième avant-garde

a plusieurs visages. Entre 1921 et 1926, elle est picturale. En Allemagne, elle s'efforce de retrouver au cinéma l'abstraction lyrique et le rythme pur que les arts plastiques (du cubisme et du futurisme au simultanéisme et au suprématisme) ont déjà conquis. Avec Viking Eggeling, Hans Richter, Walter Ruttmann, Oskar Fischinger, elle anime la peinture et la fait devenir. En France, cette recherche demeure concrète, figurative. Fernand Léger, Man Ray, Jean Grémillon, Henri Chomette prennent leurs matériaux dans le monde réel et les soumettent aux transfigurations de la lumière, de la vitesse, des jeux de miroirs. Entre 1924 et 1930, la deuxième avant-garde est dadaïste et surréaliste. René Clair (Entr'acte), Man Ray, Marcel Duchamp, Luis Buñuel (Un chien andalou, l'Âge d'or), Jean Painlevé en France, Adrian Brunel en Angleterre, Hans Richter, Moholy-Nagy en Allemagne, Charles Dekeukeleire en Belgique, Robert Florey aux États-Unis, font passer dans leurs films, presque toujours de court métrage, l'esprit négateur, les provocations sociales, les blasphèmes, la déraison, l'onirisme, l'érotisme, la logique de l'inconscient — thèmes et valeurs subversives dont Tristan Tzara pour dada et André Breton pour le surréalisme sont alors les hérauts.

La troisième avant-garde

(1927-1930) est documentaire. Influencée par le ciné-œil de Dziga Vertov et la rationalité du Bauhaus, elle pose sur le monde réel un regard neuf, poétique et souvent politique. Elle s'attache au collectif, filme les capitales, les grands rassemblements humains. Ruttmann (Berlin, symphonie d'une grande ville), Joris Ivens (Borinage, Zuiderzee), Vigo (À propos de Nice), Richter (Inflation), Siodmak (les Hommes le dimanche), Jay Leyda (A Bronx Morning) portent témoignage sur un monde en crise. La troisième avant-garde produit en Grande-Bretagne l'école documentariste anglaise (1929-1940) et inspire en Italie le meilleur des ciné-clubs universitaires fascistes (CineGUF, 1934-1941). Elle resurgira avec le néoréalisme italien, le free cinema anglais des années 50 et, dans les années 60, avec les différents courants du cinéma direct.

AVATI (Giuseppe, dit Pupi)

cinéaste italien (Bologne 1938).

Avec son frère Antonio (qui fondera la AMA Film), il produit, écrit et dirige un des premiers films « régionaux » : Balsamus l'uomo di Satana (1968), comédie grotesque et féerique. Après des farces grinçantes (La mazurka del barone della santa e del fico fiorone, 1974 ; Bordella, 1975), il dirige deux excellentes œuvres du fantastique moderne, inspirées par des légendes du Pô : la Maison des fenêtres qui rient (La casa dalle finestre che ridono, 1976) et les Étoiles dans le puits (Le strelle nel fosso, 1978). Ses premiers succès populaires sont dus à deux feuilletons autobiographiques et ironiques pour la TV : Jazz Band (1978), Cinema ! ! ! (1979).

En double version pour le cinéma et la TV, il a dirigé Aidez-moi à rêver (Aiutami a sognare, 1981), un musical nostalgique (chorégraphies de Hermes Pan) qui se déroule en Émilie pendant la dernière guerre, à l'arrivée des Américains. Il signe ensuite Dancing Paradise (1982), Zeder (1983), la Balade inoubliable (Una gita scolastica, 1984), Une saison italienne (Noi tre, id.), Impiegati (1985), Festa di Laurea (id.), Regalo di Natale (1986), Ultimo minuto (1987), Sposi (CORE Luciano Mannuzzi, C. Bastelli, F. Farina, Antonio Avati, id.), Histoire de garçons et de filles (Storia di ragazzi e ragazze, 1989), Bix (1991), Fratelli e sorelle (1992), Magnificat (1993), L'amico d'infanzia (id.), Dichiarazione d'amore (1994), L'arcano incantatore (1996), Festival (id.), le Témoin du marié (Il testimone dello sposo , 1997), La via degli angeli (1999) un mélodrame romantique dans la campagne bolognaise puis I cavalieri che fecero l'impresa (2000), l'entreprise de cinq chevaliers au XIIIe siècle pour rapporter le linceul du Christ au roi de France.

AVERBAKH (Ilja) [Il'ja Aleksandrovič Averbah]

cinéaste soviétique (Leningrad 1934 - Moscou 1986).

Après des études de médecine, il suit le cours supérieur de scénario et de réalisation ; il travaille aux studios Lenfilm depuis 1967. Il débute comme réalisateur et scénariste en 1968 : le Degré de risque (Stepen‘ riska), puis Drame de la vieille vie (Drama iz starinnoj žizni, 1971). Il est révélé à l'étranger par un film d'une finesse psychologique attachante et qui doit beaucoup à l'excellent scénario d'Evgueni Gabrilovitch : Monologue (Monolog, 1973). Ses autres films appartiennent à la même veine intimiste : Lettres d'autrui (Čužie pis'ma, 1976), Déclaration d'amour (Ob'jasnenie v ljubvi, 1978), la Voix (Golos, 1982).

AVERY (Fred Avery, dit Tex)

cinéaste d'animation américain (Dallas, Tex, 1908 - Burbank, Ca., 1980).

Maître incontesté du cartoon paroxystique, spécialiste des gags d'exagération et d'agression, son importance est considérable, bien qu'il fût longtemps demeuré mystérieux dans le milieu du dessin animé, où son existence même était mise en doute (on croyait à un prête-nom). Il est finalement reconnu dans les années 50, devient l'objet de nombreuses études et se voit consacrer des hommages rituels à la télévision. Né à Dallas, Texas, comme l'indique son surnom, Tex Avery a débuté en 1930 en animant les Fables d'Ésope de Charles Mintz, en travaillant ensuite chez Harrison et Gould sur Krazy Kat, puis avec Walter Lantz sur la série Oswald le Lapin, enfin aux studios de la Warner chez Léon Schlesinger, où, avec Chuck Jones, Bob Clampett et Ben Hardaway, il contribua à l'invention de la superstar des Looney Tunes, Bugs Bunny. Tex, un géant borgne hilare qui s'adonnait aux farces, créa aussi le chien Droopy, lugubre et balbutiant, chiot minuscule qui s'oppose (à la manière de Buster Keaton) à des troupeaux de moutons voraces, à des bandes de hors-la-loi, à des taureaux furieux, ou à son propre double.

À la Warner, il contribue également à l'élaboration du canard Daffy Duck, du pingouin Chilly Willy, de l'écureuil fou Screwy Squirrel et de l'imbécile Elmer Fudd. Ses pas le conduisent encore à la Universal, la Paramount et à la MGM sous Fred Quimby, enfin aux studios publicitaires Cascade, où se termine sa carrière. Devenu légendaire parmi les autres animateurs, énormément copié, il a posé sa marque sur un style de récit à base de répétitions folles, de changements de taille colossaux (le canari géant, le pygmée demi-portion, histoires rituelles de puces et d'éléphants), d'obsessions de vacarme ou d'insomnie, de boulimies extraordinaires (Billy Boy), de fixations sexuelles délirantes centrées sur des créatures de contes de fées (Cendrillon, le Petit Chaperon rouge, devenues provocantes bombes sexuelles), toutes attribuées au même loup libidineux. Il a créé le Long isnt it ?, gag reposant sur le passage interminable d'un objet oblong devant l'écran, mystifié les projectionnistes en dessinant des poils directement sur pellicule ; et, dans sa dérision des fables édifiantes de gentilles créatures de la forêt ou de gnomes cordonniers, il a su s'imposer comme l'anti-Disney définitif.