Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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FINLANDE. (suite)

Le cinéma finlandais a réussi à survivre sans le secours de genres tels que le western, le film de gangsters ou le thriller. Il a su composer avec une censure aujourd'hui encore sévère et résister à l'envahissement progressif de la télévision. Les structures de la production filmique se sont radicalement transformées au fil des ans. Dans les années 40 et 50, entre quinze et vingt-cinq longs métrages étaient réalisés bon an mal an en Finlande. Pendant la décennie suivante, à mesure que la télévision touchait un plus grand nombre de foyers, la quantité de films produits a chuté pour ne plus être que de six à douze par an, même si on continuait encore à diffuser 133 films par an dans les années 60. Malgré la création de la Fondation finlandaise de cinématographie en 1969, le marasme allait s'aggraver au niveau de la production, et il a fallu attendre 1979 pour discerner les signes d'une reprise. Aujourd'hui, la Fondation joue un rôle important dans la mesure où elle soutient la production cinématographique et en assure la promotion.

Repères historiques.

C'est en 1896 que la Finlande reçoit, comme la plupart des pays européens, la visite du cinématographe Lumière. Huit ans plus tard, une salle s'ouvre à Helsingfors et quelques bandes d'actualité sont tournées. En 1907, le premier film de fiction (quelque 360 m de pellicule) sort sous le titre les Contrebandiers (Salaviinanpolttajat). La Suomi Filmi (d'abord connue sous le nom de « Suomen Filmikuvaamo ») est fondée en 1919 et ne tarde pas à devenir la puissance dominante de la production cinématographique nationale. L'un des associés de la Suomi Filmi, Erkki Karu, s'avère être un metteur en scène talentueux, ainsi que le prouvent des œuvres telles que Quand papa a mal aux dents (Kun isällä on hammassärky, 1923) et Nos garçons (Meidän poikamme, 1929).

En 1933, avec la nomination de Risto Orko à la tête de la Suomi Filmi s'ouvre une ère nouvelle pour le cinéma finlandais. Avec son grand ami et rival T. J. Särkkä, Orko va dominer la scène pendant les vingt années suivantes. Contrairement à la plupart des producteurs, c'était un metteur en scène et un opérateur compétent, dont les plus grands succès appartiennent au registre de la farce mouvementée et de la comédie légère (ainsi, par exemple, l'Intendant de Siltala [Siltalan pehtoori], 1934 ; ou la Fiancée du fantassin [Jääkärin morsian], 1938), mais une bonne partie de son œuvre est compromise par des élans naïfs de patriotisme et des débordements mélodramatiques.

Särkkä, qui a produit 233 longs métrages – dont 49 dirigés par lui-même – entre 1935 et 1963, est de loin le plus prolifique de tous les metteurs en scène finlandais. La Valse du vagabond (Kulkurin valssi, 1941) et Derrière le miroir de la rue (Katupeilin takana, 1949) sont deux de ses films les mieux faits, mais il faut admettre que l'essentiel de sa production a sombré dans l'oubli.

Thèmes.

Deux thèmes ont toujours traversé le cinéma finlandais à la manière d'un leitmotiv : la guerre et la vie rurale. La guerre civile de 1918, les combats de l'hiver 1939-1940 et le conflit dans lequel la Finlande est prise entre les Alliés et l'Allemagne nazie ont, à tour de rôle, occupé un rang primordial sur les écrans du pays. Le film finlandais le plus célèbre, le Soldat inconnu (Tuntematon sotilas, 1955), dit l'héroïsme qui s'est manifesté au cours de la Seconde Guerre mondiale. Dirigé par Edvin Laine* d'après le roman de Väinö Linna, il est centré sur un groupe d'hommes constituant une section de l'armée, sur leurs réactions au combat, leurs révoltes, leurs moments de courage ou de lâcheté.

Parmi les grands films de guerre, on peut citer aussi : Évacué (Evakko, 1956), de Ville Salminen, sur la perte tragique de la province orientale de Carélie pendant l'hiver de 1939-1940 ; Garçons (Pojat, 1962), de Mikko Niskanen, sur l'impact de la présence nazie dans le nord du pays en 1944 ; et la Mort volée (Varastettu kuolema, 1938), mis en scène par Kyrki Tapiovaara*, qui se passe au tournant du siècle, dans les années sombres et incertaines pendant lesquelles les « activistes » menaient une lutte subversive pour s'émanciper de la Russie tsariste. Tapiovaara disparaissait lui-même pendant la Deuxième Guerre mondiale, mais il laissait une poignée de longs métrages, qui allaient inspirer la génération suivante.

La tradition pastorale, quant à elle, est attestée dans quantité de productions finlandaises. Le Cordonnier de village (Nummisuutarit), d'après le roman d'Aleksis Kivi (1834-1872), l'écrivain préféré des Finnois, a été porté à l'écran à trois reprises, en 1923, 1938 et 1957, tandis que le prix Nobel de littérature F. E. Sillanpää (1888-1964) inspirait Silja tourné en 1937 puis en 1956 (cette dernière version par J. Vittika), le Destin d'un homme (Miehen tie, 1940), mis en scène par Tapiovaara, et le Mois des moissons (Elokuu, 1956), dirigé par Matti Kassila*. Autre écrivain important, Hella Wuolijoki (1886-1954), le coauteur de Brecht pour Maître Puntila et son valet Matti (d'ailleurs brillamment porté à l'écran par Ralf Langbacka en 1979), donnait des œuvres bucoliques qui ont été adaptées à l'écran : Loviisa (1946) et Heta de Niskavuori (Niskavuoren Heta, 1952). La Chanson de la fleur écarlate (Laulu tulipuna isesta), un best-seller au moment de sa parution en 1908, mérite d'être mentionné dans l'histoire du cinéma à cause de la version que Mauritz Stiller en a donnée en 1918. Deux fois porté à l'écran en Finlande, ce récit picaresque d'un flotteur de bois amoureux a fourni aux metteurs en scène l'occasion d'exalter la beauté des paysages finlandais.

Dans les années 50, Erik Blomberg* et Matti Kassila* font passer dans leurs films un sens aigu de l'atmosphère et de l'émotion, tandis que Jack Witikka se montre, avec l'Homme de cette planète (Mies tältä tähdeltä, 1958), le critique le plus acerbe et le plus impitoyable de ce vice finlandais qu'est l'alcoolisme. Le début des années 60 est une période relativement stérile, si l'on excepte l'œuvre tout en finesse et en demi-teintes de Maunu Kurkvaara, dont les films tels que Chéri (Rakas, 1961) et Poil de carotte (Punatukka, 1969) attestent l'influence d'Antonioni et de Rossellini.