Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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CHPINEL (Iossif) [Iosif Aronovič Špinel']

décorateur soviétique (Belaya Tserkov' 1892 - [ ?] 1980).

Il est avec Eneï l'un des plus grands décorateurs du cinéma soviétique, s'imposant dès 1929 dans Arsenal (A. Dovjenko), travaillant notamment avec Mikhaïl Romm (Boule de suif, 1934), Grigori Rochal (la Nuit de Saint-Pétersbourg, id. ; l'Année 1918, 1958 ; l'Aube grise [Hmuroe utro], 1959), Vera Stroeva (Une génération de conquérants [Pokoleniye pobe ditelei], 1936), Iouli Raïzman (Machenka, 1942), Aleksandr Stolper (Histoire d'un homme véritable, 1948), Mikhaïl Kalatozov (le Complot des condamnés / la Conspiration des vaincus, 1950), Sergueï Youtkevitch (Skanderbeg, 1953), Boris Kimiagarov (le Destin d'un poète [Sud'ba poeta], 1959), Jurij Vychinski (Appassionata, 1963). Mais il reste surtout célèbre pour sa contribution inspirée aux deux œuvres majeures d'Eisenstein : Alexandre Nevski (1938) et Ivan le Terrible (1942-1946).

CHRÉTIEN (Henri)

physicien français (Paris 1879 - Washington, D. C., États-Unis, 1956).

Inventeur de nombreux dispositifs optiques, il met au point en 1926-27 un système anamorphoseur baptisé Hypergonar. Bien que ce procédé ait servi au tournage d'un film dès 1928, il demeure à peu près inemployé jusqu'en 1952, année où la Fox, exploitant l'invention d'Henri Chrétien, popularise l'écran large par anamorphose sous le nom de CinémaScope. ( ANAMORPHOSE ET SCOPE.)

CHRISTENSEN (Benjamin)

cinéaste danois (Viborg 1879 - Copenhague 1959).

Figure énigmatique, il reste une des plus grandes personnalités de l'ère du muet. Christensen a une trentaine d'années quand il abandonne sa carrière de chanteur d'opéra pour se consacrer au cinéma naissant. L'X mystérieux (Det hemmelighedstude X, 1913) et Nuit vengeresse (Haevnens nat, 1915) proclament sans ambages son goût du mélodrame, tandis que sa maîtrise des ombres et de la lumière le place au même niveau que Louis Feuillade.

Christensen n'arrivera pourtant à asseoir sa réputation qu'en 1921, avec la Sorcellerie à travers les âges (Häxan), tourné en Suède. Ce quasi-documentaire, qui s'inspire des peintres de la Renaissance — Bosch, Cranach, Bruegel, Dürer —, est d'esprit encore plus germanique que la moyenne des films allemands des années 20. La thèse de Christensen est que l'homme rejette toutes les manifestations incompréhensibles de la vie en les mettant sur le compte de la sorcellerie, et que tout culte diabolique émane d'un profond besoin sexuel. Par sa dialectique, la Sorcellerie à travers les âges reste un remarquable ciné-pamphlet, condamnant le puritanisme et l'intolérance. Christensen interprète encore le rôle du peintre épris de son modèle dans Mikael (1924) de Dreyer et dirige quelques longs métrages en Allemagne (Unter Juden et Seine Frau, die Unbekannte, tous deux en 1923 ; die Frau mit dem schlechten Ruf, 1925) avant d'émigrer en 1925 à Hollywood, où il se spécialise dans les thrillers « gothiques », parmi lesquels on peut citer The Devil's Circus (1926), The Haunted House (1928), Seven Footprints to Satan (1929) et The House of Horor (id.). De tous ces films, Seven Footprints to Satan est celui qui illustre le mieux la truculence de l'humour de Christensen. Satan y règne sur une étrange demeure, habitée par de curieux mignons, par un nain, un gorille et quelques dames à la mine austère. Le réalisateur danois n'a jamais eu qu'un seul rival capable de représenter aussi bien le difforme, le grotesque et le malfaisant : c'est Tod Browning.

Pendant les années 30, Christensen retourne dans son Danemark natal, mais l'inspiration semble l'avoir abandonné, car les films qu'il y tourne pendant la Seconde Guerre mondiale paraissent sans intérêt. Pourtant, sa vision très personnelle et sa maîtrise des premiers films d'horreur ont marqué l'histoire du cinéma.

CHRISTENSEN (Bent)

cinéaste danois (Aalborg 1929 - Aalborg 1992).

Christensen, qui commence sa carrière comme acteur — et non des moindres —, se met, à la fin des années 50, à écrire et à réaliser des films. Il s'agit alors d'œuvres faciles et inoffensives, sans mérite particulier, et il faudra attendre la fin des années 60 pour qu'il trouve véritablement sa voie, qui aura été de produire quelques-uns des films danois les plus admirables de cette période (parmi lesquels Dilemme de Henning Carlsen [1962] et Week-end de Palle Kjaerulff-Schmidt, la même année). À titre personnel, la comédie satirique Harry et son valet (Harry og kammertjeneren, 1961) lui a valu un triomphe national.

CHRISTIAN-JAQUE (Christian Maudet, dit)

cinéaste français (Paris 1904 - id. 1994).

Ses études le font pénétrer comme affichiste dans des maisons de production ; puis, épaulé par le metteur en scène Henry Roussell, il travaille sur les décors de Une java (1927). Hugon et Duvivier l'emploient ensuite, alors qu'il s'essaie au journalisme. Le Bidon d'or (1932), pochade sportive, est son premier long métrage. Il va tourner alors des drames et surtout des vaudevilles qui obtiennent la faveur populaire. Sa cadence de travail est étourdissante : cinq à six films par an, dont Fernandel et Armand Bernard se partagent les titres. Le premier anime Un de la Légion (1936), François Ier (1937), Ernest le rebelle (1938) ; le second s'ébat dans la Famille Pont-Biquet (1935) et Sacré Léonce (id.) ; tous deux se retrouvent dans Raphaël le tatoué / C'était moi (1939), conclusion des farces d'avant-guerre. Devenu un parfait technicien, Christian-Jaque adapte de façon remarquable les Disparus de Saint-Agil (1938) et s'attendrit sur l'enfance malheureuse dans l'Enfer des anges (1939). Pendant l'Occupation, il fait preuve de son éclectisme et de son brio : aventures poétiques (l'Assassinat du Père Noël, 1941) ; comédie sentimentale (Premier Bal, id.) ; biographie romantique (la Symphonie fantastique, 1942) ; échappée littéraire (Carmen, 1945 [ 1943]) ; nostalgie des ports et des départs manqués (Voyage sans espoir, 1943) ; résurrection d'une Auvergne âpre et maléfique (Sortilèges, 1945). À la Libération, il proclame avec verve le patriotisme de Boule de suif (1945) et donne un tableau haut en couleur de la bourgeoisie lyonnaise vue par Henri Jeanson (Un revenant, 1946). L'accueil mitigé que l'on réserve à la Chartreuse de Parme (1948) et à Singoalla (1950) n'atténue pas la truculence de Barbe-Bleue (1951), premier essai en couleurs, ni l'allégresse de Fanfan la Tulipe (1952), qui remporte un succès triomphal. Précédemment marié à Simone Renant, puis à Renée Faure, il épouse ensuite Martine Carol. Adorables Créatures (1952), Lucrèce Borgia (1953), Madame du Barry (1954), Nana (1955) et Nathalie (1957) sont surtout une célébration de l'actrice... Tous ces films, ainsi que ceux qui vont suivre, n'attestent plus qu'un incontestable savoir-faire, qui lui permet de raconter brillamment Si tous les gars du monde (1956). Sa bonne humeur et sa désinvolture éclatent jusque dans ses réalisations les plus discutables : les Pétroleuses (1971), la Vie parisienne (1977).