Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
R

Ramus (Pierre de la Ramée, dit)

Philosophe, mathématicien et grammairien français (Cuts, Vermandois, 1515 – Paris 1572).

Il est reçu maître ès arts en 1536, grâce à une thèse qui, déniant toute valeur à l'argument d'autorité, fit scandale. La Sorbonne s'émut et le Conseil du roi condamna Ramus pour ses Aristotelicae animadversiones (1543) qui s'en prenaient à la scolastique. Grâce à la protection du cardinal de Lorraine, Ramus obtient en 1544 le principalat du collège de Presles, puis, en 1551, une chaire de mathématiques au Collège royal. Après le colloque de Poissy (1561), Ramus se jeta dans la Réforme et dut quitter sa chaire. En 1568, il entreprit un voyage en Allemagne, où on lui fit les offres les plus brillantes pour le retenir. Après la paix de Saint-Germain (1570), il revint à Paris. Des assassins, soudoyés par son ennemi Charpentier, le tuèrent lors de la Saint-Barthélemy.

   Aboutissement d'une doctrine dont l'élaboration remonte aux Dialecticae partitiones (1543), la Dialectique (1555) – premier traité philosophique à avoir été écrit en français – représente, par la rupture qu'elle inaugure avec la scolastique, une étape importante dans l'histoire de la logique. Ramus divise la logique en deux parties, envisagées successivement dans les deux livres de son traité, l'invention et le jugement, composé lui-même de trois éléments : l'énonciation, le syllogisme et la méthode. Son souci fondamental est d'unir les principes universels de la raison à « l'usage », c'est-à-dire à l'observation des faits de langage. Au lieu d'inventer ses exemples, la Dialectique les emprunte alors aux écrivains, singulièrement aux poètes antiques spécialement traduits pour la circonstance par les plus grands poètes français contemporains. La Gramere (1re édition en 1562) constitue le second et principal volet de sa doctrine. Divisée elle aussi en deux livres – le premier consacré à l'étymologie, le second à la syntaxe –, elle peut être tenue pour la première grammaire formelle.

Ramusio (Giovanni Battista)

Humaniste italien (Trévise 1485 – Padoue 1557).

Élève de Pomponazzi et ami de Bembo, il participa à l'activité des plus importants cercles humanistes vénitiens tout en exerçant de hautes fonctions sénatoriales. Il rassembla un monumental recueil de récits de voyages qui inaugure l'histoire moderne des expéditions géographiques : Des navigations et des voyages (1550, 1553, 1559), et en particulier celle de Marco Polo.

Ramuz (Charles Ferdinand)

Écrivain suisse de langue française (Lausanne 1878 – Pully 1947).

Le plus important des écrivains de Suisse romande, le plus productif, était petit-fils de paysans et de vignerons, et son le père vendait des denrées coloniales à Lausanne. Après ses études de lettres et un passage à Weimar comme précepteur, il s'installa à Paris, où il vécut de 1902 à 1914, menant une existence vouée tout entière à la création. Il y écrivit des poèmes (le Petit Village, 1903), puis une série de romans « réalistes » : Aline (1905), petit chef-d'œuvre qui, à travers le récit sobre, linéaire, d'une histoire d'amour tragique, laisse entendre une véritable critique sociale. Avec Aimé Pache, peintre vaudois (1912), roman autobiographique, Ramuz, admirateur de Cézanne qu'il voulait « imiter » à sa manière, montrera son attachement à la peinture. Vie de Samuel Belet (1913) va clore cette première série de romans, dont la langue, déjà assez libre, n'a pas eu l'heur de plaire à la critique parisienne.

   La guerre et le retour au pays coïncident avec le début d'une maturation intérieure, et d'une période mystique et lyrique (la Guérison des maladies, 1917 ; les Signes parmi nous, 1919). En 1913, il fonde, avec quelques amis, la revue Cahiers vaudois, qui reste, à l'instar de la Voile latine (1904-1910), un organe favorisant l'autonomie véritable de la littérature romande : autonomie par rapport aux normes parisiennes, par rapport aux exigences morales, encore fort ancrées en Suisse romande, et par rapport au patriotisme bien-pensant, très répandu dans les lettres de son pays. Par la suite, il dirigera la revue Aujourd'hui (1929-1931).

   C'est en 1918 que, grâce à son amitié avec Strawinksy, Ansermet, Auberjonois, il composera son œuvre la plus connue, l'Histoire du Soldat (créée en 1918), œuvre dramatique inspirée d'une légende russe, qui met en scène un soldat vendant son âme au diable. La pièce tient à la fois du théâtre de marionnettes et de la comedia dell'arte : c'est sans doute l'œuvre la plus originale qui ait vu le jour en Suisse romande. À des romans « symboliques », comme Passage du poète (1923) ou l'Amour du monde (1925), succède dans les romans de la maturité (la Grande Peur dans la montagne, 1926 ; la Beauté sur la terre, 1928 ; Farinet ou la Fausse Monnaie, 1932 ; Derborence, 1936 ; Si le soleil ne revenait pas, 1939) un retour à un certain réalisme : le récit, proche d'un scénario de film, présente des caractéristiques du « roman parlant » tel qu'il sera développé, en France, par L.-F. Céline. Les intrigues s'organisent volontiers autour d'un groupe d'hommes et de femmes (s'exprimant à travers un « on » anonyme), reflétant la vie rurale dans le pays de Vaud ou le Valais. Si ces romans valurent à Ramuz d'être considéré, en Suisse alémanique notamment, comme un écrivain régional, il n'en est rien : ils visent toujours l'universalité, dessinant des drames humains, la passion, la folie, la souffrance et la mort qui prennent imperturbablement le dessus, même si l'amour peut les rendre moins durs ou moins cruels.

   Vers la fin de sa vie, Ramuz, qui a également laissé d'importants essais et des écrits autobiographiques (Taille de l'homme, 1935 ; Besoin de grandeur, 1938), devient une sorte de « contemporain capital » de la vie littéraire et culturelle romande dont l'autorité devait persister longtemps après sa mort.

Ranaivo (Flavien)

Écrivain malgache d'expression française (Arivonimamo 1914 – Troyes 1999).

Poussé par les recherches de Jean Paulhan, il étudie les traditions malgaches dans des essais (La jalousie ne paie pas, 1952) et s'inspire du hain-teny dans son œuvre poétique : l'Ombre et le Vent (1947), Mes chansons de toujours (1955), Retour au bercail (1963). Défenseur de la littérature traditionnelle malgache, il manifeste son amour du pays natal dans Tananarive aux mille visages et Images de Madagascar.