Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Stevens (Wallace)

Écrivain américain (Reading, Pennsylvanie, 1879 – Hartford, Connecticut, 1955).

L'ensemble de son œuvre poétique (Harmonium, 1923 ; Notes pour une fiction suprême, 1942 ; Esthétique du Mal, 1945 ; les Aurores de l'automne, 1950) a pour mobile constant une réflexion sur le rapport de la conscience et de l'objet, sur l'aptitude de l'objet à échapper à une définition pleine. La poésie apparaît comme le dernier moyen pour tenter une approche signifiante de l'objet, pour établir le jeu du sens, contre les échecs du symbolisme et du postsymbolisme, et à partir de l'idée que la perte de la foi libère l'imagination et garantit la quête du sens. Cette recherche appelle une symbolique nouvelle et une synthèse qui conduit à la « fiction suprême », qui rassemble les universaux et suggère l'harmonie des choses entre elles, mais aussi des mots et des choses. Subsiste cependant le constat de la précarité du monde, qui interdit au mot et à l'image de se fixer. Aussi la quête poétique devient-elle quête d'un ordre idéal, qui reconduit d'abord à la symbolique de l'ordre naturel (notamment, le cycle des saisons). Le caractère inévitable du changement impose aussi un impressionnisme, point d'appui pour la constitution de la « fiction suprême ». Les essais, réunis sous le titre l'Ange nécessaire (1951), confirment l'éthique de cette poésie et esquissent le portrait du poète comme celui d'un Prométhée du langage, auquel ne serait finalement pas donnée la possibilité de rejoindre le monde par le mot.

Stevenson (Robert Louis Balfour)

Écrivain écossais (Édimbourg 1850 – Apia, îles Samoa, 1894).

Fils et petit-fils de bâtisseurs de phares, en conflit ouvert avec ses parents, pulmonaire, il explore la France et l'Allemagne, s'éprend à Barbizon d'une Américaine divorcée, qu'il épouse en 1879 après l'avoir rejointe en Californie (les Squatters de Silverado, 1883 ; l'Émigrant amateur, 1895). Ses premiers ouvrages attirent rapidement l'attention du public : Voyage avec un âne dans les Cévennes (1879), Virginibus puerisque (1881), les Nouvelles Mille et Une Nuits (1882) progressent vers le roman archétypal. Son roman d'aventures l'Île au trésor (1883) obtient un énorme succès et devient le grand classique du genre. Nouveau succès avec le récit fantastique Docteur Jekyll et M. Hyde (1886), sur le thème du double et des ténèbres de l'inconscient. Un bon docteur désireux de décupler son énergie découvre la drogue qui révélera le sadisme, la volonté de puissance, la violence sexuelle qui sont le refoulé de sa philanthropie. Le double maléfique, d'abord révocable à merci, prend le pas sur sa personnalité. Il finira par se tuer pour tuer le mal en lui. Stevenson s'établit à Hyères à cause de sa santé, sans cesser d'écrire pour les enfants (le Jardin poétique des enfants, 1883-1884 ; Sous-bois, 1887), et revient à son héritage écossais (le Maître de Ballantrae, 1889 ; le Naufrageur, 1892 ; Enlevé, 1886, et sa suite Catriona, 1893). Le Maître de Ballantrae reprend le mythe de la fraternité tragique. Dans les années de paix qu'il connaît à Samoa, Stevenson savoure sa revanche spirituelle sur l'autorité paternelle ; la population locale le surnomme « Tusitala », le conteur d'histoires. Il meurt brutalement d'hémorragie cérébrale à 44 ans, laissant plusieurs textes inachevés (Saint-Ives, Weir of Hermiston).

Stifter (Adalbert)

Écrivain autrichien (Oberplan, Bohême, 1805 – Linz 1868).

Il débute en littérature par des esquisses sur la vie viennoise (Vienne et les Viennois, 1844) et des nouvelles (le Condor, 1840 ; les Cahiers de mon arrière-grand-père, les Grands Bois, 1842 ; le Château des fous, Abdias, 1843 ; l'Homme sans postérité, 1845) qu'il rassemble dans ses Studien (1844-1847). D'autres nouvelles, dont Cristal de roche, sont réunies en 1853 sous le titre Pierres de couleur. Au grand roman d'éducation Après l'été (1857) succède un roman historique, Witiko (1865-1867). Les héros de Stifter découvrent, enclavé dans la nature, un domaine de l'humain qu'il leur est donné d'aménager et d'élargir sans cesse en prévision d'un avenir désormais façonnable. Pour cela il leur faut, avec l'aide de figures d'éducateurs, surmonter leurs passions. Par sa confiance en la raison et l'éducation, Stifter rejoint l'optimisme rationaliste du XVIIIe s. et oppose sa « loi douce » ( das sanfte Gesetz ») à la dialectique historique de Hegel et Hebbel.

Stil (André)

Écrivain français (Hergnies, Nord, 1921-Camélas, Pyrénées-Orientales 2004).

Écrivain engagé (il fut rédacteur en chef à l'Humanité et membre du comité central du parti communiste français), il évoque le Nord des mineurs et des dockers dans ses romans (le Premier Choc, 1951-1952 ; Beau comme un homme, 1968 ; Qui ?, 1969 ; Romansonge, 1976 ; l'Ami dans le miroir, 1977) et ses nouvelles (le Mot « mineur » camarades..., 1949 ; Pignon sur ciel, 1967). Toujours attentif à l'actualité (le Médecin de charme, 1980), il évolue vers une vision plus apaisée du monde, où le bilan d'une vie (Dieu est un enfant, 1979 ; l'Enchanterie, 1998) rejoint l'utopie de « l'optimisme librement consenti » (les Berlines fleuries, 1981 ; les Quartiers d'été, 1984 ; Pêche à la plume, 1985 ; Gazelle, 1991 ; le Mouvement de la terre, 1995 ; Belesta, 2000).

stil nuovo
ou dolce stil nuovo (le doux style nouveau)

École poétique italienne. Si son fondateur fut le Bolonais Guido Guinizelli (vers 1240-1276), l'école trouva son unité dans l'amitié liant, autour de Dante et de Cavalcanti, un groupe de jeunes poètes florentins et toscans (Lapo Gianni, Gianni Alfani, Cino da Pistoia) dont la poésie amoureuse célébrait les vertus rédemptrices de la femme aimée. Nommée en tant que telle dans le Purgatoire (XXIV, 49-63), Dante rend hommage au « père » du « nouveau style », Guido Guinizelli (XXVI, 97-99), dont la « canzone » L'amour trouve toujours refuge dans le cœur noble constitue le manifeste du mouvement. Accomplissant l'évolution idéologique qu'esquissait la poésie amoureuse de l'école sicilienne, Guinizelli y rompt définitivement avec la métaphore féodale de la dame-suzeraine, lui substituant celle de la dame-ange, pour élaborer un nouveau concept de noblesse. Chez Dante, la « douceur » et la « nouveauté » du langage « dicté » par Amour se chargent de connotations philosophiques et métaphysiques, qu'explicitera la « merveilleuse vision » de son poème sacré. Inversement, la « canzone » Dame me prie de Cavalcanti, sans doute le texte théorique le plus important du dolce stil nuovo, dénoncent les effets tragiques de l'amour sur le poète. Dans l'œuvre plus tardive de Cino da Pistoia, les tensions idéologiques s'estompent sous les variations musicales de thèmes convenus, non sans une tendance à l'épanchement autobiographique qui annonce le Canzionere de Pétrarque. Au-delà de l'influence de Pétrarque lui-même, la poésie amoureuse de Laurent le Magnifique et du Politien renoue encore au XVe s. avec la thématique du dolce stil nuovo.