Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
F

Fourès (Auguste)

Écrivain français d'expression française et occitane (Castelnaudary 1848 – id. 1891).

Engagé très tôt dans le journalisme régional de gauche, il deviendra l'ami de Louis-Xavier de Ricard et fondera avec lui l'almanach La Lauseta en 1876. Venu à l'écriture d'oc grâce à Achille Mir, c'est un poète à l'inspiration puissante, ciseleur d'images, amoureux d'élans lyriques, voire véhéments. Il a laissé quatre recueils, Lous grilhs (les Grillons, 1885), Les cants del soulel (les Chants du soleil, 1891), La muso silvestro (la Muse sylvestre, 1896) et La sègo (la Moisson, 1912). Observateur attentif de son milieu social et de son terroir lauragais, il a laissé plusieurs ouvrages à caractère ethnographique. Son idéal politique et son patriotisme occitan suscitèrent de vives polémiques au sein du félibrige, dont il était depuis 1881 un des 50 majoraux.

Fourest (Georges)

Écrivain français (Limoges 1867– Paris 1945).

Devenu avocat, il fréquente les milieux littéraires parisiens et publie en revue, avant de connaître la célébrité avec la Négresse blonde (1909), préfacée par Willy. Sous le patronage de Rabelais, ce recueil cultive l'humour gaillard et le genre burlesque. Tout autant, cet auteur se distingue par une érudition rare qui se traduit par le pastiche, le décalage et l'allusion. Le succès de ce livre, suivi par les Contes pour les satyres (1923), puis par le Géranium ovipare (1935), le place à part dans l'histoire de la Belle Époque, car il maintient en poésie une dimension parodique, à contre-courant de l'évolution des genres poétiques, et les droits d'une fantaisie sarcastique qui n'est pas sans rappeler celle d'un Erik Satie.

Fowles (John)

Romancier anglais (Leigh-on-Sea, Essex, 1926).

Le succès remporté par l'Obsédé (1963) et par le Mage (1965) lui permet de se consacrer à la littérature. Mêlant mythe, artifice et parodie, il est tenté par le roman « ouvert » et s'affirme bientôt comme le premier romancier postmoderne. Dans Sarah et le lieutenant français (1969), faux roman victorien, chacun des chapitres est précédé, en exergue, d'une citation tirée de textes sociologiques, scientifiques ou littéraires du XIXe siècle (Karl Marx, Tennyson, Darwin, etc.). Le narrateur mystificateur cherche constamment à surprendre un lecteur qu'il veut tantôt complice, tantôt dupe de ses supercheries. Avec Daniel Martin (1977) et Mantissa (1982), Fowles illustre la complicité qui unit dans une misogynie sournoise manipulateurs et manipulées au sein de la guerre des sexes. La Créature (1985) mélange deux intrigues, l'une située au XVIIIe siècle, l'autre à la fin du XXe. Cette enquête sur la mort d'un domestique muet et sur la disparition mystérieuse de son maître inclut dépositions et témoignages du procès, dans un jeu de questions-réponses. Fowles prolonge son interrogation sur la nature de la fiction dans son recueil de nouvelles la Tour d'ébène (1974).

Fraigneau (André)

Romancier français (Nîmes 1907 – Paris 1991).

Disciple de Barrès dans son premier roman Val-de-Grâce (1930), il sera reconnu après la guerre comme un maître par les « Hussards ». Ses romans légers et rapides (les Étonnements de Guillaume Francœur, 1935-1942 ; l'Amour vagabond, 1949) exaltent la jeunesse et l'amitié, la liberté et l'élégance, traitant par le mépris qui ne partage pas ces valeurs. On lui doit aussi des journaux apocryphes : le Livre de raison d'un roi fou (1947) et le Songe de l'empereur (1952), sur Julien l'Apostat.

Frain (Irène)

Romancière française (Lorient 1950).

Ses contes (Quand les Bretons peuplaient les mers, 1979 ; Contes du Cheval bleu, les jours de grand vent, 1980) et ses premiers romans (le Nabab, 1982) évoquent les paysages de la Bretagne et les aventures de ses marins. Après le grand succès de deux romans de mœurs (Modern Style, 1984 ; Secret de famille, 1989), elle tente une autobiographie (Histoire de Lou, 1990), puis se tourne vers les aventures d'une femme bandit indienne, Devi (1992), en évoquant dans la postface sa propre « route des Indes ». Elle donne aussi un roman à suspense, l'Homme fatal (1995).

Frame (Janet)

Femme de lettres néo-zélandaise (Oamaru 1924-Dunedin 2004).

Elle entreprit d'écrire dans un but thérapeutique, sur les conseils du psychiatre qui soignait sa dépression, et devint rapidement une des principales figures littéraires de son pays. À la fois fabuliste (Snowman, Snowman, 1963), poète (le Miroir de poche, 1967), nouvelliste (le Lagon, 1951), elle fait de la recherche angoissée de l'identité personnelle le thème principal de ses romans, peuplés de déshérités et de marginaux, qui échappent aux catégories traditionnelles du genre pour s'inscrire dans un univers fantastique et poétique (Quand pleurent les hiboux, 1957 ; Visages noyés, 1961 ; le Bord de l'alphabet, 1962 ; Des jardins parfumés pour les aveugles, 1963 ; État de siège, 1967 ; Vivre à Maniototo, 1979). Vers l'île (1982) est un récit autobiographique que prolonge Un ange à ma table (1984), qui trouve des échos dans un recueil de poèmes plus récent, le Miroir de poche (1992).

France (Jacques-Antoine Anatole Thibault, dit Anatole)

Écrivain français (Paris 1844 – La Béchellerie, Saint-Cyr-sur-Loire, 1924).

À l'égard d'Anatole France, la tiédeur de notre temps est manifeste : il avait été un nouvel « enchanteur » (« le doux chantre aux cheveux blancs » d'À la recherche du temps perdu), mais aussi le bon maître, celui que des générations d'instituteurs avaient donné comme modèle du bien-écrire – simplement, clairement, justement. Il avait été l'humaniste, tout pétri de grec et de latin et l'homme de gauche, le dreyfusard et le compagnon de route du communisme naissant. Plus d'un demi-siècle a coulé depuis son apothéose (prix Nobel et funérailles nationales), et ce demi-siècle peu à peu l'a défait. On s'est aperçu que le style de France était un style et non le style et l'on n'a plus très bien su ce que voulait dire « pureté » quand il s'agissait de langue ; la connaissance des classiques a reculé, au point que des pans entiers de l'œuvre de France relèvent aujourd'hui plus du déchiffrement que de la lecture ; l'adhésion aux idées de gauche, dans ce qu'elle a, parfois, chez France, de doctrinaire, l'anticléricalisme dépassé, le fameux scepticisme « souriant » et le badinage voltairien qui plaisaient tant à une certaine bourgeoisie ont affreusement vieilli. Par quelque point qu'on l'aborde, l'œuvre de France paraît aussi désuète ou naïve que son personnage d'écrivain mondain adoré des salons et satisfait en apparence des hommages d'une société que, pourtant, il regardait sans complaisance.

   C'est bien en effet à une interrogation en règle des mécanismes de la vie sociale, à une mise à nu des conventions et des valeurs admises – celles de la Révolution française dans Les dieux ont soif autant que celles de la république opportuniste dans l'Histoire contemporaine – que l'œuvre de France se consacre. À toutes les grandes crises, de la Commune à la Première Guerre mondiale (« On croit mourir pour son pays, on meurt pour des industriels »), l'œuvre de France réagit. Avant, il a été parnassien comme tout le monde, et de lointains échos des Noces corinthiennes, son poème de 1876, résonnent encore dans Thaïs (1890) ou dans Sur la pierre blanche (1905). Mais autour de la quarantaine le virage s'est accompli : le fils de l'humble libraire du quai Malaquais, qui vit de travaux érudits, fait son entrée en littérature avec le Crime de Sylvestre Bonnard (1881), où l'humour et la culture humaniste endiguent encore l'angoisse née de la Commune. Presque en même temps paraît le premier des quatre livres d'une entreprise étrange et qui n'adopte le genre autobiographique en surface que pour s'en écarter plus sûrement en réalité : le récit de sa vie s'étire du Livre de mon ami (publié à 40 ans en 1885) jusqu'à la Vie en fleur en 1922 (il a près de 80 ans) ; entre-temps, il y a encore Pierre Nozière (1899) et le Petit Pierre (1918). France se fabrique une enfance et une adolescence bien éloignées de celles qui ont été les siennes. En ce travestissement, peut-être faut-il comprendre le refus de tout ce qui – soumission et respect de l'ordre – a étouffé l'enfant et que l'adulte, en effet, va combattre. Au tournant décisif de cette quarantaine, il y a aussi la découverte de l'amour et la longue liaison avec Mme de Caillavet, la chance littéraire et stratégique qui fait de France le chroniqueur du Temps et lui donne en critique une place aussi importante que celle de Faguet ou de Lemaître. Classique de choix et de goût, France ne manifeste pas de grande hardiesse en matière littéraire. Mais comme ceci ne va plus avec cela, ce conservateur en esthétique sera un vigoureux progressiste en politique.

   Face au scandale de Panamá et au boulangisme, l'ironie sera l'arme de France : celle des Opinions de Jérôme Coignard (1893), celle aussi qui s'inscrivait dans la suite saugrenue d'aventures de la Rôtisserie de la reine Pédauque (1893). Mais c'est autour de Dreyfus que l'écriture de France se mobilise exemplairement : au long des quatre tomes de l'Histoire contemporaine (l'Orme du mail, le Mannequin d'osier, 1897 ; l'Anneau d'améthyste, 1899 ; M. Bergeret à Paris, 1901) s'instruit, impitoyable, le procès de ce temps. France y tient un pari délicat : une chose est d'écrire des romans historiques (avec le recueil traditionnel : Thaïs ou Les dieux ont soif), une autre d'écrire ce qui se passe sous vos yeux. Pour y parvenir, France invente un nouveau héros : le « personnage regardant, le héros intellectuel ». Devant M. Bergeret, un universitaire pauvre et ignorant des règles du jeu social, les masques tombent, les mécanismes se grippent, les présupposés du discours et de l'imaginaire social se découvrent.

   Ils se découvriraient cependant pour rien si quelque chose, quelque part, ne devait pas rendre du sens à l'histoire : le socialisme. L'engagement de France est sans ambiguïté, même si son socialisme ressemble plutôt à un néo-saint-simonisme, même si, au centre, il y a une confiance absolue dans la « raison », au sens du XVIIIe s. Officiellement, donc, France croit en l'avenir. Ses textes sont moins rassurants. Partout de l'injustice et partout un conflit insoluble entre la raison et l'action. Partout, par exemple, des procès : celui de Jeanne d'Arc (la Vie de Jeanne d'Arc, 1908), ceux qu'expédie le tribunal révolutionnaire des Dieux ont soif (1912), celui du petit marchand des quatre-saisons dans l'Affaire Crainquebille (1901). Partout, enfin, une inquiétude sur le sens et une méfiance devant les solutions. En témoignent deux textes de la vieillesse : l'Île des pingouins (1907) et la Révolte des anges (1914). Le premier conte l'histoire de pingouins, baptisés par erreur par un saint un peu myope et métamorphosés en hommes. Le livre ne s'achève pas : l'Histoire se répète cycliquement et c'est épouvantable. Le second montre Satan victorieux de Dieu et renonçant pourtant à exercer le pouvoir conquis, puisque ce pouvoir se transformerait en une nouvelle oppression. Au fond, le drame de France est d'avoir redoublé l'ironie de l'Histoire.