Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Ruth (livre de)

Dans la Bible hébraïque, ce petit livre appartient au corpus des Ketoubim (Écrits) et est classé parmi les cinq Megillot (Rouleaux). Dans la liturgie juive, le livre de Ruth est lu lors de la fête de Chavuôt (Pentecôte). Au temps des Juges, un habitant de Bethléem, Élimèlek, pressé par la famine, quitte Bethléem avec Noémi, sa femme, et ses deux fils Mahlôn et Kyliôn, pour se réfugier à Moab. Il y meurt ainsi que ses deux fils, qui ont épousé des Moabites. Noémi, restée seule avec les deux veuves, décide de retourner dans son pays, Juda. Orpa, une de ses belles-filles, rejoint la maison de sa mère ; mais Ruth refuse de quitter sa belle-mère : « Ton peuple sera mon peuple, ton Dieu, mon Dieu. » (Rt I, 16) Elle l'accompagne jusqu'à Bethléem. C'est le temps de la moisson des orges et Ruth part glaner aux champs. C'est là qu'elle rencontre Boaz, parent de son beau-père qui accepte de l'épouser. De ce mariage naît Obed qui sera le grand-père du futur roi David. Une généalogie (IV, 18-22) termine le livre, allant de Pharès, le fils issu de l'inceste de Juda et de Thamar, jusqu'à David. L'auteur du Livre de Ruth a sans aucun doute voulu protester contre les mesures de rigueur prises par Néhémie et Esdras à l'égard des mariages mixtes (Néhémie, XIII, 23-27 ; Esdras, IX-X) : l'aïeul de David n'a pas hésité à épouser une Moabite (I, 22 ; II, 2-21 ; IV, 5-10), qui était venue « s'abriter sous les ailes de Yahvé, le Dieu d'Israël » (II, 12). Le judaïsme comme le christianisme accordent une place importante à Ruth : ancêtre du Messie, elle aurait été l'objet d'une intervention divine qui l'aurait rendue féconde. Elle est mentionnée dans la généalogie que Matthieu donne de Jésus (I, 5). Le récit de Ruth a inspiré de nombreux peintres et poètes, dont V. Hugo dans la Légende des siècles.

Rutherford (William Hale White, dit Mark)

Écrivain anglais (Bedford, Bedfordshire, 1831 – Groombridge, Sussex, 1913).

Fils de dissident, exclu de la faculté de théologie, il donne, avec l'Autobiographie de Mark Rutherford (1881) et la Délivrance de Mark Rutherford (1885), un récit émouvant de la perte de sa foi. Agnostique traducteur de Spinoza, il associe le culte de la nature au radicalisme.

Rutilius Namatianus (Claudius)

Poète gallo-romain (Ve s. apr. J.-C.).

Originaire de Gaule, il fut préfet de Rome en 414. Le voyage qu'il effectua vers 420 pour regagner sa patrie lui inspira un poème, Sur son retour (De reditu suo), où s'expriment une admiration passionnée pour Rome et sa mission civilisatrice et une forte hostilité au christianisme ; ce texte est un des derniers témoignages du paganisme latin.

Ruyslinck (Raymond De Belser, dit Ward)

Écrivain belge de langue néerlandaise (Berchem 1929).

Son pessimisme sur l'avenir de la société et sur l'oppression qu'y subit l'individu s'est d'abord exprimé dans des romans sombres, de facture traditionnelle). S'il reste fidèle à la critique sociale, des notes d'humour et de satire traversent son œuvre plus récente (Techniques d'étranglement, 1980), d'autant plus abondante que l'écriture est pour lui un exil intérieur (le Mauvais Rêve, 1982).

Ruzzante (Angelo Beolco, dit)
ou Angelo Beolco, dit Ruzante

Écrivain, acteur et metteur en scène italien (Padoue v. 1500 – id. 1542).

Auteur de comédies dialectales, il est passé à la postérité sous le nom du plus célèbre de ses personnages : un paysan en qui s'incarnent, avec une bouffonnerie mêlée de tristesse, les principales contradictions de sa classe. Ruzzante compose et apparaît dans Pastoral (1518-1520), Première Oraison (1521) et Seconde Oraison (1528), La Moscheta (1528), le Parlement (1529), La Fiorina (1531-32) et Anconitana (1534-35). La même thématique sociale, centrée autour d'une opposition ville-campagne souvent doublée d'une perspective antivénitienne, se retrouve dans Betia (1524-1525), en 5 actes en vers, où la caractéristique des personnages aboutit à un véritable plurilinguisme dialectal, alors que dans La Piovana (1532) et Vaccaria (1533), imitées de Plaute, la stylisation des types paysans annonce les « masques » des valets de la commedia dell'arte. Ruzzante innove toutefois, non seulement en accordant le premier rôle aux paysans, mais aussi en soulignant leur condition de vie tragique. Ce faisant, il obéit à des préoccupations moins sociales qu'esthétiques et philosophiques, exposées, notamment, dans ses trois Dialogues, en prose, et dans sa correspondance. Il entend moins plaider la cause des paysans qu'illustrer polémiquement à travers eux un concept de nature, qui est l'inversion parodique et hors norme des valeurs investies dans ce concept par la réflexion humaniste.

Rybakov (Anatolii Naoumovitch Aronov, dit)

Écrivain russe (Tchernigov, Ukraine, 1911 – New York, 1998).

Ancien déporté, il est réhabilité à l'issue de la Seconde Guerre mondiale. Il écrit d'abord pour la jeunesse, puis publie des romans (le Sable lourd, 1979, sur l'Holocauste en Ukraine), mais c'est comme auteur des Enfants de l'Arbat (1987), premier roman antistalinien de la perestroïka, qu'il est connu. Le livre, qui constitue le premier volume d'une trilogie (la Peur, 1991 ; Cendre et poussière, 1994), connut des tirages énormes. Il dresse, en suivant les destinées de Sacha Pankratov et des enfants de sa rue, un tableau sévère du stalinisme, car, derrière une intrigue bien menée, Rybakov se veut aussi historien et juge.

Ryck (Yves Deville, dit Yves Dieryck, puis Francis)

Écrivain français (Montmorency 1920 – Paris 2007).

Après sept romans, dont deux policiers, il publie dans la Série noire Opération millibar (1966), livre remarquable où se mêlent science-fiction et espionnage. Plus de vingt titres suivront, où ses héros sont prêts à mourir pour affirmer leur humanité (Drôle de pistolet, 1969 ; le Nuage et la Foudre, 1982). Après quelques titres coécrits avec Marina Edo, il revient à la Série noire avec Fissure (1998).

Rydberg (Viktor)

Écrivain suédois (Jönköping 1828 – Djursholm 1895).

Il composa des romans historiques où l'occulte tient une place importante (le Corsaire de la Baltique, 1857, Singoalla, 1857). Le Dernier Athénien (1859) est une tentative pour ressusciter l'idéal hellénique de la liberté contre le dogmatisme, l'intolérance du christianisme. Théoricien d'une vision du monde idéaliste, il imita Goethe dans des Poèmes (1882) qui éblouissent par leur maîtrise formelle. Son œuvre essentielle, l'Armurier (1892), stigmatise le matérialisme rationaliste.