Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
O

Owen (Gérald Bertot, dit Thomas)

Écrivain belge de langue française (Louvain 1910 – id. 2002).

ll s'est tourné vers le fantastique après sa découverte de Jean Ray. Ses principaux romans (le Livre interdit, 1944 ; Jeu secret, 1950) et recueils (la Cave aux crapauds, 1945, son chef-d'œuvre ; Cérémonial nocturne, 1966 ; la Truie, 1972 ; le Livre noir des merveilles, 1980) suscitent l'épouvante au sein même de la banalité. Présence obsédante du surnaturel, irruptions maléfiques dans le quotidien contrastent avec un humour froid et un style précis qui accentuent l'effroi produit. Owen est aussi critique d'art, et sa rencontre avec le peintre G. Bogaert est à l'origine des Maisons suspectes (1976), où ses quinze contes s'accordent à l'univers étrange du peintre.

Owen (Wilfred)

Poète anglais (Oswestry, Shropshire, 1893 – sur la Sambre 1917).

De sensibilité et d'ambition keatsiennes, sa poésie mue brutalement avec la découverte terrifiée de la guerre, l'enfer des tranchées, le cauchemar du front : « Étrange Rencontre » (1917) est l'un des poèmes les plus violents sur l'absurdité de l'affrontement. Il exprime son indignation face à la propagande patriotique coupée de la réalité barbare des combats. Se décrivant comme « un objecteur de conscience à la conscience très flétrie », il n'aura pas le temps de voir ses poèmes imprimés, puisqu'il est abattu par les tirs allemands en novembre 1917. Précurseur d'Auden et de Spender, il introduit dans la poésie anglaise l'usage des pararimes. Britten a mis ses textes en musique dans son Requiem de guerre (1962).

Oyono (Ferdinand)

Écrivain camerounais (N'Goulemakong, Cameroun 1929).

Il passe son enfance dans la région d'Ebolowa, une zone de forêts et de cacaoyères qui sert de cadre à ses romans, avant de venir en France poursuivre ses études à la faculté de droit et à l'École nationale d'administration, tout en ébauchant la rédaction de ses souvenirs d'enfance. Il publie Une vie de boy (1956), un roman très maîtrisé, qui en laissant la parole à Toundi, le jeune boy naïf, sorte de Candide africain, révèle toutes les tares du système colonial : arrestations arbitraires, tortures, frustrations, mais avec un humour féroce. La même année, le Vieux Nègre et la Médaille manifeste aussi une verve satirique sans égale dans la littérature de l'époque. Chemin d'Europe (1960) est l'évocation picaresque de la « réussite » d'un jeune séminariste camerounais. Ses responsabilités diplomatiques (représentant de son pays à l'O.N.U., présidence de l'Unicef) ont ensuite tenu F. Oyono à l'écart de la scène littéraire.

Oz (Amos Klausner, dit Amos)

Écrivain israélien (Jérusalem 1939).

Il vécut au kibboutz Houlda jusqu'à l'âge de 16 ans puis s'installa dans la ville d'Arade. Il enseigne la littérature à l'Université Ben Gourion. Considéré comme un des chefs de file de la littérature israélienne, connu dans le monde entier et traduit dans toutes les langues européennes, il opère une désacralisation des valeurs de la société israélienne dans laquelle il se trouve. L'atmosphère de ses romans est souvent celle du malaise, de la tension dramatique, du tragique du destin humain. Son premier recueil de nouvelles, les Pays du chacal, paraît lorsqu'il est à peine âgé de 20 ans ; il a le kibboutz pour toile de fond, tout comme son roman Ailleurs peut-être (1966) : malgré l'éthique optimiste et sécurisante que développe le kibboutz, les problèmes existentiels de l'homme y apparaissent dans toute leur acuité. Son second roman, Mon Michaël (1968), obtient un vif succès et est porté à l'écran : le livre se présente comme le journal que tient l'héroïne, Hanna, durant dix ans (1950 à 1960) dans une Jérusalem encore divisée, à l'atmosphère oppressante. En 1971 paraît un recueil de deux longues nouvelles, Jusqu'à la mort. La première aborde le thème de l'antisémitisme au temps des croisades ; le héros de la seconde (Un amour tardif) tente désespérément de dénoncer ce qu'il croit être un complot communiste mondial contre l'État d'Israël. En 1973, le roman Toucher l'eau, toucher le vent a pour personnage principal un mathématicien dont l'odyssée symbolique commence dans les forêts de Galicie, en 1939, pour se terminer en juin 1967 dans un kibboutz de Galilée. La Colline du mauvais conseil (1976), recueil de trois nouvelles, évoque l'atmosphère de Jérusalem, peu avant la fin du mandat britannique. Avec Un juste repos (1982), Oz retourne au thème de ses premières œuvres, le kibboutz et ses conflits internes. On lui doit aussi un roman épistolaire (la Boîte noire, 1987), ainsi que Connaître une femme (1989), Ne dis pas la nuit (1994), Seule, la mer (2000) et tout récemment un roman autobiographique intitulé Histoire sur amour et obscurité. Oz publie aussi des essais (À la lumière d'un azur intense, 1979), des livres pour enfants (Sumhi), pour adolescents (Une panthère dans la cave, 1997) et des recueils de chroniques journalistiques (les Voix d'Israël, 1983).

Öz (Erdal)

Écrivain turc (Yildizeli 1935 – Istanbul 2006).

Critique et nouvelliste, il donne deux romans engagés qui évoque le poids du conformisme et les luttes politiques de la jeunesse (Dans les chambres, 1960 ; Tu es blessé, 1974). Essentiellement actif comme éditeur après 1980, il connaît le succès avec deux recueils de nouvelles (Comme les eaux sont belles, 1998 ; Débris de verre, 2001).

Ozaki Koyo (Ozaki Tokutaro, dit)

Romancier japonais (Tokyo 1868 – id. 1903).

En 1885, il fonda, avec quelques amis, le premier cénacle littéraire du Japon moderne : Kenyu-sha (société des Amis de l'écritoire), d'où sortiront Izumi Kyoka, Tayama Katai et Tokuda Shusei. Après avoir réussi grâce à ses premiers romans (Confessions sentimentale de deux religieuses, 1889 ; Ses trois épouses, 1892), dont le style est marqué par la vieille culture d'Edo (Saikaku, Joruri, kana-zoshi, etc.), il opéra une transition vers le style moderne, proche du langage parlé. Il mourut à 35 ans, laissant le Démon doré (1897-1902), mélodrame qui devint le best-seller de l'ère de Meiji.

Ozick (Cynthia)

Femme de lettres américaine (New York 1928).

Voix centrale du roman juif américain contemporain, Ozick a commencé sa carrière littéraire avec Confiance (1966), roman d'inspiration jamesienne qui met en scène, en Amérique et en Europe, l'hypocrisie d'une riche famille américaine, et formule l'opposition fondamentale entre paganisme et judaïsme qui traverse l'ensemble de l'œuvre (notamment les nouvelles du Rabbin païen, 1971). L'inspiration juive devient de plus en plus prégnante dans son travail, alors que l'Holocauste se place au cœur des histoires de Sang versé (1976). Lévitation reprend le thème, faisant de l'Holocauste un événement qui définit l'identité juive et sépare les vrais juifs de ceux qui, dé-judaïsés, qui ne « lévitent » pas et restent irrémédiablement ancré dans le sol. La lutte entre culture juive européenne, rescapée, et culture américaine, impérialiste, fait l'objet de la Galaxie cannibale (1984) et le Messie de Stockholm (1987). Au même titre que Faulkner ou Morrison, Ozick forge un style dense et intense, qui véhicule les ambiguïtés et les dangers encouru par le judaïsme ancien en Amérique.