Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
B

Bataille (Henry)

Auteur dramatique français (Nîmes 1872 – Malmaison 1922).

D'abord peintre, il débuta au théâtre en 1894 avec une féerie symboliste, la Belle au bois dormant (en collaboration avec R. d'Humières), et la Lépreuse (1896), tirée du folklore breton. Il choisit ensuite d'observer les manifestations de l'« instinct » (Écrits sur le théâtre, 1917) à travers la peinture des mœurs décadentes d'une aristocratie finissante ou d'une bourgeoisie prétentieuse (Maman Colibri, 1904 ; la Femme nue, 1908 ; le Phalène, 1913 ; la Possession, 1922).

Bates (Herbert Ernest)

Écrivain anglais (Rushden, Northamptonshire, 1905 – Canterbury 1974).

Après des nouvelles rurales, des récits de guerre et des romans coloniaux, il reprend les thèmes pastoraux ou tragiques de l'amour bafoué. Chantre de la campagne anglaise menacée par l'urbanisation, il doit son principal succès aux romans consacrés à la famille Larkin, d'Au soleil de mai (1958) à Oh ! être en Angleterre (1963).

Batiouchkov (Konstantine Nikolaievitch)

Poète russe (Vologda 1787 – id. 1855).

Éduqué à l'européenne (il parle français et italien), il fait une carrière de fonctionnaire, même s'il commence à publier dès 1805. Jusque vers 1812, ses poèmes, écrits dans la veine anacréontique, chantent une conception épicurienne de l'existence (Mes pénates, 1811-1812). Par la suite, la tristesse, le doute s'installent et le genre dominant devient l'élégie (À un ami, 1815 ; Le Tasse mourant, 1817). Il est considéré, eu égard à ses conceptions esthétiques et morales, et malgré le classicisme de sa forme, comme un représentant du pré-romantisme russe (voir le Rêve, 1812, au contenu programmatique). Mais si « la rêverie est l'âme des poètes et de la poésie », elle se traduit toujours chez lui par des images objectives, terrestres ; il ignore la spiritualité qui imprègne le romantisme d'un Joukovski. À partir de 1822, il est victime d'une maladie mentale, mais son influence reste forte (la poésie de Pouchkine lui doit beaucoup).

Batteux (abbé Charles)

Écrivain français (Alland'huy 1713 – Paris 1780).

Il enseigne la rhétorique à Reims et à Paris, puis les philosophies grecque et latine au Collège de France. Il entre à l'Académie française en 1761. Pour lui, l'imitation de la « belle Nature » est la clé des arts (les Beaux-Arts réduits à un seul principe, 1746). Ses idées l'éloignent souvent des grammairiens de l'Encyclopédie. Il se rapproche de Condillac (Cours de belles-lettres, 1750 ; Traité de la construction oratoire, 1764). Diderot le discute dans sa Lettre sur les sourds et muets.

Batukezanga (Zamenga)

Romancier, éducateur et philanthrope congolais (ex-zaïrois) de langue française (1933 – 2000).

Né à l'ouest du pays dans une famille protestante, il devient catholique, reçoit une formation aux services sociaux et commence une carrière d'éducateur. Instituteur, directeur des services sociaux de l'université de Kinshasa, défendant les droits des handicapés, fondateur d'une institution pour leur venir en aide, c'est aussi par la plume que Zamenga a entrepris de militer. Son premier récit, les Hauts et les Bas, roman psychologique, publié en 1971, marque le début de sa collaboration avec les Éditions Saint Paul. Il crée ensuite sa propre maison, Zabat, dans laquelle il publie Souvenirs du village (1972), Mille Kilomètres à pieds (1979) ou Un crocodile à Luozi (1979). Ses 23 livres connaissent chacun des tirages de plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires, tout en demeurant inconnus à l'extérieur du pays. La force de son écriture vient de sa connaissance précise des réalités sociales et ethnographiques du Congo. Batukezanga aborde les questions de la sorcellerie, des relations entre les sexes, et surtout la place des sectes et des religions dans un pays en pleine crise spirituelle et économique (les Îles de Soyo, 1979). La générosité de son discours, la qualité de ses textes, inscrits précisément dans le milieu culturel congolais, font de lui le représentant typique d'une forme d'engagement de l'écrivain africain, trop souvent oubliée à l'extérieur du continent.

Batur (Enis)

Poète et essayiste turc (Eskisehir 1952).

Il fait ses études à Ankara et à Paris et est considéré comme l'un des chefs de file de l'avant-garde littéraire depuis 1980. Situé au carrefour de l'influence orientale et occidentale, il se présente comme le plus brillant représentant d'une esthétique de la dissémination tout en se révélant puriste dans le domaine de la langue (Métamor– phoses I-X, 1992 ; Battements d'ailes, 2000 ; Amer Savoir, 2000 ; la Pomme, 2001).

Bauchau (Henry)

Écrivain belge de langue française (Malines 1913).

La guerre marque l'enfance de ce garçon introverti. Étudiant idéaliste, Bauchau milite dans le catholicisme social des années 1930-1940. Après 1945, il choisit l'exil et entreprend à Paris une expérience décisive : une longue psychanalyse avec celle qu'il transposera comme « la Sibylle ». Grâce à elle, il devient « écrivain par espérance » et compose ses premiers vers. Peu d'œuvres ont été élaborées à ce point en parallèle à la reconstruction d'un moi. Ici constamment s'imbriquent exploration de l'inconscient et recherche d'une expression littéraire. Le premier recueil poétique, Géologie, paraît en 1958 ; il a été précédé, en 1954, d'un drame puissant, Gengis Khan, monté par la toute jeune A. Mnouchkine. 1951 est une année de rupture : devant interrompre son analyse, Bauchau part fonder un collège international à Gstaad. Il enseigne, poursuivant à côté une œuvre de poète à l'expression de plus en plus maîtrisée, dont l'inspiration s'ouvre aux terres et aux récits légendaires, même si l'Escalier bleu (1964) renoue avec l'introspection. Mais ce sont deux romans qui vont attirer l'attention : en 1966, la Déchirure, poignant récit rhapsodique de l'agonie d'une mère, en contrepoint de souvenirs d'enfance, puis, en 1972, le Régiment noir où s'entrecroisent western historique et reconstruction mythique d'une figure de père. En 1975, Bauchau, qui a dû fermer son institut, retourne à Paris, où il va travailler dix ans comme psychothérapeute de jeunes, tout en continuant à publier. La rencontre avec l'éditeur H. Nyssen est un tournant : désormais ses œuvres seront publiées par Actes Sud, qui reprend l'ensemble de sa Poésie (1987). La montée soudaine de la notoriété accompagne alors de somptueux récits inspirés librement des mythes grecs, par lesquels l'écrivain, désormais célébré dans son pays natal (réception à l'Académie royale de littérature), trouve enfin la consécration internationale : Œdipe sur la route (1990), Diotime et les lions (1991), Antigone (1997), enfin, rencontrent un vrai succès critique et public. Bauchau, traduit dans le monde entier, a trouvé sa formule avec la sérénité du grand âge.