Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
E

Etcherelli (Claire)

Romancière française (Bordeaux 1934).

Fille d'un docker qui meurt abattu par les Allemands, elle obtient une bourse qui lui permet d'entamer des études, puis travaille à la chaîne pendant deux ans, expérience qu'elle raconte dans son roman le plus célèbre, Élise ou la Vraie Vie (1967, prix Femina), histoire d'amour tragique entre une Française et un Algérien dans le Paris des années 1960 (porté à l'écran par Michel Drach). Ses romans ultérieurs (À propos de Clémence, 1971 ; Un arbre voyageur, 1978) évoquent à nouveau la vie quotidienne des travailleurs sur fond de lutte politique. La misère des humbles est décrite dans un style simple et discret, évitant l'analyse psychologique autant que les lourdeurs du roman à thèse.

Etherege (sir George)

Auteur dramatique anglais (Maidenhead, Berkshire, v. 1634 – Paris ? v. 1692).

Secrétaire d'ambassade en Turquie et en Allemagne, il accompagna Jacques II dans son exil en France. Il a laissé trois comédies : la Vengeance comique (1664), Elle voudrait si elle pouvait (1667), satire de la société mondaine de la Restauration, et l'Homme à la mode, ou Sir Fopling Flutter (1676), où il crée le type du jeune fat entiché des modes françaises.

Éthiopie

C'est au cours de la seconde moitié du Ier millénaire av. J.-C. que des émigrants d'Arabie du Sud, installés sur la côte et sur les hauts plateaux de l'Éthiopie septentrionale parmi les populations indigènes Agaw et Bedja, jetèrent les bases d'une culture originale qui devait trouver son épanouissement au Ier s. apr. J.-C. dans le royaume d'Aksoum.

La période ancienne

Les Sud-Arabiques avaient apporté avec eux leur écriture, qui devait donner naissance à l'écriture éthiopienne, en même temps que se forgeait la langue guèze. Les rois d'Aksoum élargirent l'horizon en portant leurs armes jusqu'à Méroé et au Yémen et en nouant d'étroites relations avec l'Égypte ptolémaïque. L'Éthiopie s'ouvrait ainsi à la civilisation hellénistique et le grec devenait la principale langue des échanges. C'est aussi d'Égypte que vint le christianisme : l'Église éthiopienne resta désormais liée au siège de saint Marc et à la doctrine monophysite du patriarcat d'Alexandrie. Et c'est du grec que furent traduites les œuvres de la littérature chrétienne, en premier lieu la Bible.

   On ne connaît ni la date, ni les auteurs, ni le modèle de ces traductions. Dans l'absence complète de documents contemporains (les manuscrits les plus anciens datent du XIIIe ou du XIVe s.), on en est réduit aux hypothèses. L'opinion la plus généralement admise est que la Bible a été traduite du grec, pour l'essentiel entre la fin du IVe et la fin du Ve s. : le Nouveau Testament sur l'original grec, dans la version syro-occidentale plutôt que dans celle d'Alexandrie, et l'Ancien Testament sur le texte des Septante. Avec l'arrivée des moines syriens, principaux artisans de l'évangélisation de l'Éthiopie aux Ve et VIe s., des traductions syriaques ont dû être utilisées en complément des textes grecs et l'on a pu consulter aussi sur certains points, où l'hébreu se reflète dans la version éthiopienne, des Juifs sans doute immigrés d'Arabie du Sud, mais non pas des Falachas, car ceux-ci ignoraient l'hébreu. Comme les traductions ont été ensuite révisées plusieurs fois, notamment à partir du XIVe s., sur les versions arabes, les éditions plus récentes reflètent la complexité des sources. Outre les livres canoniques, la Bible éthiopienne contient les textes d'apocryphes, qui ne sont parfois connus que par la version éthiopienne. On date de la même période la traduction d'œuvres intéressant l'institution monastique (Vie de saint Antoine, Vie de saint Paul ermite, Règle de saint Pacôme), d'un ouvrage de patristique (le Qêrillos) composé d'écrits et de fragments favorables à l'interprétation monophysite, ainsi que du Physiologus, recueil grec de notices sur les animaux, les plantes et les minéraux. Toutes ces traductions servirent de modèle aux écrits postérieurs.

   Il devait y avoir aussi une littérature orale dont on peut soupçonner l'existence parce que la tradition s'en est maintenue chez les Amhara, les Tigréens ou les Agaw : récits historiques et mythiques, contes, fables, chants guerriers et lyriques, prières, psalmodies, proverbes rimés. Mais l'on n'en a aucun témoignage direct.

   Le royaume d'Aksoum disparaît, vers le Xe s., sous l'effet conjugué du blocus imposé par l'expansion musulmane, des invasions bedja et du soulèvement des populations non sémitisées, notamment agaw. C'est au milieu de l'une d'entre elles, les Agaw du Lasta, qu'apparaît au cours du XIIes. une dynastie chrétienne, celle des Zâgwê, qui rétablit les liens avec Alexandrie et Jérusalem et à qui on attribue les premières constructions d'églises monolithes. En 1270, le dernier roi zâgwê doit céder la place à un prétendant d'origine amhara, qui se réclame de la descendance de Salomon et de la reine de Saba. On ne connaît rien de l'activité littéraire pendant ces siècles troublés. Mais un brillant renouveau accompagne l'essor de la nouvelle dynastie.

La grande époque (XIVe -XVe s.)

L'expansion de la domination amhara s'accompagne de la diffusion du christianisme et les monastères se développent aux avant-postes de la colonisation. La littérature est l'œuvre des moines ; elle est principalement ordonnée à des fins religieuses ou à l'exaltation de la monarchie. Profane ou sacrée, elle est tout imprégnée de culture chrétienne et nourrie de citations pieuses. Bien que l'amharique soit devenu la langue parlée, et officiellement imposée aux populations conquises, elle reste écrite en guèze, langue savante et liturgique.

   L'Église éthiopienne étant liée au patriarcat d'Alexandrie, la littérature éthiopienne bénéficie alors de l'essor littéraire de l'Église copte et s'enrichit de la traduction de nouvelles œuvres provenant d'Égypte. Ces traductions sont désormais toutes faites d'après la version arabe, quelle que soit la langue originale. Les plus anciennes sont la Légende du prophète Habacuc (datée sur le manuscrit de 1293), le Sênodos, recueil des canons de l'Église copte, et l'Histoire universelle de Georges ibn-al Amid, à la fin du XIIIe ou au début du XIVe s., l'Histoire des Juifs de Joseph Ben Gourion et le Roman d'Alexandre du pseudo-Callisthène, au début du XIVe s. On peut attribuer aussi à cette période les premières révisions des Écritures sur des textes arabes et la traduction de divers livres liturgiques.

   Une seconde vague de traductions fut entreprise sous l'impulsion du métropolite Salama (1348-1388) : afin de lutter contre les tendances hérétiques ou dissidentes qui se faisaient jour dans les controverses théologiques, il voulait renforcer les relations avec l'Église d'Égypte et faire connaître en Éthiopie toute la richesse spirituelle de l'Église copte. Ainsi furent traduites les œuvres égyptiennes qui devaient connaître un grand succès et servir de modèle à l'hagiographie indigène : Vies des martyrs, Vies des apôtres, et surtout le Synaxaire, recueil de notices hagiographiques classées selon le calendrier liturgique ; aux saints orientaux et égyptiens furent ajoutés, par la suite, des saints éthiopiens, donc des notices originales.

   Du XIVe s. datent aussi les premières grandes œuvres de la littérature éthiopienne : la Gloire des rois, rédigée, entre 1314 et 1332, pour affirmer la légitimité de la dynastie salomonide et qui amalgame des éléments de la tradition orale avec des passages traduits ou résumés de l'arabe ; l'Histoire des guerres d'Amda Seyon, qui est la première grande chronique royale ; le Livre des mystères du Ciel et de la Terre, ouvrage ésotérique réservé explicitement aux initiés, qui comprend une interprétation de la Genèse dans le sens d'un symbolisme chrétien, une explication de l'Apocalypse de saint Jean et des mystères de la Divinité et des Nombres ; le Roman chrétien d'Alexandre, amplification du roman du pseudo-Callisthène et dans lequel Alexandre devient un héros chrétien. On fait remonter également à cette époque les débuts de la poésie sacrée : hymnes dialoguées relatant la Passion ou la vie des martyrs, interprétées à l'office quotidien.

   Le courant de traductions se ralentit au XVe s. et ne joue plus le même rôle de stimulant de la création littéraire. Le domaine de l'hagiographie s'enrichit cependant de deux opuscules d'origine grecque, grossis d'additions égyptiennes, traduits en 1487-1488 (les Actes et les Miracles de saint Georges), de l'adaptation, avant 1425, de la Vie de saint Alexis (qui transpose la vie de ce saint de Rome à Byzance) et des hagiographies de saints arméniens, témoignages des relations étroites entre l'Éthiopie et l'Arménie, qu'illustre aussi l'histoire de saint Êwostâtêwos. Deux ouvrages ont été appelés à une notoriété durable : le Livre des moines, réunion de trois traités d'origine syriaque sur l'ascèse et la vie monastique, et surtout le Livre des miracles de Marie, traduit de l'arabe dans la première moitié du XVe s., mais qui est une collection d'origine occidentale et notamment française, enrichie de récits originaux dans les différentes chrétientés d'Orient. Il y eut même alors des contacts directs avec les littératures européennes, puisque les Actes de saint Sébastien et le Symbole de saint Athanase ont été traduits du latin et que l'ouvrage original de Georges de Sagla, le Livre des mystères (1424), a été composé pour défendre la foi monophysite à la suite de discussions avec un Vénitien parvenu en Éthiopie.

   Cependant, la littérature originale est devenue très abondante. Le genre le plus en vogue est l'hagiographie qui glorifie, désormais, principalement les saints éthiopiens. On peut y distinguer plusieurs cycles importants : les actes des saints moines qui ont lutté, au péril de leur vie, pour ramener les rois du XIVe s. dans le chemin de la morale et de la religion (comme Filpos, Anorewos) ; les actes des saints fondateurs des deux grands couvents rivaux de saint Étienne de Hayq et Dabra Libanos du Choa : Iyasus Mo'a et Takla Hâymânot ; les vies des derniers rois zâgwê, plus proches de l'hagiographie que de l'histoire ; les vies des neuf saints légendaires venus de Syrie au VIe s., rédigées dans les couvents du Tigré qui s'en réclamaient, ainsi que celle de saint Êwostâtêwos, fondateur du principal ordre monastique de l'Éthiopie du Nord. D'autres encore, dont certaines liées à des controverses théologiques comme la vie d'Abakerazun et l'hagiographie des moines stéphanites.

   Deux courants, déjà bien ancrés, se perpétuent : les livres d'inspiration apocalyptique et eschatologique (comme le Fekkârê Iyasus), et les œuvres célébrant le culte marial, qui fournit un thème inépuisable de prières, d'hymnes et de cantiques. La poésie religieuse de langue guèze s'enrichit d'un nouveau genre : les qenyê, courtes pièces rimées de quelques vers, chantées au cours du service divin et qui jouent de l'allégorie et du double sens. Des antiphonaires ou recueils d'hymnes pour toute l'année religieuse (deggwâ) sont réalisés dès le XVe s. ; ils seront révisés aux XVIe et XVIIe s. pour constituer une collection type en usage dans toutes les Églises.

   La littérature profane est constituée principalement par les chroniques royales – la plus riche étant celle des empereurs Zar'a Ya'qob (1434-1468) et Ba-eda Mâryâm (1468-1478) – et par la poésie guerrière dont on a le témoignage dans les chants épiques en l'honneur du roi Yshaq (1414-1429). Cependant, l'auteur le plus fécond du XVe  s. est l'empereur Zar'a Ya'qob lui-même. Souverain d'une Éthiopie en pleine expansion, mais traversée par de multiples dissensions et hérésies, il écrit ou fait écrire plusieurs ouvrages apologétiques et polémiques, réfutant les thèses des hérétiques et exhortant les populations à renoncer à leurs pratiques traditionnelles entachées de paganisme pour s'attacher au trône et à la religion officielle. Ses deux œuvres les plus importantes sont le Livre de la lumière (Mashafa Berhan) et le Livre de la naissance (Mashafa Milad).