Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
N

nouvelle dramaturgie napolitaine

Mouvance théâtrale italienne.

Après la disparition d'Eduardo De Filippo, la dramaturgie napolitaine a trouvé un nouveau souffle, dont témoigne l'anthologie Après Eduardo. Nouvelle dramaturgie à Naples (1988), qui réunit les textes de Manlio Santanelli (Bellavita Carolina), de Enzo Moscato (Pièce noire) et de Annibale Ruccello, depuis tragiquement disparu (Ferdinando). En effet, à partir des années 1980, Naples devient un pôle essentiel dans la production théâtrale italienne. Moscato écrit Rasoirs (1991), Récidive (1995), et Santanelli, Aberration des étoiles (1988) et Baise-main (1994). L'affirmation de ce théâtre est due à sa capacité à s'enrichir d'autres expériences artistiques (le théâtre de recherche de Leo De Berardinis, le cinéma de Mario Martone, le jeu d'acteurs comme Renato Carpentieri, Antonio Neiwiller, Toni Servillo). Une nouvelle vision de Naples est à la base de toutes ces expériences, qui, grâce à un travail approfondi sur la narration et sur la langue (notamment dialectale), représentent une ville dont le patrimoine mythique est moins le prétexte au comique, comme le voulait la tradition, que l'affirmation d'un nouveau tragique.

Nouvelle Objectivité (Neue Sachlichkeit)

Courant artistique allemand qui doit son nom à une exposition organisée par G. F. Hartlaub en 1925. Contre l'expressionnisme, dont il rejette le pathos idéaliste, il retourne à une forme de naturalisme centré sur la réalité matérielle : « Pas d'effets de style, mais du savoir (...), pas de sentiments, mais de l'objectivité, non le mystère de forces agissantes, mais la claire constatation de faits (K. Jaspers)  ». La littérature intègre alors le reportage (E. E. Kisch), le sport (Brecht : Mahagonny, 1929), l'autobiographie (L. Renn : Guerre, 1928 ; E. Jünger : Orages d'acier, 1920), l'actualité (J. Wassermann : l'Affaire Maurizius, 1928), le matériau brut (Döblin, Berlin Alexanderplatz ; le théâtre documentaire de Piscator). Ces tentatives recoupent des intentions diverses, de Jünger à Brecht en passant par le désengagement désabusé analysé par Broch (Huguenau ou l'Objectivité, 1931). Ces ambiguïtés conduiront Döblin à proposer une synthèse entre l'abstraction expressionniste et la littérature descriptive d'inspiration naturaliste.

Nouvelle Subjectivité (Neue Subjektivität)

Expression créée par M. Reich-Ranicki en référence à un courant apparu dans les lettres allemandes au début des années 1970 : un repli sur soi lié à une crise de la littérature engagée, un retour à l'introspection. Sans avoir de porte-parole ni de principes, cette tendance semble née avec P. Handke : dans Je suis un habitant de la tour d'ivoire (1972), il refuse « la tyrannie des systèmes » ; dans Faux Mouvement (1975) s'expriment une méfiance à l'égard des idéologies et une « recherche de ce qui n'est pas vécu par les autres ». Marquée par la renaissance de l'autobiographie (Canetti, E. Strittmatter, F. Zorn) et la recherche des origines (P. Härtling, S. Lenz, R. Kunze), cette valorisation de l'individu a chez T. Bernhard des résonances métaphysiques (l'Origine, 1975). Elle est le signe d'une nouvelle « sensibilité » : C. Wolf (Christa T ; 1968), U. Plenzdorf (les Nouvelles Souffrances du jeune W., 1972), P. Schneider (Lenz, 1973), M. Frisch (Montauk, 1975), M. Walser (Un cheval qui fuit, 1978).

Novalis (Friedrich von Hardenberg, dit)

Poète allemand (Wiederstedt, Saxe, 1772 – Weissenfels 1801).

Sa vie sentimentale reste placée sous le signe de sa rencontre avec Sophie von Kühn, qui meurt en 1797 à 15 ans. Son œuvre reflète un savoir encyclopédique acquis au fil de ses rencontres (Fichte, Schleiermacher), de ses amitiés (Tieck, Friedrich Schlegel, le groupe de l'Athenäum), de ses lectures personnelles (Jakob Böhme, Frans Hemsterhuis). Les fragments parus en 1798 dans l'Athenäum sous le titre Grains de pollen, tout comme le Brouillon général, projet d'encyclopédie rédigé en 1798 mais non publié, sont autant de tentatives pour exprimer l'analogie universelle, clef de la « romantisation du monde » grâce à laquelle l'homme, ce « citoyen de deux mondes », participe du visible et de l'invisible et déchiffre la nature au moyen de « l'idéalisme magique » (les Disciples à Saïs). Des fragments aux aphorismes, des Chants spirituels d'inspiration piétiste aux Hymnes, des essais politiques au roman romantique, l'œuvre de Novalis est diverse et originale. Son « roman de formation » inachevé, Henri d'Ofterdingen, est publié en 1802. L'idéalisme magique trouve son expression la plus haute dans l'union mystique des Hymnes à la nuit. Son essai politique, la Chrétienté ou l'Europe (publié en 1826), réhabilite le Moyen Âge d'avant Luther et rêve d'un retour à l'âge d'or dans une Europe purifiée par la foi retrouvée. Par-delà la récupération parfois abusive par la seconde génération romantique, conservatrice et restauratrice, Novalis domine, par son œuvre fragmentaire et inachevée, tout le premier romantisme allemand, auquel il donne un symbole (la « Fleur bleue ») et une devise (« C'est vers l'intérieur que va le chemin mystérieux »).

Henri d'Ofterdingen, roman inachevé, paru (posthume) en 1802. Vaste fragment en deux parties (l'Attente, l'Accomplissement), dont seule la première a été rédigée, le roman est conçu comme une réplique au Wilhelm Meister de Goethe, dont Novalis fut un admirateur avant d'en dénoncer le « prosaïsme bourgeois ». « Aux confins de deux mondes », selon la formule de l'idéalisme magique, le voyage du héros est une évasion, mais aussi une initiation à travers les visions (la Fleur bleue qui détermine l'impossible quête) et les contes (« Éros et Fable », « Légende d'Arion »). La rencontre du héros avec le poète-mage Kingsohr et sa fille Mathilde (incarnation de la Fleur bleue perdue dès que trouvée) marque le début de la transfiguration d'Henri en poète. La seconde partie devait, sous l'impulsion de Cyane, révéler le secret de la « romantisation du monde », et, dans l'âge d'or retrouvé, montrer que « toute la race humaine est poétique ». Récit plus féerique que romanesque, Henri d'Ofterdingen reste le roman romantique par excellence, histoire non de l'apprentissage de la vie comme son illustre modèle goethéen, mais de la découverte du poète caché en tout individu.

Hymnes à la nuit, cycle de poèmes, paru en 1800 dans la revue l'Athenäum. L'ensemble de ces six poèmes s'articule autour du troisième Hymne, considéré comme l'Hymne originel. Le poète y relate la vision qu'il eut sur la tombe de Sophie von Kühn, morte à 15 ans : « l'aimable soleil de la nuit » devient la médiatrice entre un Ici-bas plongé dans une lumière splendide mais fallacieuse (Premier Hymne) et l'Au-delà où toute contradiction s'abolit dans la nuit, « source de vie » (Deuxième Hymne). Cette révélation conduit le poète à une inversion volontaire du jour et de la nuit, de la vie et de la mort (Quatrième Hymne). Embrassant dans le cinquième Hymne l'histoire de l'humanité, Novalis rêve du retour à l'Âge d'or, condamne « l'âge de l'obéissance mathématique » et unit dans une même médiation Sophie et le Christ ressuscité. Le dernier poème, Nostalgie de la mort, célèbre la mort-délivrance, l'entrée dans la nuit éternelle et le début d'une vie authentique.