Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
D

Deschamps (Antoine Deschamps de Saint-Amand, dit Antony ou)
ou Antoine Deschamps de Saint-Amand, dit Antoni Deschamps

Poète français (Paris 1800 – id. 1869).

Comme son frère Émile, il appartient à l'histoire du romantisme naissant. Dilettante et esthète, il se passionna pour l'Italie, ses poètes (il traduisit plusieurs chants de Dante), ses paysages et ses artistes. Il en fit une suite de tableaux poétiques colorés (Italiennes, 1832) qu'il tentait d'opposer aux ténèbres d'une destinée qui le conduisait de plus en plus souvent chez le docteur Blanche. Rongé par une inexplicable culpabilité, il s'enferma dans une poésie que dominent les thèmes de la morbidité (Dernières Paroles, 1835 ; Résignation, 1839).

Deschamps (Émile Deschamps de Saint-Amand, dit Émile)

Poète français (Bourges 1791 – Versailles 1871).

Son père tenait salon à Paris. La « naissante hérésie » romantique y forma l'un de ses premiers cénacles. Il y rencontra Henri de Latouche, avec lequel il écrivit deux comédies, Hugo (il fonde avec lui la Muse française en 1823), Vigny (traduction avec lui de Roméo et Juliette en 1827). Sa diffusion des idées de la nouvelle école et l'ouverture aux autres littératures sont prolongées par les Études françaises et étrangères (1828) à l'imposante « Préface ». Deschamps fut l'un des maîtres à penser de ces romantiques qui se réunissaient dans son salon, dont Hugo, qui y lit sa « Préface » de Cromwell (1827). Refusant de s'engager sur le terrain politique et de faire de l'art une arme de combat, il voit son audience décliner. Mais le culte formel dans la « Préface » des Études attire à lui les poètes du « regain de 1830 » (les parnassiens, et même Mallarmé). Il joue le rôle de « maître » auprès des jeunes écrivains pour lesquels il demeurait « la lueur douce de la farouche aurore romantique » (Catulle Mendès). Il contribue à élargir l'horizon français  avec des traductions et des adaptations, de l'anglais (Shakespeare : il fit jouer Macbeth en 1848), de l'allemand (Goethe, Schiller, Uhland et même les Lieder de Schubert), de l'espagnol (le Romancero), du russe. À l'opposé du sonore Hugo, il adopte une attitude mesurée qui traduit plutôt le désir de régénérer le classicisme que celui de bouleverser la littérature. Cette situation explique le recours à l'écriture (« La forme n'est rien, mais rien n'est sans la forme ») et fait de Deschamps le maillon de l'histoire de la poésie française : celui qui unit, par-delà les écoles et les tendances, les amoureux de la forme.

Deschamps (Eustache Morel, dit)

Poète français (Vertus, Marne, 1364 – v. 1407).

Il fut successivement écuyer, chevaucheur, huissier d'armes à la cour du roi Charles V, puis maître des eaux et forêts et bailli de Senlis. La cour de Charles VI semble lui avoir été moins favorable – bien qu'il participe encore, comme auditeur, à la Cour amoureuse, fondée en 1400 dans l'entourage du roi – et il nous a laissé l'image d'une vieillesse aigrie. Il fut moins soucieux de rassembler ses œuvres que ses contemporains (tel Guillaume de Machaut qu'il a connu à Reims), et ses 1 500 poèmes (82 000 vers) sont parvenus dans un ordre tout relatif, classés sans grande rigueur en différents genres : ballades, virelais, rondeaux, lais, chants royaux, pièces en strophes diverses et œuvres latines. L'œuvre lyrique est comme le journal d'une époque, les événements personnels ou collectifs donnant l'occasion de réflexions morales ou ironiques. Parce qu'il est directement concerné par l'événement ou le traite avec une tonalité propre, l'auteur est au centre de son œuvre et annonce celles à venir de Charles d'Orléans et de Villon. Mais c'est surtout son travail poétique qui le distingue et le révèle en grand créateur de formes. Il fixe définitivement les genres, tout en élaborant des schèmes poétiques qui s'imposeront chez les grands rhétoriqueurs, avec un usage systématique de l'allégorie, de l'énumération et du dialogue. Le langage concret, fondé sur des mots rares et familiers, assure la liaison entre la courtoisie et la satire. Son Art de dictier en prose (1392) marque une date dans l'histoire de l'art poétique. Il y détache en effet le lien entre la musique naturelle des mots et celle, artificielle, des instruments ; il substitue au chant et à la voix l'écriture, où se déploie le formalisme. C'est en clerc et en moraliste qu'il apparaît dans son œuvre non lyrique, plus modeste, composée d'adaptations françaises, d'une compilation inachevée en vers, de dits satiriques et d'extraits d'un ouvrage de Nicolas Oresme.

Deschamps (dom Léger Marie)

Écrivain français (Rennes 1716 – Montreuil-Bellay 1774).

Bénédictin de Saint-Maur, il ne semblait pas voué aux audaces philosophiques, mais il élabora un système athée et communiste radical. Certaines de ses idées (la dialectique entre « tout » et « le tout ») ont fait penser à Hegel. Il ne publia de son vivant que la Lettre sur l'esprit du siècle (1769) et la Voix de la raison contre la raison du temps (1770), critique de d'Holbach. On tira de ses manuscrits le Vrai Système ou le Mot de l'énigme métaphysique et morale, publié en 1939.

Desfontaines (Pierre François Guyot)

Écrivain français (Rouen 1685 – Paris 1745).

Jésuite défroqué, il devint un journaliste pamphlétaire spécialisé dans la lutte contre l'esprit philosophique et s'en prit à Voltaire dans les Observations sur les écrits modernes (1735) et la Voltairomanie (1738). Partisan des Anciens, il rédigea un Dictionnaire néologique (1726) contre les innovations linguistiques. Ses activités de traducteur portèrent aussi bien sur Virgile que sur les Voyages de Gulliver de Swift, qu'il adapta en français dès 1727.

Desforges (Pierre Jean-Baptiste Choudard, dit)

Écrivain français (Paris 1746 – id. 1806).

Acteur à la Comédie-Italienne, puis accueilli à Saint-Pétersbourg par Catherine II, il écrivit une vingtaine de pièces, comédies (les Deux Portraits, 1774 ; Tom Jones à Londres, 1782), opéras-bouffes (l'Épreuve villageoise, 1784, sur une musique de Grétry) ou drame « russe » (Féodor et Lisinka, 1787). Il raconta sa jeunesse aventureuse dans le Poète ou Mémoires d'un homme de lettres (1798) et se consacra au récit romanesque (Eugène et Eugénie ou la Méprise conjugale, 1799).