Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Galilée (Galileo Galilei, dit)

Astronome et écrivain italien (Pise 1564 – Arcetri, Florence, 1642).

Jusqu'à sa condamnation par le Saint-Office, en 1633, l'œuvre de Galilée représente une tentative d'ouvrir le discours de la science au-delà du champ de sa spécificité. C'est ainsi, notamment, que dans le Dialogue des grands systèmes (1632) il s'efforce non seulement de dialoguer avec ses adversaires pour les persuader, mais aussi de les libérer des résistances inconscientes qui font obstacle à la reconnaissance de la vérité. Feignant, selon les directives des autorités romaines, d'énoncer la théorie copernicienne sous forme d'une pure hypothèse, Galilée rassemble en effet toutes les preuves scientifiques qui fondent la vérité. L'histoire de son œuvre est justement l'histoire d'un combat contre ceux qu'aveuglent les évidences de la science dès lors que celles-ci remettent en cause l'ordre du monde. Et ce, bien avant la dramatique conclusion du procès de 1633, puisque dès 1616 les hypothèses de Copernic avaient été condamnées par le Saint-Office, alors que Galilée les avait déjà ouvertement soutenues, en 1613, dans son Histoire et démonstrations autour des taches solaires. L'Essayeur, publié en 1623 par l'Accademia dei Lincei, est le second acte de cette polémique. Il s'agit d'une impitoyable réfutation, paragraphe par paragraphe, de la Balance astronomique et philosophique, composée par le jésuite Orazio Grassi sous le pseudonyme de Lotario Sarsi, en réponse au Discours des comètes, qui, sous la plume de son disciple Mario Guiducci, défendait les thèses de Galilée lui-même. Au-delà de la polémique (dont l'aspect le plus plaisant est que, feignant d'être abusé par son pseudonyme, Galilée ne cesse de démontrer qu'Orazio Grassi ne saurait être l'auteur d'un traité aussi inconséquent que la Balance), l'Essayeur développe avec force quelques-unes des idées fondamentales de Galilée, notamment à propos des caractères mathématiques qui composent la langue dans laquelle est écrit le « grand livre du monde ». Avant de peser sur l'avenir de la science italienne, désormais repliée sur elle-même jusqu'à s'interdire de penser la théorie de sa propre pratique, la condamnation de 1633 poussera Galilée à rédiger son testament scientifique (Discours concernant deux sciences nouvelles, 1638) dans un langage accessible uniquement aux spécialistes. La poétique baroque de la « meraviglia » a son origine et son foyer le plus incandescent dans l'exorde du Messager céleste (le Messager céleste, 1610) à travers lequel Galilée annonce au monde l'existence des quatre satellites de Jupiter et où il exprime son émerveillement face au prodigieux spectacle du nouveau monde céleste. Galilée est aussi l'auteur de dissertations littéraires sur l'Enfer de Dante, sur le Tasse et sur l'Arioste, son poète préféré.

Galland (Antoine)

Orientaliste et écrivain français (Rollot, près de Montdidier, 1646 – Paris 1715).

Il accompagna de 1670 à 1675 l'ambassadeur de France à Constantinople. Antiquaire du roi (1679), professeur au Collège de France (1709), il a laissé un Journal (1672-1680) de ses voyages et diverses traductions ou adaptations, dont la plus importante, celle des Mille et Une Nuits (1704-1717), contribua à lancer la mode orientale, ouvrant le récit au merveilleux, à l'érotisme et à l'exotisme.

Gallardo (Bartolomé José)

Écrivain espagnol (Campanario 1776 – Alcoy 1852).

Esprit mordant et caustique, il publia de nombreux pamphlets politiques et littéraires (Dictionnaire critico-burlesque, 1811). Il fut un des premiers bibliographes de son temps et un des initiateurs de la critique historique. La documentation qu'il laissa à sa mort permit à Sancho Rayón et à Zarco del Valle de publier le monumental Essai d'une bibliothèque de livres rares et curieux (1869-1889).

Gallego (Juan Nicasio)

Prêtre et poète espagnol (Zamora 1777 – Madrid 1853).

Célèbre pour ses odes politiques et patriotiques qui lui valurent l'exil et la prison (À la défense de Buenos Aires, 1807 ; le 2 mai, 1808), il oscille entre le néoclassicisme et les premières influences du romantisme (il traduisit Manzoni) dans ses élégies, ses sonnets anacréontiques et son roman (le Comte de Saldagne, 1826).

Gallegos (Rómulo)

Homme politique et écrivain vénézuélien (Caracas 1884 – id. 1969).

Épris de liberté, il participa activement à la vie politique de son pays et accéda à la présidence de la République en 1947, avant d'être chassé l'année suivante par une junte militaire et de s'exiler, d'abord à Cuba puis au Mexique. Il n'en publia pas moins de nombreuses nouvelles et dix romans, où il se montre un analyste lucide de la vie politique, sociale et culturelle de son pays et de l'Amérique latine aux prises avec l'héritage colonial et une difficile mutation, sans jamais que la fiction s'efface derrière la thèse ou l'idéologie. On peut distinguer trois étapes dans sa production romanesque. La première étape, avec le Dernier Solar (rebaptisé Reinaldo Solar), son premier roman (1921), et la Plante grimpante (1925), appartient à la littérature d'analyse psychologique : on y assiste à la décadence de héros qui symbolisent les grandes familles du féodalisme fin de siècle. Dans la deuxième étape, qui comprend ses deux chefs-d'œuvre, Doña Bárbara (1929) et Canaima (1935), ainsi que Chanteclair (1934), la nature occupe une place prééminente, devenant même, à bien des égards, le véritable protagoniste : Doña Bárbara, roman dans lequel l'influence du milieu naturel (llanos) est déterminante, met en scène une maîtresse femme, véritable transposition du macho traditionnel ; Canaima se situe dans la redoutable forêt de l'Orénoque, et dénonce le caciquisme ; Chanteclair est un poème en prose dédié à la savane. La troisième étape est marquée par un équilibre entre les deux tendances précédentes : Pauvre Nègre (1935) aborde le problème racial, à travers une histoire qui se déroule entre 1820 et 1880, et dont les héros sont la proie d'un conflit avec les forces obscures de la terre ; l'Étranger (1945) quitte le monde rural pour la ville, en particulier pour les milieux politiques corrompus.

   Gallegos reviendra à la technique naturaliste et au monde de la campagne et de la forêt avec Sur la même terre (1947), autour du thème du pétrole et de la lente transformation d'un Venezuela agricole en puissance industrielle, dont sont inexorablement victimes les populations indigènes. Si le Fétu de paille dans le vent (1952) se déroule à Cuba et décrit les luttes sociales au temps de la crise du sucre et de la dictature de Machado, son dernier roman, posthume (la Terre sous ses pieds, 1969), dont les premières ébauches datent de 1950, n'a pas reçu sa forme définitive : il traite de la réforme agraire du Mexique post-révolutionnaire, et du nouveau caciquisme qui a détourné à son profit l'esprit de la révolution, thème abondamment repris par le Mexicain Carlos Fuentes.