Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
B

Bélisaire
(Diégesis tou thaumastou andros, tou legoménou Belisariou) [Histoire admirable de l'homme appelé Bélisaire]

poème byzantin dont il existe trois versions, la deuxième (en 840 vers) étant l'œuvre d'Emmanuel Georgillas Limenite (XVe s.), les deux autres (556 et 997 vers) étant anonymes. Composée d'un mélange de faits véridiques et légendaires, l'œuvre rappelle les hauts faits du général de l'empereur Justinien. Ce personnage du héros en butte à la jalousie et aux calomnies a inspiré également Antonio Míra de Améscua (El ejemplo major de la desdicha, 1632), Rotrou dans une tragédie (Bélisaire, 1642), La Calprenède dans une tragi-comédie (Bélisaire, 1659), Goldoni dans un drame populaire (1734), Marmontel dans un roman (Bélisaire, 1767).

Bellamy (Edward)

Écrivain américain (Chicopee Falls 1850 – id. 1898).

Journaliste fondateur des Springfield News (1880), puis d'un périodique socialiste à Boston (la Nation Nouvelle, 1891), il donne d'abord des romans sentimentaux et historiques, puis renouvelle sa manière avec Cent Ans après (1888), où l'utopie, sous la fiction du sommeil magnétique, est mise au service d'une critique de l'ordre social américain et de l'appel à un capitalisme d'État, seul capable d'assurer l'organisation industrielle de la nation. Égalité (1897) est une suite qui s'attache à la dénonciation du profit. Le héros de Cent Ans après, Julian West, se réveille en l'an 2000 dans ce qui fut Boston, après un sommeil de cent treize ans, provoqué par une passe magnétique excessive. Il découvre une Amérique – et, apparemment, une planète – métamorphosée en une société pacifiée, unifiée, homogénéisée, d'où tous les conflits, et leur raison d'être, ont disparu. Le moyen employé ? La concentration des entreprises en un seul monopole gigantesque, le « Grand Trust », qui possède, gère et fait fructifier la totalité de l'activité économique, mais aussi sociale et politique. Tout individualisme a disparu, l'uniformisation est la règle et seuls prévalent désormais les besoins collectifs.

Bellamy (Jacobus)

Poète hollandais (Flessingue 1757 – Utrecht 1786).

Membre du cercle littéraire « Dulces ante omnia musae », il fit paraître ses premiers vers sous le pseudonyme de Zelandus. Auteur de poèmes d'amour (Chants de ma jeunesse, 1782) et de Chants patriotiques (1782-83), il pratiqua le vers non rimé et fonda, en 1784, une revue littéraire (le Spectateur poétique).

Bellaud de la Bellaudière (Louis)

Poète provençal (Grasse 1543 – id. 1588).

Fils de basochien, il fut lui-même proche des milieux judiciaires après avoir été étudiant à Aix. Vers 1572, il s'enrôle dans une troupe royaliste et mène une vie d'aventures qui le conduira en prison à Moulins. De retour à Aix en 1577, il sera serviteur ordinaire du gouverneur Henri d'Angoulême, évoluant dans une société brillante, mais connaîtra à nouveau la prison en 1583 et 1585. Son premier recueil Obros e rimos est le journal, en 159 sonnets, de sa détention à Moulins, comme son second Lou dondon infernau (1584), celui de son séjour dans les geôles d'Aix. Le troisième recueil Lou passatens est posthume (1595). Son œuvre, riche d'une expérience personnelle, le distingue de ses contemporains français pétrarquisants : baroque, satirique, humoristique souvent, se parant d'un pittoresque verbal qui n'exclut pas un ferme dessin, elle tient une place originale dans la poussée des renaissances du XVIe siècle en pays d'oc.

Belleau (Rémi)

Poète français (Nogent-le-Rotrou 1528 – Paris 1577).

Il publie sa première œuvre en 1556, une traduction des Odes d'Anacréon, suivie de « quelques petites hymnes de [son] invention, et autres diverses poésies ». Il s'agissait là d'un recueil très composite de pièces poétiques assez courtes : hymnes-blasons (genre à la mode et pratiqué à la même époque par Ronsard) consacrés à des animaux (le papillon, l'huître, l'escargot), ainsi qu'à toutes espèces d'entités (l'heure, l'ombre, les cornes, le pinceau), chansons, complaintes, épitaphes, épigrammes. Divers sont les thèmes (scientifiques, amoureux, mythologiques), divers également les registres (lyrique, épique, élégiaque, satirique).

   La plus célèbre des œuvres de Belleau, la Bergerie, pastorale en prose et en vers imitée de l'Arcadie de Sannazzano (la première édition comprenant la « Première Journée » est de 1565 ; la seconde, en deux Journées, de 1572), est constituée d'une trame narrative très lâche dans laquelle sont insérées de nombreuses pièces poétiques de types variés, souvent composées antérieurement et indépendamment les unes des autres : idylles, chansons, sonnets pétrarquistes, baisers. De ces poèmes, la matière comme la manière sont celles des principales sources d'inspiration qui furent, successivement ou simultanément, dans les années 1550-1560, celles de tous les poètes de la Pléiade et de leurs disciples : le pétrarquisme, l'alexandrinisme, la poésie néolatine. À cette veine commune, Belleau imprime sa marque propre : la grâce alanguie, le raffinement précieux du style « mignard ».

   C'est dans les Amours et Nouveaux Échanges des pierres précieuses, recueil d'hymnes-blasons publié en 1576 puis enrichi d'un complément dans l'édition posthume des œuvres du poète en 1578,  que le génie de Belleau apparaît. Si l'idée de « blasonner les pierres » n'était pas nouvelle (qu'on pense à la Couronne margaritique de Jean Lemaire de Belges), l'originalité du projet de Belleau consistait à « escrire des Pierres, tantost les déguisant sous une feinte métamorphose » (ce sont les Échanges), « tantost les faisant parler, et quelquefois les animant de passions amoureuses et autres affections secrètes » (ce sont les Amours). Comme son titre l'indique, l'œuvre comporte, d'une manière générale, deux types différents de pièces : des pièces lyrico– ou épico-narratives d'une part (les Amours, poèmes dans lesquels l'origine des pierres est rapportée aux amours de divinités ou d'êtres mythologiques), des pièces scientifico– ou lyrico-descriptives d'autre part (les Échanges, dans lesquels cette origine est expliquée par une métamorphose). Du point de vue du genre, ces pièces offrent une diversité plus grande encore : hymnes, élégies, contes, chansons à boire. Non moins grande est la variété de leur structure métrique, les poèmes non strophiques à rimes plates (dans les pièces narratives) alternant avec les poèmes strophiques (dans les pièces descriptives). Ce recueil se caractérise aussi par une vision cosmique de la Nature et une certaine réflexion philosophique.

   Ce n'est qu'après la mort du poète que parut, en 1578, la première édition complète de ses œuvres, où figurait pour la première fois une comédie composée sans doute dans les premières années de sa carrière littéraire, la Reconnue.