Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
C

Curval (Philippe Tronche, dit Philippe)

Écrivain français (Paris 1929).

Ses premiers romans (les Fleurs de Vénus, 1960 ; le Ressac de l'espace, 1962) témoignent de multiples influences (romantisme allemand, surréalisme, roman populaire), et on découvre dans son style l'empreinte de Melville, de Jünger, de Malcolm Lowry, de Pierre Loti et de Raymond Roussel, dont les théories littéraires lui inspirent les Sables de Falun (1970). Après Cette chère humanité (1976), il évolue vers une sensualité teintée d'ironie (Y a quelqu'un ? le Dormeur s'éveillera-t-il ?, 1979). Plus récemment, il a donné Congo Pantin (1995) et un récit plus classique, Voyage à l'envers (2000).

Curvers (Alexis)

Écrivain belge de langue française (Liège 1906 – id. 1992).

Poète, auteur dramatique (le Vieil Œdipe), animateur des Cahiers mosans, il est à la fois le romancier satirique de la dévotion populaire (Bourg-le-Rond, 1937, avec J. Sarrazin), l'observateur attendri de l'inquiétude adolescente (le Printemps chez les ombres, 1939) et de l'émerveillement (Tempo di Roma, 1957). Son écriture néoclassique séduisit la critique française, qui couronna ce dernier roman du prix Sainte-Beuve.

Custine (Astolphe, marquis de)

Écrivain français (Niederwiller 1790 – Paris 1857).

Issu d'une famille noble décimée par la Révolution, il fréquente sous la Restauration le Paris littéraire. Plus que ses romans (Aloys, 1829), ses récits de voyages (la Russie en 1839) rencontrent un grand succès et le présentent comme un adversaire du despotisme. Dandy salué par Baudelaire, homosexuel, aventurier, Custine est une figure romantique intéressante et complexe, dont une partie importante de l'œuvre sera publiée à titre posthume (Lettres à Rahel, 1870 ; Lettres au marquis de La Grange, 1925).

cut-up

Technique d'écriture pratiquée par William Burroughs, qui en attribue l'idée première au peintre Brion Gysin. Le cut-up, que Burroughs définit comme une « méthode de pliage », consiste à transposer dans l'écrit la pratique du collage, inaugurée par les peintres. Le cut-up est donc d'abord emprunt et transcription, et même duplication typographique, d'ensembles ou de fragments verbaux, oraux ou écrits, de telle manière que l'écriture littéraire soit écriture seconde et parataxique, constituée par la série des emprunts qui sont autant de découpes, finalement aléatoires, dans la masse des discours disponibles. L'écriture déconstruit ainsi les stéréotypes discursifs tout en constituant une cohérence textuelle liée uniquement à ses procédures de production. Le cut-up est une forme d'écriture critique, particulièrement destinée à « démonter » les langages dominants et à noter en quoi ils font inévitablement « reste » et deviennent, dans le retournement que leur impose le cut-up, la matière même de l'écriture.

Cuttat (Jean)

Poète suisse de langue française (Porrentruy 1916 – La Turballe, Loire-Atlantique, 1992).

Jurassien, il créa pendant la Seconde Guerre mondiale les Éditions des Portes de France, qui l'ont lié aux poètes de la Résistance française. Après de brefs recueils où la poésie jaillit souvent de jeux de mots à la façon d'Apollinaire (le Sang léger, 1940 ; Malin Plaisir, 1941 ; les Chansons du mal au cœur, 1942), il est devenu un poète engagé dans le mouvement pour la séparation d'avec Berne (les Couplets de l'oiseleur, 1967 ; le Poète flamboyant, 1972 ; Noël d'Ajoie, 1974).

Cuvelier de Trye (Jean)

Écrivain français (Boulogne-sur-mer 1766 – Paris 1824).

Grand commis de l'État et auteur à succès, il donna, sous la Révolution, des pantomimes dialoguées (l'Enfant du malheur ou les Amants muets, 1797 ; C'est le Diable ou la Bohémienne, 1797) puis s'orienta vers des saynètes (la Belle Espagnole ou l'Entrée triomphante des Français à Madrid, 1809) et des mélodrames aux actions violentes et aux couleurs pittoresques, dont les intrigues compliquées lui valurent le surnom de « Crébillon du Boulevard » (Dago ou les Mendiants d'Espagne, 1806 ; le Vieux de la Montagne ou les Arabes du Liban, 1814 ; les Macchabées ou la Prise de Jérusalem, 1817).

Cvirka (Petras Kazimirovitch)

Écrivain lituanien (Klangiaï 1909 – Vilnious 1947).

Fils de paysan, militant de l'organisation « IIIe Front », il dénonce dans ses vers (la Première Messe, 1928) et ses nouvelles (Histoires quotidiennes, 1938) l'injustice et la laideur du monde bourgeois, récuse dans un roman (Frank Kruk, 1934) le mythe américain de l'émigration et dépeint avec vigueur l'éveil de paysans spoliés par la réforme agraire (Terre nourricière, 1935), célèbre l'artisan créateur (le Maître et ses fils, 1936). Ses ultimes récits font revivre la résistance et la reconstruction (les Semences de fraternité, 1947).

cycle

Ensemble d'œuvres poétiques ou romanesques ayant pour centre d'intérêt le même sujet ou les mêmes héros, émanant d'un ou de plusieurs auteurs. Le « cycle grec » est l'ensemble des nombreux poèmes épiques d'une tradition dont l'Iliade et l'Odyssée ne sont que les plus connus. Les poèmes épiques orientaux et les chansons de gestes médiévales (le cycle antique, le cycle arthurien) se disposent eux aussi souvent en séries, qui ont pour ultime avatar, après les nouveaux cycles du romantisme allemand (les Hymnes à la nuit de Novalis, le Divan occidental-oriental de Goethe) et après la Comédie humaine et les Rougons-Macquart, les sagas romanesques qui évoquent la destinée d'une même famille (des Forsyte de Galsworthy aux Pasquier de G. Duhamel) ou les aventures successives d'un même héros populaire (Rocambole, Fantômas, San Antonio), sans oublier – sur le modèle épique – les séries de science-fiction.

cycle de Guillaume d'Orange

Constitué entre le XIIe et le XIVe siècle, le cycle de Guillaume d'Orange est le modèle le plus abouti de la structuration d'un ensemble épique dans les recueils manuscrits. La chanson la plus ancienne, mais restée hors cycle, est la Chanson de Guillaume (un seul manuscrit, découvert en 1903). Le texte, fort altéré, remonte à la première moitié du XIIe siècle. Il pose le thème central du cycle : les luttes acharnées menées par Guillaume et son lignage contre les sarrasins d'Espagne. La chanson comporte deux parties : la première met en valeur les combats livrés en « Larchamp » où meurt en martyr Vivien, le neveu de Guillaume ; la seconde chante le retour victorieux de Guillaume qui, à l'aide de Rainouart, le géant à la massue et frère de Guibourc, triomphe du chef sarrasin Déramé. La matière de cette chanson se retrouve, amplifiée, dans Aliscans (XIIe s., 8 435 décasyllabes). La première partie retrouve la tonalité tragique de la Chanson de Guillaume, tandis que la seconde partie amplifie les épisodes burlesques autour de Rainouart ou dans la description des chefs sarrasins.

   Le cycle de Guillaume proprement dit comporte dix chansons. Le noyau le plus ancien comprend le Couronnement de Louis, le Charroi de Nîmes et la Prise d'Orange, toutes trois composées en décasyllabes assonancées vers le milieu du XIIe siècle. Le Couronnement de Louis met en scène le dévouement de Guillaume au successeur de Charlemagne, le faible Louis, qu'il couronne et défend contre le clan des traîtres. En se battant à Rome contre le géant Corsolt, Guillaume perd son nez, d'où son surnom de Guillaume au court nez (d'abord au courb nes). Le Charroi de Nîmes consacre l'ingratitude du roi qui incite Guillaume à aller se chercher un fief en terre sarrasine. Déguisé en marchand, Guillaume s'empare par ruse de la cité de Nîmes. La Prise d'Orange associe à la prise de la cité la conquête amoureuse de sa reine, Orable, épouse du roi sarrasin, qui devient sous le nom de Guibourc l'épouse très dévouée de Guillaume.

   Autour de ce premier noyau se sont greffées des chansons (le grand cycle dit de Garin de Monglane en comprend vingt-trois) qui relatent les enfances héroïques (Enfances Guillaume, Enfances Vivien) de Guillaume et de ses neveux, célèbrent le fondateur du lignage (Garin de Monglane, XIIIe s.), content dans les Narbonnais la distribution par Aymeri, le conquérant de la cité de Narbonne, des fiefs que Guillaume et ses frères devront se chercher ailleurs, chantent d'autres conquêtes en terre sarrasine (Prise de Cordres et de Sebille, Siège de Barbastre), développent les exploits de Rainouart et de son fils Loquifer ou les « moniages », les retraites dans des ermitages, des héros vieillissants mais toujours prêts à reprendre la lutte.

   On s'est longuement intéressé aux rapports possibles entre la Chanson de Guillaume et des événements historiques précis : une invasion arabe en 793 en direction de Narbonne. Alors vaincu, le comte de Toulouse, Guillaume, aurait pris sa revanche en 803. Il pourrait avoir été le support des traditions légendaires qui lient la création épique qu'est le personnage de Guillaume d'Orange aux expéditions de Charlemagne en Espagne, traditions attestées par deux textes anciens, en latin, le Fragment de La Haye et la Nota Emilianense.