Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
A

Aharonian (Avétis)

Écrivain et homme politique arménien (Igdirmava 1866 – Marseille 1948).

Après des études à Lausanne et à Paris, il dirige le collège Nercessian de Tiflis (1907-1909). Dès 1887, il publie des nouvelles relatant la vie et les luttes des paysans arméniens contre l'oppresseur ottoman (Vers la liberté, 1906). Signataire du traité de Sèvres, il est l'un des dirigeants de la République arménienne (1918-1920), mais il doit s'exiler après la soviétisation de son pays et rédige alors une émouvante autobiographie (1927-1931).

ahellil

Genre poétique et musical pratiqué par les populations berbères du Gourara (Sud-Ouest algérien), l'ahellil est un chœur d'hommes debout. Il est d'origine très ancienne. Étymologiquement, c'est une psalmodie sur le nom de Dieu, allah allah allah la ilah alla llah. Avant 1915, le P. de Foucauld (pour le parler touareg du Hoggar) signalait que ce terme, employé autrefois pour les seules poésies pieuses, n'était plus usité. En revanche, H. Mercier (pour le parler des Ayt Izdeg du Maroc central) le signalait en 1937 avec le sens de « chanson des humbles, complainte des femmes qui tournent le moulin, chœur des moissonneurs, des artisans ». L'ahellil tire son originalité de sa poésie qui, sur un fond de caractères communs aux régions berbérophones en général, présente des traits fortement individualisés, mais aussi d'une forme de musique élaborée, inconnue par ailleurs dans le reste du Maghreb, voire du monde islamique dans son ensemble.

   Le terme désigne à la fois le genre et un morceau particulier. On a inventorié une soixantaine de spécimens, dont 46 ont pu être transcrits et enregistrés avec leurs nombreuses variantes. Un ahellil particulier est fait de l'assemblage de plusieurs strophes (ajdel) de longueur inégale, indépendantes l'une de l'autre et de ce fait mobiles, la même strophe pouvant se retrouver dans des morceaux différents. Ce mode de composition rappelle curieusement le phénomène, maintenant bien établi, des thèmes migrants dans les contes. Quoique intimement mêlés, poésie et chant sont distincts l'un de l'autre. La musique de l'ahellil est pentatonique avec une échelle défective et une gamme qui atteint rarement l'octave, mais sa grande particularité reste la polyphonie, dont à ce jour l'origine (indigène ou importée) n'a pu encore être déterminée. La religion, l'amour (y compris sous une forme platonique, probablement d'origine savante), des images de la vie quotidienne, une philosophie de l'existence tour à tour hédoniste ou résignée offrent la matière principale de l'ahellil. Les thèmes religieux sont les plus abondants (quelques passages, en particulier les formules islamiques consacrées, sont en arabe). Certaines strophes, tant par les thèmes que par les sentiments exprimés, ont des résonances semblables à celles que les Psaumes ont rendues familières. La parenté même des termes (hallel, au sens propre « louange », désigne aussi un certain nombre de psaumes dans la Bible) est due plus à l'existence d'une racine hamito-sémitique commune qu'à un emprunt direct.

ahidous

Genre de ballet mêlé de musique et de chants, propre aux populations berbères du Moyen Atlas marocain, l'ahidous est dansé par un cercle d'exécutants (alternativement hommes et femmes). Les vers appartiennent au genre typique dit izlan. L'ahidous est habituellement formé de deux demi-chœurs qui exécutent à l'unisson et selon une facture responsoriale des chants rythmés par des tambourins et des battements de mains. Il peut aussi être le fait de professionnels qui se déplacent d'une tribu à l'autre. Jadis, il donnait lieu à des joutes poétiques entre champions de groupes différents ou entre le groupe des hommes et celui des femmes. L'ahidous a gardé un rythme à cinq temps, par ailleurs assez rare – on le retrouve au Pays basque et dans certains genres de la Grèce antique (genre dit péonique de l'île de Crète, présenté par les Anciens comme étant « fébrile et enthousiaste »).

Ahlgren (Victoria Benedictsson, née Bruzelius, dite Ernst)

Romancière suédoise (Domme, Scanie, 1850 – Copenhague 1888).

Après quelques nouvelles où elle s'essaie au réalisme et un roman paysan (l'Argent, 1887), la rencontre de Georg Brandes, pour qui elle éprouve une passion sans espoir, et le jugement critique qu'il porte sur son chef-d'œuvre, Madame Marianne (1887), la poussent au suicide. Dans ce roman, elle peint dans le goût romantique, avec une rare élégance, la vie heureuse d'une jeune femme.

Ahlin (Lars)

Écrivain suédois (Sundsvall 1915 – Stockholm 1997).

D'origine ouvrière et autodidacte, il est avant tout passionné par la peinture des conflits psychologiques et par les problèmes religieux que soulève, dans une perspective moderne, une vision du monde protestante. Tåbb et le Manifeste (1943) retint aussitôt l'attention du monde littéraire suédois par sa violente contestation de la société contemporaine. Tåbb, devenu victime du chômage, analyse ce qui fait la spécificité de son époque, période de transition entre un capitalisme déclinant et un socialisme encore utopique qui sacrifie l'individu au nom de l'avenir. Écorce et Feuilles (1961) brosse, dans un élan visionnaire qui rappelle Swedenborg, une autre critique de la culture occidentale, dans un style narratif vivant et coloré. Un composé de mysticisme, de polémique sociale, de naturalisme, anime les recueils de nouvelles (Nuls yeux ne m'attendent, 1944). Le personnage autobiographique du Grand Oubli réapparaît dans les quatre récits qui composent Ah ! les ramoneurs, les ramoneurs ! (1990).

Ahmad (Djalal Al-é)

Écrivain iranien (Téhéran 1923 – Guilan 1969).

Nouvelliste, critique littéraire, traducteur d'œuvres occidentales, il composa des journaux de voyage riches en informations ethnographiques (l'Île de Kharg, 1960), des essais qui dénoncent l'emprise du monde industriel et mercantile sur son pays (l'Occidentalite ou l'Obsession de l'Occident, 1962), et surtout de nombreux recueils de nouvelles (Échange de visites, 1945 ; Trois Cordes, le Conte des ruches) ainsi qu'un roman (Par la plume, 1961). Il est surtout connu pour des nouvelles qui évoquent son expérience d'enseignant dans une bourgade de province (le Directeur d'école, 1958 ; la Malédiction de la terre, 1967). Auteur politiquement et socialement engagé, il excella dans la description des problèmes sociaux, de la perte des repères traditionnels parallèlement à une modernisation agressive, des méfaits de la pauvreté et de l'ignorance. Son influence sur toute une génération d'intellectuels iraniens et sur la prose moderne fut immense.