Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
D

Deguy (Michel)

Poète français (Paris 1930).

Philosophe de formation, universitaire, fondateur de la Revue de poésie (1964) et de Poésie (1976), ancien membre du comité de lecture des éditions Gallimard (le Comité, 1988), il publie avec la même exigence essais, critiques, poésies et traductions (Dante, Gongora, Hölderlin) : tout ce qui peut aider le poète à réinventer le langage. Le poème, pour être un « événement », doit s'énoncer comme une « anagramme phonique de ce mot de lui-même qu'il ne livre pas entièrement » : incessant va-et-vient de la « promesse des noms » à la « clairière des hommes ». Cette invention va de pair avec la mise en question du poème, le poème s'ouvrant à l'essai, la circonstance la plus anecdotique menant au questionnement le plus abrupt. Si le tissu des références n'exclut pas une lecture naïve du suc et du choc des mots, rien ne permet cependant de donner à cette poésie un contenu qui « convienne » au monde : il ne s'est « jamais agi de rendre le monde poétique, mais de rendre le monde au poétique ». Le départ constamment fait entre deux poésies, celle qui s'imposerait de l'extérieur et celle qui, au contraire, « imploserait », explique la complexité d'une œuvre marquée par l'instant, l'occasion, l'à-propos. Critique, intertextualité et saisie immédiate de l'expérience personnelle restent inséparables car la nature, la culture et l'instant sont pris dans un mélange indissociable (les Meurtrières, 1959 ; Fragments du cadastre, 1960 ; Biefs, 1963 ; Actes, 1966 ; Figurations, 1969 ; Tombeau de Du Bellay, 1973 ; Reliefs, 1976 ; Donnant donnant, 1981 ; Gisants, 1985 ; La poésie n'est pas seule, 1988 ; Arrêts fréquents, 1990 ; À ce qui n'en finit pas, 1995 ; la Raison poétique, 2000 ; l'Impair, 2001).

Dehmel (Richard)

Écrivain allemand (Wendisch-Hermsdorf 1863 – Blankenese 1920).

Parti du naturalisme, qu'il rejeta avec violence (Délivrances, 1891 ; Mais l'amour, 1893), il annonce l'expressionnisme dans ses aspects les plus discutables : le ton emphatique, le vitalisme mystique. On trouve chez lui à la fois la revendication sociale, la critique de la morale bourgeoise et le chauvinisme le plus borné. On lui doit des recueils de vers (la Femme et le monde, 1896 ; les Métamorphoses de Vénus, 1907), un roman (Deux Hommes, 1903), des drames (les Philanthropes, 1917), un Journal (Peuple et humanité, 1919) et des récits pour enfants.

Deighton (Leonard, dit Len)

Écrivain anglais (Londres 1929).

Photographe dans la RAF à 17 ans, il pratiqua divers métiers avant de connaître le succès avec son premier roman d'espionnage, Ipcress, danger immédiat (1962), dont le héros sans nom devint à l'écran Harry Palmer sous les traits de Michael Caine. Mes funérailles à Berlin (1964) et Un milliard de dollars (1966) connurent le même succès et furent également filmés.

Deken (Aagje)
Agatha Deken

Femme de lettres hollandaise (Amstelveen 1741 – La Haye 1804).

Auteur de Poèmes édifiants 1775, avec Maria Bosch), elle entra comme dame de compagnie chez Betje Wolff 1777), avec laquelle elle écrivit des romans qui marquent le début du récit moderne en Hollande (Sara Burgerhart, 1782).

Dekker (Maurits)

Écrivain hollandais (Amsterdam 1896 – id. 1962).

Auteur de récits psychologiques (Réflexe, 1932), satiriques ou historiques (Guillaume d'Orange, 1934-1936), c'est surtout un romancier (le Pain, 1932) et un auteur dramatique (Le monde n'a pas de salle d'attente, 1949) inspiré par l'actualité politique et sociale.

Dekker (Thomas)

Écrivain anglais (Londres v. 1572 – id. v. 1632).

Sans doute issu d'un milieu populaire, il connaît plusieurs fois la prison pour dettes et travaille en sous-main pour d'autres. La Fête du cordonnier (1599) le lance : un cordonnier y devient lord-maire ; sa fille épouse un noble, grâce au bon roi. Quarante-deux autres pièces (en collaboration) illustrent toutes la résistance populaire au changement. Dénigré comme « costumier d'œuvres » par Ben Jonson (le Poètereau, 1601), il riposte vivement (Satiromastix, 1602). Responsable des fêtes de rue pour l'avènement de Jacques Ier (1603), puis des fêtes du Maire (1612), il s'attaque aux combats d'ours. Une comédie-bouffe (le Vieux Fortunatus, 1600), un drame bourgeois (l'Honnête Putain, 1604) et la Turbulente (1611) reprennent le rêve d'une vitalité populaire accédant à la morale. Il collabore avec Webster (Cap à l'ouest ! Cap au nord !, 1607), Massinger (la Vierge martyre, 1622) ou J. Ford (la Sorcière d'Edmonton, 1628).

Del Buono (Oreste)

Écrivain italien (île d'Elbe 1923 – Rome 2003).

Critique littéraire et cinématographique, traducteur, journaliste, ses récits sont influencés par le nouveau roman français (Ni vivre ni mourir, 1963 ; Rien que la vie, 1989).

Del Giudice (Daniele)

Écrivain italien (Rome 1949).

Il reprend la leçon de Calvino en accordant une place prépondérante à la recherche stylistique et aux rapports entre littérature et science dans ses romans (le Stade de Wimbledon, 1983, dont le protagoniste est le grand intellectuel triestin Bobi Bazlen, et Atlas occidental, 1985) et dans ses recueils de nouvelles (Quand l'ombre se détache du sol, 1994, et l'Oreille absolue, 1997, où le discours sur la science s'enrichit de l'émergence de la civilisation du multimédia).

Delany (Samuel)

Écrivain américain (New York 1942).

Son premier roman (les Joyaux d'Aptor, 1962) le fait remarquer pour la tonalité poétique de son écriture. Il est suivi par la trilogie de la Chute des tours (1963-1965), qui, comme Nova (1968), combine space opera et symbolisme initiatique. Sa véritable consécration vient avec Babel 17 (1966), qui témoigne de son intérêt pour les problèmes du langage, puis l'Intersection Einstein (1967), œuvre polyphonique où trois récits se mêlent pour conter la quête de Lo Lobey, Orphée du futur, descendu aux Enfers pour y rencontrer des êtres issus d'un univers recoupant notre plan de réalité. Après plusieurs nouvelles (le Temps considéré comme une hélice de pierres semi-précieuses, 1970), une brève incursion dans le roman érotique (Vice versa, 1973), il publie une œuvre ambitieuse, Dhalgren (1975), qui fait s'interpénétrer trois romans en une structure circulaire. Triton (1976), tableau des mœurs du futur, témoigne du souci de recherche formelle évoqué dans son essai sur la science-fiction (The Jewel-Hinged Jaw). Avec les Contes de Neverÿon (1979), Delany revient à un type de récit plus classique relevant de l'heroic fantasy.