Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Tiotka (Eloïsa Stepanovna Pachkevitch, dite)

Femme de lettres biélorusse (Pechtchina 1876 – Novyr Dvor 1916).

Venue à la poésie avec la Révolution de 1905, elle publia en Galicie des vers frémissants d'appels à la lutte (le Baptême de la liberté, 1906 ; le Violon biélorusse, 1906). Collaboratrice de la presse nationale (Nacha Dolia, Nacha Niva), elle évoqua aussi dans un récit la prise de conscience des paysans (Serment sur la lisière ensanglantée, 1906), puis évolua vers une position réformiste et un lyrisme désabusé (Feuilles d'automne, De trop).

Tiouttchev (Fiodor Ivanovitch)

Poète russe (Ovstoug, près de Briansk, 1803 – Tsarskoïe Selo 1873).

De famille noble, il fit ses études à l'université de Moscou et choisit en 1822 la carrière diplomatique, qui le conduisit à Munich et à Turin. Il avait, en fait, reçu une éducation très française, et ses œuvres politiques, de teneur slavophile (la Russie et la Révolution, 1849), furent écrites en français. Mais il subit l'influence des romantiques allemands, de Schelling, de Goethe, de Heine. L'ensemble de son œuvre poétique tient dans un petit volume qui parut en fragments en 1836 et en 1838 dans la revue de Pouchkine, sans attirer l'attention. Ce n'est qu'en 1850 qu'il fut révélé par Nekrassov – mais le grand public continua de l'ignorer – et, par la suite, il exerça une influence considérable sur les symbolistes. Poète de la solitude et des ténèbres, il tient une place exceptionnelle dans la poésie russe en unissant un classicisme formel – d'abord très oratoire, puis, à partir de 1848, plus simple et plus familier – à une angoisse métaphysique d'inspiration romantique. Son œuvre traduit le déchirement d'une âme dédoublée entre le jour et la nuit, avide d'harmonie mais fascinée par les forces chaotiques, naturelles ou humaines, qui menacent le monde. L'amour, dans les poèmes de Tiouttchev, en particulier ceux que lui inspira sa passion pour l'institutrice de ses filles, M. A. Denisova, morte prématurément, apparaît également comme une puissance destructrice.

Tiraqueau (André)

Jurisconsulte français (Fontenay-le-Comte 1488 – Paris 1558).

Conseiller au parlement de Paris (1541), il est l'auteur de nombreux traités juridiques rédigés en latin, dont les principaux sont le De utroque retractu (1545) et le De nobilitate et jure primigenitorum (1566). Tiraqueau appartient à cette première génération d'humanistes qui, avant celle de Cujas et de Buguyon, élaborèrent, en l'épurant des gloses médiévales, la nouvelle science juridique de la Renaissance française. Il réunit autour de lui, à Fontenay-le-Comte, un cercle d'humanistes que fréquenta Rabelais lors de son séjour chez les cordeliers de la ville.

Tirolien (Guy)

Écrivain guadeloupéen (Pointe-à-Pitre 1917 – Grand Bourg 1988).

Administrateur colonial en Afrique bien qu'anticolonialiste et révolutionnaire, il protesta contre l'aliénation imposée aux départements français d'outre-mer. Au-delà de sa célèbre Prière d'un petit enfant nègre (1947), il a été le poète des harmonies rurales de sa petite île, Marie-Galante, évoquant aussi les luttes des ouvriers de la canne. Il a publié des poèmes, Balles d'or (1961), et des nouvelles, Feuilles vivantes au matin (1977).

Tirso de Molina (Fray Gabriel Téllez, dit)

Auteur dramatique espagnol (Madrid 1583 – Almazán 1648).

Disciple autoproclamé de Lope de Vega, il aurait écrit environ 300 comédies en quatorze ans, dans lesquelles il égale son maître tant par la profondeur de l'analyse des caractères que par la précision de la peinture sociale et la violence de la satire. Mais seuls nous sont parvenus un petit nombre d'intermèdes et d'autos sacramentels et quelque 80 pièces, imprimées aux XVIIe et XVIIIe siècle : un quart d'entre elles traitent de sujets bibliques (la Vengeance de Tamar), hagiographiques, ou de légendes pieuses (la trilogie de Sainte Jeanne). Un autre quart est constitué de comédies pseudo-historiques (À bon entendeur salut) et historiques (la Prudence chez la femme), souvent des fresques, parfois l'histoire d'un favori (le diptyque sur Álvaro de Luna) ou celle de l'obscure héroïne de la guerre hispano-portugaise de 1475-1479 (Antona García). L'autre moitié regroupe des comédies d'intrigue, souvent de cape et d'épée (Marthe la dévote, l'Amour médecin, les Balcons de Madrid) et, bien qu'elle ne soit pas inclue dans les cinq partes, une comédie édifiante inspirée d'un fait réel rapporté par la Chronique de Séville, El Burlador de Sevilla [l'Abuseur de Séville, avant 1620] et qui est à la source du mythe de Don Juan. On lui doit en outre un drame religieux, sans doute le chef-d'œuvre mondial du genre : le Damné par manque de foi.

Tirukkural

Cet ouvrage didactique tamoul de Tiruvalluvar (VIe s. ?) exprime en 1 330 distiques l'essentiel de la sagesse tamoule et traite de la vertu, de la richesse et de l'amour. Traduit dans toutes les langues indiennes, introduit en France dès 1761, avant la Bhagavad-Gita, il est considéré par les Tamouls comme un texte sacré et l'équivalent d'un Veda universel.

Tirumurai
(les Onze Livres)

Recueil d'hymnes sivaïtes tamouls regroupés, selon la tradition, par Nampi Antar Nampi (XIe s.) de la manière suivante : Tevaram formé des livres I à VII avec les poèmes d'Appar, de Campatar et de Cuntarar (VIIe-VIIIe s.) ; Tiruvacakam de Manikkavacakar (IXe s.) pour le livre VIII ; le livre IX ou Tirucaippa avec 29 hymnes de 9 poètes divers ; Tirumantiram de Tirumular (VIIe s.) pour le livre X ; le livre XI avec 14 hymnes de 12 auteurs différents (dont Nampi Antar Nampi). La tradition tamoule y adjoint généralement un douzième livre : le Grand Purana ou Periyapuranam de Cekkilar (XIIe s.). Parmi ces livres sacrés du sivaïsme du sud de l'Inde ceux du Tevaram, les plus célèbres, expriment une profonde religiosité. Le livre X, Tirumantiram, est la base de la doctrine sivaïte en pays tamoul.

Tiruppukal

Recueil de plus de 1 300 poèmes du mystique tamoul Arunakirinatar (XIVe s.).

Consacrés à la célébration de Murukan ou Skanda, autre grand dieu de bhakti, chantés chaque jour, ils offrent une équivalence parfaite entre le vocabulaire tamoul et le sanskrit. Doué d'un exceptionnel sens de l'harmonie, Arunakirinatar est le précurseur du chant dévotionnel populaire dit kirtanai.