Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
S

Scorza (Manuel)

Écrivain péruvien (Lima 1928 – Mejorada del Campo, prov. de Madrid, 1983).

Poète (les Imprécations, 1955), il entreprit une fresque romanesque de type indigéniste, où il dénonce l'exploitation des péons de la communauté de Rancas par une grande compagnie étrangère soutenue implicitement par le gouvernement : Roulements de tambours pour Rancas (1970), Garabombo l'Invisible (1972), le Cavalier insomniaque (1977), le Chant d'Agapito Roblès (1977), le Tombeau de l'éclair (1978). Son dernier roman, la Danse immobile, a paru en 1983.

Scot Erigène (Jean)

Théologien irlandais d'expression latine (vers 810-877).

Connu sous un nom qui est un pléonasme (l'Irlande ayant été appelée Scotia ou Erin), introducteur de la théologie négative, traducteur (vers 860) de Denys l'Aréopagite, de Maxime le Confesseur, de Grégoire de Nysse, il compose un Commentaire sur l'Évangile de saint Jean et des poésies sacrées. Également l'auteur d'un traité De la division de la nature (865), d'inspiration panthéiste, il fut condamné en 1225 au concile de Sens.

Scotellaro (Rocco)

Écrivain italien (Tricarico, Matera, 1923 – Portici, Naples, 1953).

Militant socialiste de Tricarico, il participa avec les ouvriers agricoles à l'occupation de la terre. Poète (Le jour s'est levé, 1954), il est aussi l'auteur de romans néoréalistes qui dénoncent le déclin du Mezzogiorno (Paysans du Sud, 1954 ; le Raisin sauvage, 1955).

Scott (Gabriel)

Écrivain norvégien (Leith, Écosse, 1874 – Tromøya, près d'Arendal, 1958).

Il s'imposa avec le diptyque romanesque historique l'Ordalie (1915) et la Vie d'Enok Ruben (1917), tableaux de la vie populaire. Chantre de la nature et des coutumes paysannes (l'Épreuve par le fer rouge, 1915), de la vie saine et primitive (la Source ou la Lettre au pêcheur Mara, 1918), défenseur des déshérités ou des maltraités (les Sans-Défense, 1938), il donne la synthèse mystique de cette réalité dans le Saint (1936).

Scott (Paul)

Écrivain anglais (Londres 1920 – id. 1978).

Ayant découvert l'Inde en tant qu'officier de l'armée britannique en 1943, il en fait la toile de fond de ses romans. Le cycle romanesque le Quatuor du Raj (1966-1975), consacré aux dernières années de la domination britannique en Inde, le montre aussi habile à pénétrer les mentalités indiennes ou britanniques qu'à analyser le mouvement de l'histoire. Rester (1977) raconte, avec humour, l'histoire d'un officier à la retraite resté en Inde avec sa femme après l'indépendance.

Scott (sir Walter)

Écrivain écossais (Édimbourg 1771 – Abbotsford 1832).

Homme de loi, libraire-éditeur, il recueille les ballades de sa contrée natale (Ménestrels de la frontière écossaise, 1802) et s'attache à reconstituer la culture nationale : trois grands poèmes narratifs, le Lai du dernier ménestrel (1805), Marmion (1808) et la Dame du lac (1810), feront de lui le fétiche d'une semi-nation divisée. Éclipsé par Byron, il publie anonymement un roman historique  : Waverley, ou il y a soixante ans (1814). Après l'immense succès de cette première tentative dans le domaine de la prose, viendront Guy Mannering ou l'Astrologue (1815), l'Antiquaire (1816), les Puritains d'Écosse (1816), le Cœur du Mid-Lothian (la Prison d'Édimbourg) [1818], Rob Roy (1818), la Fiancée de Lammermoor (1819), Ivanhoé (1820), Kenilworth (1821), Quentin Durward (1823). Scott y explore diverses époques : XVIIIe siècle, Renaissance ou Moyen Âge, parfois en Angleterre mais surtout en Écosse, sans craindre de mêler personnages historiques et fictifs. Ce romanesque moderne se fonde sur un médiévalisme à implications politiques : le chevalier servant de la nation est l'élu naturel du peuple. La reconstitution pittoresque de la vie quotidienne du petit peuple séduira l'Europe. Ruiné par la faillite de son éditeur, Scott est obligé de décupler son activité dans ses ultimes années, publiant notamment une Vie de Napoléon (1827), la Jolie Fille de Perth (1828) et des Lettres sur la démonologie (1830).

Scribe (Eugène)

Auteur dramatique français (Paris 1791 – id. 1861).

Il débute au Théâtre des Variétés par une petite pièce, le Prétendu sans le savoir (1810), qui n'eut aucun succès. Il continua néanmoins à écrire. Il aborde la comédie proprement dite avec Valérie (1822), où les questions suscitées par l'évolution de la société sont ramenées à des jeux d'intrigue scénique, et l'histoire réduite à l'anecdote (Bertrand et Raton, 1833 ; le Verre d'eau, 1840). Il fut également librettiste d'opéras et d'opéras-comiques.

Scudéry (Georges de)

Écrivain français (Le Havre 1601 – Paris 1667).

Orphelin de bonne heure, il séjourna quelque temps à Rome puis commença une carrière militaire, mais il quitta l'armée (1630) pour se consacrer à la littérature. Admirateur de T. de Viau et des poètes italiens, il écrivit d'abord de la poésie, puis s'adonna au théâtre : la Comédie des comédiens (1635) et, dans la seule année 1636, cinq tragi-comédies, dont le Vassal généreux et la Mort de César. Il prit le parti des adversaires de Corneille dans la querelle du Cid en publiant ses Observations sur « le Cid » (1637). Protégé par Richelieu, il obtint un brevet de capitaine des galères, mais poursuivit une carrière d'écrivain polygraphe, non sans talent pour la réflexion théorique (Apologie du théâtre, 1639 ; le Cabinet de M. de Scudéry, 1645, qui témoigne de son goût pour la peinture ; les Discours politiques des rois, 1648). Partisan de Condé pendant la Fronde, il fut exilé à Rouen, où il écrivit un grand poème épique (Alaric ou Rome vaincue, 1654). Mais Scudéry est surtout connu pour avoir signé les romans écrits par sa sœur Madeleine. Cependant, Ibrahim ou l'Illustre Bassa (1642) contient une intéressante préface sur le renouvellement de l'esthétique romanesque, dont il est probablement l'auteur.

Scudéry (Madeleine de)

Écrivain français (Le Havre 1607 – Paris 1701).

Sœur de Georges de Scudéry, elle fréquenta l'hôtel de Rambouillet à partir de 1639, puis tint elle-même un salon célèbre (et raillé). Sous le masque de la signature de son frère, elle publia de volumineux romans : Ibrahim ou l'Illustre Bassa (1642), Artamène ou le Grand Cyrus (1649-1653) et Clélie, histoire romaine (1654-1660). D'abord très proches des romans héroïques (de Gomberville ou de La Calprenède), épopées en prose dans des décors exotiques de fantaisie, ils évoluent vers le récit psychologique à travers la pratique systématique des conversations et des portraits à clés des contemporains. Ces romans offrent ainsi une représentation romanesque de la société précieuse et galante, qui y reconnut pleinement ses jeux, ses audaces, ses manies et ses interdits, sa conception de l'art de vivre en société et de l'art d'aimer : c'est dans Clélie que se trouve la Carte du Tendre, représentation topographique et allégorique de la conduite et de la pratique amoureuses. Le pays de Tendre n'est nullement un pays de fadeur et de frivolités ; c'est un pays bien réel, un pays des réels problèmes. Entre la mer d'Inimitié et le lac d'Indifférence, le fleuve Inclination conduit tout droit à la Mer dangereuse et aux Terres inconnues mais, en suivant la voie terrestre, on peut parvenir, par étapes progressives, à Tendre-sur-Estime ou à Tendre-sur-Reconnaissance. Rien n'interdit, alors, de retrouver par les rivières Reconnaissance et Estime le fleuve Inclination, mais on peut rester à l'abri des tempêtes au pays de la tendresse. Cette carte put fonctionner comme un jeu de société mais, par-delà ces divertissements, il faut bien voir le problème posé : né d'un hasard ou d'une pulsion, l'amour peut-il se construire, et par là même devenir positif ? L'amour est-il nécessairement et fatalement une passion ? La Carte du Tendre, contre le pessimisme janséniste, finalement vainqueur (chez Racine comme chez Mme de Lafayette, qu'elle influença pourtant), parle pour un optimisme raisonné, reposant sur l'effort, sur l'attention à soi-même et aux autres, sur l'attention des hommes pour les femmes. La mode des grands romans étant passée, Madeleine de Scudéry écrivit des nouvelles : Célinte (1661), la Promenade de Versailles (1669), et des réflexions morales (Discours de la gloire, 1671 ; Conversations morales, 1686 ; Entretiens de morale, 1692).