Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Drieu La Rochelle (Pierre)

Écrivain français (Paris 1893 – id. 1945).

C'est, dès l'enfance, un « homme grave », hanté par le suicide. Trois fois blessé pendant la guerre, il en restera traumatisé : « J'étais un homme, mon sang avait coulé » (Comédie de Charleroi, 1934). En proie à une hantise de l'accomplissement, il se cherche et cherche parallèlement une Europe forte (Mesure de la France, 1922 ; le Jeune Européen, 1927). Face à la décadence des démocraties, il « respire fasciste ». « Trop sensible pour être sensuel » (l'Homme couvert de femmes, 1925), il conte ses expériences amoureuses, et Gilles (1939) en donne le fin mot : « Tu as perdu ton temps avec les femmes, tu ne les aimes pas. » Le Feu follet (1931) offre une vision précisée du suicide, acte de Romain viril, au moment même où l'aventure du nazisme le subjugue (Socialisme fasciste, 1934). Sous l'Occupation, il dirige la Nouvelle Revue française, écrit dans le Figaro et Je suis partout. L'engagement politique tourne au désastre. Drieu se réfugie en littérature (l'Homme à cheval, 1943 ; les Chiens de paille, écrit en 1944, publié en 1963). Le 15 mars 1945, un mandat d'amener est délivré contre lui : le soir même, il réussit sa quatrième tentative de suicide en dix mois. L'homme de Genève ou Moscou (1928) n'a trouvé nulle part, pas plus à Berlin qu'à Paris, de quoi satisfaire ses rêves de guerrier malade. Contradictions, alternances et alternatives l'ont épuisé. Cet homme blessé laisse une œuvre diverse, où il ne parle en définitive que de lui, de ses poèmes (Interrogation, 1917) jusqu'à son Journal 1944-1945 (1961), et où l'encre de l'œuvre et le sang de l'existence se mêlent étroitement (Récit secret, 1958 ; Exorde, 1961 ; Mémoires de Dirk Raspe, 1966).

Droste-Hülshoff (Annette von)

Poétesse allemande (château de Hülshoff, près de Münster, 1797 – château de Meersburg 1848).

Issue d'une vieille famille de la noblesse westphalienne, elle a mené sous la triple autorité de l'Église catholique, de sa famille et de sa caste, une existence retirée, solitaire, assombrie par les deuils et la maladie. Elle quitte sa province natale en 1841 pour Meersburg et ne parvient que vers sa quarantième année à créer une poésie originale, mélange d'exaltation fiévreuse et de désenchantement, de précision réaliste et de fantasmagorie. Ces caractéristiques sont aussi propres à sa nouvelle le Hêtre aux Juifs (1842), considérée comme un des chefs-d'œuvre de la prose allemande. La publication de ses Poèmes en 1844 lui apporte une notoriété qui n'a fait que s'affirmer depuis. Elle fait partie des créateurs isolés, héritiers du romantisme, précurseurs du réalisme, ultérieurement regroupés dans le courant « Biedermeier ».

Drouet (Julienne Gauvain, dite Juliette)

Actrice française (Fougères 1806 – Paris 1883).

Bretonne d'origine modeste, mais éduquée au couvent, elle vécut d'abord de sa beauté auprès de Pradier, Harel, Karr, Demidoff. Elle connut Hugo en jouant dans sa Lucrèce Borgia en 1833 et se voua pendant cinquante ans au culte du grand homme. Vivant dans un amour de plus en plus sacralisé depuis la mort de sa fille, Claire Pradier, en 1846, elle éleva à son héros un monument de correspondance (17 000 lettres).

Drummond (William)

Poète écossais (Hawthornden, près d'Édimbourg, 1585 – id. 1649).

Il fut le premier grand écrivain écossais à adopter résolument l'anglais comme langue culturelle. Mélancolique, il tisse avec une chaleur poignante amour, désir et mort, à l'image du Tasse, de Ronsard ou de Garcilaso de La Vega (Pleurs sur la mort de Méliades, 1613 ; Poèmes amoureux funèbres et divins, 1616 ; les Fleurs de Sion, 1623). Ami de Ben Jonson, c'est une grande figure de l'humanisme écossais dans sa tonalité nostalgique (le Bouquet de cyprès, 1623).

Drummond de Andrade (Carlos)

Écrivain brésilien (Itabira, Minas Gerais, 1902 – Rio de Janeiro 1987).

Poète majeur issu du modernisme, il évoque avec une ironie mélancolique « l'être dans le monde » (Sentiment du monde, 1940 ; la Rose du peuple, 1945).

Druon (Maurice)

Écrivain français (Paris 1918).

Il participe en 1940 à la bataille de la Loire, qui lui inspire la Dernière Brigade (1946), et compose avec son oncle Joseph Kessel le Chant des partisans (1943). La Fin des hommes, son cycle romanesque en trois volumes (les Grandes Familles, 1948 ; la Chute des corps, 1950 ; Rendez-vous aux Enfers, 1951), propose une peinture impitoyable de la classe dirigeante de l'entre-deux-guerres. Il se consacre au roman historique dans un autre cycle, les Rois maudits (en sept volumes, 1955-1977), pour évoquer la malédiction qui pèse sur la descendance de Philippe le Bel. Druon a aussi écrit des essais, des récits pour enfants (Tistou les pouces verts, 1957) et des pièces de théâtre (Un voyageur, 1954). Il fut un moment ministre des Affaires culturelles (1973-1974).

Drury Lane (théâtre)

Cette ancienne aire de combat de coqs londonienne devient théâtre sous Jacques Ier. C'est durant le XVIIe et le XVIIIe siècle. le haut lieu du drame et de l'opéra sous la direction de Garrick puis de Sheridan. Après une période essentiellement consacrée au drame pour grand acteur (Kemble, Kean, Macready, Burke), l'opéra, à l'italienne cette fois, reprit ses droits (la Malibran). Devenu théâtre de répertoire, notamment shakespearien, il abrite, en hiver, des « pantomimes » (revues-féeries à grand spectacle). Il accueillit Diaghilev en 1913 et, après 1947, se consacra à la comédie musicale.

Druţă (Ion Panteleïevitch)

Écrivain moldave (Horodiste 1928).

Fils de paysan, il consacre à l'histoire des campagnes moldaves, de 1918 à nos jours, des romans épico-lyriques où les luttes de la résistance et de la collectivisation sont abordées sans dogmatisme (le Fils de la veuve, 1957 ; le Fardeau de notre bonté, 1961-1967 ; le Dernier Mois d'automne, 1964 ; l'Odeur du coing mûr, 1972). Son théâtre le montre en quête de valeurs authentiques (la Grande Maison, 1960) et préoccupé par la défense de la nature (le Saint des saints, 1977).

Dryden (John)

Écrivain anglais (Aldwinkle, Northamptonshire, 1631 – Londres 1700).

D'origine puritaine, étudiant rebelle, il se rallie précipitamment à la Restauration (Astraea Redux, 1660). Chantre de la nation, il décrit (Annus Mirabilis, 1666) la guerre contre la Hollande, l'incendie et la peste de Londres. Il règne sur les théâtres, récemment réouverts, réhabilite Shakespeare, adapte les classiques français ou espagnols, théorise son art (Essai sur la poésie dramatique, 1668). Poète lauréat, historiographe du roi, il écrit une trentaine de pièces : tragi-comédies (la Reine vierge, 1667 ; le Moine espagnol, 1681 ; l'Amour vainqueur, 1694), comédies héroïques (l'Empereur indien, 1667 ; Almanzor et Almahide, 1669-1670 ; Aureng-Zeb, 1675). Antirationaliste inquiet, il défend l'ordre et ranime la satire politique, avec notamment Absalon et Achitophel (contre Buckingham, 1681). À l'avènement de Jacques II, il se rallie « logiquement » au catholicisme, et ses grandes odes (Ode pour la Sainte-Cécile, 1687) le consacrent comme le modèle du classicisme. La révolution de 1688, qui le plonge dans une misère relative, libère chez lui une veine âcre, véhémente et paillarde, assez swiftienne. Il traduit Juvénal (1693), Perse et Virgile (1697), reprend Chaucer et Boccace (Fables, 1700) dans une lignée inaugurée par son Mariage à la mode (1673), tandis que son attrait pour le faste de l'opéra en fait le collaborateur préféré de Purcell (le Roi Arthur, 1691).