Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
E

Esthrazy (Peter)

Écrivain hongrois (Budapest 1950).

Descendant d'une illustre famille hongroise, il fait sensation avec son premier roman (Trois anges me surveillent, 1979). Ses procédés narratifs l'apparentent au postmodernisme (Indirect, 1988 ; le Livre de Hrabal, 1990).

Estienne (Henri)

Imprimeur et humaniste français (Paris 1531 – Lyon 1598).

Fils aîné de Robert Estienne, il rejoignit son père à Genève en 1551 et, à sa mort, reprit l'imprimerie familiale. Helléniste de premier ordre, il s'intéressa de près à la lexicographie, notamment avec son Thesaurus graecae linguae (1572). Cet ouvrage monumental en cinq volumes, dont la publication appauvrit considérablement Estienne et qui servit de base à tous les dictionnaires grecs qui suivirent, est non seulement un lexique de la langue grecque, mais une réflexion richement illustrée sur les possibilités d'expression rationnelle et psychologique de la langue d'Homère et de Platon. Malgré son goût pour les langues antiques, Estienne fut aussi l'un des plus ardents défenseurs de la langue française : son Traité de la conformité du langage français avec le grec (1561) montre que le français, plus proche du grec que toute autre langue, est la meilleure des langues modernes, et supérieure même au latin. Les Deux Dialogues du nouveau langage françois italianisé (1578) sont une satire de l'italianisme de la cour d'Henri III ; dans le même esprit, et sur la commande du roi Henri III lui-même, le Projet du livre intitulé : « De la précellence du langage françois » (1579) veut prouver que le français offre des « commodités plus grandes » que les autres langues à l'éloquence, au droit et à l'histoire. La production d'Estienne se distingua également par une satire virulente du catholicisme et des mœurs du siècle, l'Apologie pour Hérodote (1566), ouvrage dont le dessein audacieux était de soutenir, contre ceux qui la contestaient, la véracité des anecdotes extraordinaires rapportées par l'historien grec Hérodote, par la comparaison de ces dernières à la réalité contemporaine. Grand éditeur et commentateur de textes gréco-latins, Estienne fut le premier à publier une traduction latine intégrale des Hypotyposes pyrrhoniennes de Sextus Empiricus (1562), ce qui contribua fortement à la diffusion du scepticisme dans l'Europe moderne.

Estienne (Robert)

Imprimeur et humaniste français (Paris 1503 – Genève 1559).

Imprimeur du roi François Ier, il fut, sous Henri II, persécuté par la Sorbonne, et dut, en 1551, s'exiler à Genève, où il se convertit au protestantisme. Si l'on excepte un pamphlet contre les théologiens de la Sorbonne (les Censures des théologiens de Paris, 1552), son œuvre consiste essentiellement en travaux d'érudition :  plusieurs ouvrages ayant pour objet les problèmes de traduction (du latin en français et du français en latin), le Dictionnaire français-latin (1539-1549), premier tableau de la langue française, un Traité de la grammaire française (1557) et, surtout, le Thesaurus linguae latinae (1531). Une seconde édition de ce dictionnaire, abrégée, parut en 1536. La troisième édition, publiée en 1543, est complètement remaniée et fortement augmentée. L'œuvre, réimprimée à Lyon en 1573, à Bâle en 1740-1743, a fait époque dans l'histoire de la lexicographie latine, et a servi de modèle à tous les dictionnaires latins publiés depuis. Un nouveau Thesaurus linguae latinae fut entrepris en 1883 sous la direction de Woelffin, avec la collaboration des cinq académies de Berlin, de Göttingen, de Leipzig, de Munich et de Vienne. Il comprend deux séries : noms communs et noms propres. Les sens sont classés de manière à présenter la vie de chaque mot.

Estieu (Prosper)

Écrivain français de langue d'oc (Fendeille 1860 – Pamiers 1939).

Fils de paysans pauvres, il fit une carrière d'instituteur, longtemps marquée par l'idéal laïc et républicain. Ami de Fourès, il rédigea avec lui la revue Poésie moderne (1881). C'est dans le bulletin Mount-Segur (1896-1899 et 1901-1904), organe de l'école félibréenne du même nom, qu'il livre les premiers essais de la réforme graphique entreprise avec son collègue Antonin Perbosc et qui devait servir de base à l'orthographe occitane actuelle. Lié à l'Académie des jeux Floraux de Toulouse, il sera un des fondateurs de l'Escòla Occitana et de sa revue Lo Gai Saber (1919), qui contribua à propager la nouvelle graphie. L'œuvre poétique d'Estieu est abondante et d'un grand classiscisme : Lou terradou (le Terroir, 1895), Bordons pagans (Vers païens, 1899), Flors d'Occitania (Fleurs d'Occitanie, 1906), Las oras cantairas (les Heures qui chantent, 1931), Las oras luscralas (les Heures crépusculaires, 1942) regroupent essentiellement des sonnets de forme parnassienne. Ses recueils les plus connus demeurent La cançon occitane (la Chanson occitane, 1908) qui contient des odes et des sirventès patriotiques, et Lo romancero occitan (1914) qui se situe dans la veine romantique des disciples de Hugo amoureux de geste médiévale.

Estonie

Colonisés au XIIIe s. et dominés par une aristocratie germanophone, les Estoniens n'auront longtemps qu'une littérature orale. La langue écrite commence à se former au XVIe s. grâce à la Réforme. Son emploi, d'abord limité aux textes religieux, s'élargit au cours du XVIIIe s. (almanachs, journaux, récits didactiques). La littérature nationale éclot véritablement dans la seconde moitié du XIXe s., grâce à l'action des premiers lettrés estoniens. Le folklore inspire à F. R. Kreutzwald l'épopée Kalevipoeg (1857-1861), qui coïncide avec le début du Réveil national (1860-1885). La littérature de l'époque est essentiellement romantique (poèmes de L. Koidula, récits historiques d'E. Bornhöhe). La décennie 1890 voit l'émergence du réalisme (E. Vilde, A. Kitzberg). Au début du XXe s., le groupe néoromantique Noor-Eesti (Jeune-Estonie), dirigé par G. Suits et F. Tuglas, réclame une modernisation littéraire et une ouverture aux influences occidentales. Le groupe Siuru (1917-1919) s'oppose à la morale et à la société bourgeoises. Certains de ses membres forment, après l'indépendance du pays, le groupe Tarapita (1921-1922), politiquement à gauche. De Siuru et Tarapita sont issus les principaux poètes de l'entre-deux-guerres (M. Under, H. Visnapuu, J. Semper, J. Barbarus). En prose, on assiste dès les années 1920 au retour du réalisme (A. H. Tammsaare, M. Metsanurk, P. Vallak, O. Luts), même si l'œuvre d'un A. Gailit reste teintée de romantisme. L'occupation soviétique (1940-1941, puis 1944-1991) scinde la littérature estonienne en deux. La littérature de l'émigration poursuit les traditions d'avant-guerre tout en évoluant vers la modernité. En Estonie, les purges idéologiques et l'imposition du réalisme socialiste réduisent nombre d'écrivains au silence. Après la mort de Staline éclosent des œuvres plus originales (J. Smuul). Les années 1960 voient se produire une renaissance poétique (P.-E. Rummo, J. Kaplinski), tandis que certains prosateurs cultivent un « modernisme » antiréaliste (M. Unt, A. Valton). Dans les années 1970 et 1980, face à la politique de russification, la littérature défend l'identité estonienne (romans historiques de J. Kross) en contournant habilement la censure. À partir de 1988, les écrivains accompagnent la marche à l'indépendance et la réappropriation de la mémoire historique (poésie patriotique, romans sur les déportations staliniennes). Dans les dernières années du XXe s., après une brève dépression due aux changements sociaux et aux difficultés économiques, la littérature estonienne retrouve une grande vitalité.