Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Des Périers (Bonaventure)

Écrivain français (Arnay-le-Duc v. 1500 – v. 1543).

Valet de chambre de Marguerite de Navarre, il fréquente réformés et humanistes (il prend la défense de la traduction des Psaumes de Marot, aide Dolet à corriger ses Commentarii linguae latinae, collabore à la traduction par Olivétan du texte hébreu de la Bible). Traducteur et commentateur de Platon, de Térence et d'Horace, il exerce son ironie et sa verve anticonformiste dans la Prognostication des prognostications (1537), pamphlet contre la divination et la propension des hommes à sacrifier aux valeurs mondaines.

   Le Cymbalum mundi (1537), qui lui est attribué, est un ouvrage ironique et pessimiste, stigmatisant l'anarchie morale régnant sur le monde. En quatre dialogues, il brosse une satire allégorique des croyances humaines qui, pour l'homme raisonnable, importent aussi peu qu'un bruit de cymbales. Le livre, adressé par Thomas Du Clénier (anagramme d'incrédule) à Pierre Troycan (anagramme de croyant), suscita la colère de François Ier et fut l'objet des critiques des catholiques comme de Calvin. De fait, on hésite encore sur le sens de cet ouvrage : est-il impie ou orthodoxe ? Se moque-t-il des théologiens de la Sorbonne ou de certains évangéliques ?

   Les Nouvelles Récréations et joyeux devis (1558), recueil de nouvelles publié en 1558 et dont la paternité, naguère discutée, est aujourd'hui attribuée à Bonaventure des Périers, s'inscrivent dans la tradition des fabliaux et inspireront plusieurs contes de La Fontaine. Son originalité au sein de la production narrative de l'époque tient à la structure interne des « nouvelles » (dans lesquelles l'élément narratif est loin d'être toujours dominant) et aux liens de complicité que l'auteur ne cesse, au fil de son texte, d'entretenir avec son lecteur. L'ouvrage représente l'une des rares illustrations, dans le domaine français, du genre de la facetia humaniste, « inventée » au XVe s. en Italie par le Pogge.

Desbordes-Valmore (Marceline)

Femme de lettres française (Douai 1786 – Paris 1859).

Sa vie marquée par le malheur (ruine familiale, mort de la mère, amour douloureux pour Henri de Latouche, perte de ses deux filles) lui valut son surnom de « Notre-Dame-des-Pleurs ». L'œuvre de cette « admirable femme » (Mallarmé) traduit avant tout l'essence d'une nature romantique qui se cherche à travers les méandres d'un je omniprésent (Élégies, 1818 ; les Pleurs, 1833 ; Pauvres Fleurs, 1839 ; Bouquets et Prières, 1843).

Descartes (René)

Philosophe français (La Haye, Indre-et-Loire, 1596 – Stockholm 1650).

L'influence du rationalisme cartésien (le grand mythe culturel français), non seulement sur la mentalité et la littérature de son siècle, mais également à plus long terme, est aussi bien indéniable que diffuse : on peut aisément admettre que, après 1660, la littérature a pour but ultime la recherche et l'expression de la vérité, ce qui rejoint exactement l'ambition de Descartes. Dès leur publication française en 1647, les Méditations métaphysiques deviennent l'objet de toutes les discussions dans les milieux cultivés : Mme de Sévigné y fera allusion dans sa correspondance, et, dans les Femmes savantes, Molière ne se privera pas de montrer Philaminte et Bélise dissertant des « tourbillons », des substances étendues et pensantes, qui sont de claires allusions à Descartes. On sait d'autre part que ce dernier recueillit l'admiration de La Bruyère et de La Fontaine, de Racine tout autant que de Boileau (dont l'Arrêt burlesque en 1671 empêchera la condamnation de la philosophie cartésienne au profit de l'aristotélisme par le parlement de Paris) : il appartient au bon sens et à la raison de régner aussi sur la poésie, qui sera d'ailleurs suffisamment influencée par le « mécanisme » pour que tout sentiment de la nature s'en trouve à peu près exclu.

   À la suite de Galilée, Descartes rejette la conception aristotélicienne du monde et fonde sa physique sur les mathématiques et sur l'observation. Il expose sa démarche dans le Discours de la méthode (1637), et accorde une place importante au sujet conscient. Les concepts doivent être clairs et subdivisés en propositions pour que la pensée procède de façon ordonnée et rigoureuse. À son fondement, le doute, partant du principe de la « table rase », permet de se débarrasser des préjugés et prépare l'esprit à l'aventure intellectuelle du cogito révélant que chacun est en tant qu'il pense et réfléchit sur sa pensée. Plus lointainement, le rationalisme du XVIIIe siècle tire son origine du programme de devenir « maître et possesseur de la nature ». On serait à la limite tenté d'affirmer qu'il est difficile d'échapper au cartésianisme pour peu qu'on y entende la confiance accordée au pouvoir de la raison : seuls les critiques de cette dernière – par référence à son impuissance (Pascal) ou à sa perversion (Rousseau) – peuvent freiner, momentanément, sa diffusion. Complémentairement, la lecture psychologisante qui sera faite du cogito – découverte dont la portée est originellement beaucoup plus métaphysique que psychologique – serait à mettre en relation avec la formation, particulièrement nette dès le théâtre classique français et qui se prolonge pendant le Siècle des lumières, des notions de « conscience de soi » et du « sujet » comme centre de volonté et d'autorégulation : pour constituer une telle idéologie, le cogito vient renforcer aussi bien les transformations du théâtre (dans sa disposition matérielle) que les exigences des sociétés commerçantes.

Descaves (Lucien)

Journaliste et écrivain français (Paris 1861 – id. 1949).

Proche des naturalistes (la Teigne, 1885), il signa cependant le Manifeste des Cinq (1887) contre Zola. Célèbre pour les procès que lui valurent ses romans sur la vie militaire (la Caserne, misères du sabre, 1887 ; Sous-Offs, 1889), il se fit l'observateur du petit peuple des faubourgs, des débris des communards, dans un style mêlant le littéraire au parler populaire (les Emmurés, 1894 ; la Colonne, 1901 ; Philémon, vieux de la vieille, 1913). On lui doit aussi des pièces de théâtre, notamment les Chapons (1890), adaptation de Bas les cœurs ! de Darien, et un recueil de souvenirs littéraires (Mémoires d'un ours, 1946).