Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Passerat (Jean)

Philologue et poète français (Troyes 1534 – Paris 1602).

Professeur au collège Cardinal-Lemoine, puis au collège de Boncourt, il entra comme précepteur au service d'Henri de Mesmes, magistrat lettré et mécène, dans l'hôtel duquel il habita près de trente ans. En 1572, il succéda à Ramus comme professeur d'éloquence au Collège royal. Son œuvre est en partie constituée de ses cours et leçons inaugurales : Orationes et Praefationes (1606), Commentarii in Catullum, Tibullum et Propertium (1608). Mais l'érudit, chez Passerat, se double d'un satirique (il est l'un des rédacteurs de la Satire Ménippée) et surtout d'un poète : poète vernaculaire dans l'Adieu à Phébus et aux Muses (1559), l'Hymne de la Paix (1563) et le Recueil des œuvres poétiques de Jean Passerat (1606), ensemble de pièces d'inspiration patriotique, religieuse et facétieuse ; poète néolatin dans les Kalendae Januariae, recueil des épigrammes que Passerat, au début de chaque année, avait coutume d'adresser en guise d'étrennes à son hôte et protecteur.

Passeur (Étienne Morin, dit Stève)

Auteur dramatique français (Sedan 1899 – Paris 1966).

Journaliste (au Crapouillot, à l'Aurore), il transposa à la scène un style cinglant qui, dans le cadre toujours repris de l'amour frénétique, anime des personnages outrés : femmes dominatrices (l'Acheteuse, 1930), hommes veules (Suzanne, 1929 ; les Tricheurs, 1932 ; Traîtresse, 1946). Sa brutalité cynique se tempère cependant de couleurs romanesques dans Je vivrai un grand amour (1935) et N'importe quoi pour elle (1954), où fidélité, héroïsme et passion s'allient sur un rythme feuilletonesque. Mais amour et dialogues au couteau font souvent du « passeurisme » une performance en marge de toute vérité sociale et psychologique et qui tourne au stéréotype.

Passion de Perpétue et de Félicité
(Passio sanctarum Perpetuae et Felicitatis)

Récit du martyre subi par cinq chrétiens africains en 203.

Aux souvenirs transmis oralement par Perpétue s'ajoute un épilogue évoquant la mort du groupe. Les songes que relate Perpétue, notamment les visions qu'elle a de son jeune frère mort, ont joué un rôle important dans la constitution de la notion de purgatoire.

Pasternak (Boris Leonidovitch)

Poète russe (Moscou 1890 – Peredelkino 1960).

Élevé dans une famille d'artistes (son père, Leonid, est un peintre reconnu, et sa mère est pianiste), il développe un talent de compositeur, sous l'influence de Scriabine, son maître. Malgré les encouragements de ce dernier, Pasternak refuse de suivre une carrière musicale et choisit de poursuivre des études de philosophie, à l'Université de Moscou, puis à Marbourg (1912), où il s'initie à la pensée idéaliste. Là encore, il renonce à donner une orientation professionnelle à sa formation (mais les préoccupations philosophiques imprègnent l'ensemble de son œuvre), publie son premier recueil de poèmes, le Gémeau dans les nuées (1914) et se rapproche du groupe futuriste Tsentrifouga. La rencontre avec Maïakovski a une grande influence sur sa poésie : Par-dessus les obstacles (1916) partage certains traits du futurisme, l'assimilation du poète à l'artisan, l'intérêt pour le langage en tant que matière sonore..., mais Pasternak refuse la rupture radicale avec le passé et revendique une tradition poétique (Lermontov, Tiouttchev, Rilke). C'est un recueil de 1917, intitulé Ma sœur la vie, libéré des influences, qui traduit le mieux sa conception de la poésie comme instrument d'une participation panthéiste à un dynamisme universel, d'une acceptation totale de l'existence, à laquelle il reviendra dans Seconde Naissance (1930-1931). Il a renoncé, pour essayer de saisir la voix du monde, à une forme poétique plus narrative ; à l'inverse, dans un récit dont l'inspiration se rattache à cette veine, l'Enfance de Luvers (1922), la prose se fait poésie pour décrire les perceptions et les émotions d'une petite fille qui découvre le monde. La révolution, pour Pasternak, est comme toute chose, tout événement, un élément de la nature ; pour la chanter, il se tourne vers le style épique dans Haute Maladie (1924), Dix-neuf cent cinq (1925-1926) et l'Enseigne de vaisseau Schmidt (1926-1927). À partir des années 1920, le problème de la place du poète dans l'Histoire, thème majeur de son œuvre, se pose à lui avec une acuité grandissante : dans le récit les Voies aériennes (1924) et le roman en vers Spektorski (1931), il livre des portraits d'intellectuels qui se sentent en accord avec les idéaux révolutionnaires mais se refusent à la violence qu'ils engendrent, au nom de l'immédiateté de la vie. Jugé « apolitique », il se réfugie dans la traduction (Verlaine, Goethe, Shelley, Shakespeare), avant de trouver dans la guerre prétexte à réconciliation avec son peuple (les Trains du petit jour, 1943 ; l'Espace terrestre, 1945). Il revient cependant après la guerre à un roman entrepris depuis longtemps, le Docteur Jivago, qui pose à nouveau le problème de l'individu dans l'Histoire. L'écrivain a mis beaucoup de lui-même dans la figure du docteur Jivago, médecin mais aussi poète, représentant typique de l'intelligentsia prérévolutionnaire, qui traverse les années de révolution et de guerre civile en refusant tout engagement. Le roman est construit sur un modèle épique, tolstoïen : on suit les protagonistes, Iouri et Lara, dès leur enfance puis à travers leurs pérégrinations dans une Russie en total bouleversement. Les relations du héros avec la nature, l'amour qui le lie à Lara et qui apparaît comme le prolongement de la vie, en écho à la beauté du monde, expriment un désir de rechercher hors de l'Histoire un sens à l'existence et le refus de croire que l'humanité peut se diviser irréductiblement en deux camps. La publication du roman en 1957, en italien (une édition étrangère en russe paraît en 1958, en même temps que les traductions française et anglaise), ainsi que l'attribution du prix Nobel (1958) provoquent une dure campagne contre Pasternak en U.R.S.S. Pendant cette période difficile, Pasternak continue à écrire des poèmes qu'il réunit dans son dernier recueil, l'Éclaircie (1956-1959), où il revient sur tous les thèmes essentiels de son œuvre, et réaffirme cette forme d'humanisme idéaliste et panthéiste qui caractérise sa conception du monde.