Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Tristan l'Hermite (François l'Hermite, sieur du Solier, dit)

Écrivain français (château de Soliers, Marche, v. 1601 – Paris 1655).

Il mena longtemps une vie aventureuse : il fut, entre autres, page d'Henri de Bourbon, bâtard d'Henri IV, lecteur auprès de Scévole de Sainte-Marthe, et secrétaire du marquis de Villars – mais à 13 ans, il avait déjà tué un adversaire en duel et avait dû fuir en Angleterre puis en Norvège. Ses premières années font la trame de son Page disgracié, récit « comique » qu'il publie en 1642. De 1623 à 1644, il est attaché à Gaston d'Orléans, puis à Henri de Guise. Poète, il se fit connaître avec les Plaintes d'Acante, que suivirent les Amours (1638), la Lyre (1641) et les Vers héroïques (1648) : poète de l'amour, de la nuit et de la nature, influencé par Marino et Théophile, il se démarque de la poésie de cour plus frivole de son époque par son lyrisme et sa mélancolie. Mais il s'illustra surtout au théâtre avec la Marianne (1636), tragédie dont le succès balança celui du Cid : les déchirements de l'amour et de la jalousie y sont rendus d'une manière déjà racinienne, grâce à un style à la fois homogène, dépouillé et soutenu, qui permet un pathétique très sûr. La Mort de Sénèque (1645) et la Mort du grand Osman (1646) évoquent l'histoire de deux conspirations qui se referment sur leurs auteurs avec une froide précision : la passion amoureuse ou politique y explique le recours à des armes qui ne font que trop bien leur travail. On doit encore à Tristan une autre tragédie (Panthée, 1637), une comédie (le Parasite, 1654), des Plaidoyers historiques ou Discours de controverse (1643).

Trogue Pompée, en lat. Pompeius Trogus

Historien latin (Ier s. apr. J.-C.).

Originaire de Gaule Narbonnaise, il composa sous le règne d'Auguste des Histoires philippiques en 44 livres dont il ne reste que l'abrégé fait par Justin, sans doute au IIe s. Il expose comment les États anciens de l'Orient ont été absorbés par l'Empire macédonien de Philippe et d'Alexandre. On a pu voir dans l'œuvre l'adaptation d'un travail hellénistique dû à Timagène (Ier s. av. J.-C.). Trogue Pompée rompt avec l'usage de faire parler les personnages au style direct, en préférant le style indirect pour les discours, faisant de l'auteur l'interprète de la pensée de l'orateur. On doit également à Trogue Pompée une Histoire naturelle.

Trokart (Nicolas)

Auteur dramatique belge de langue wallonne (Vottem-les-Liège 1880 – id. 1949).

Venu tard à la littérature dialectale après avoir été longtemps acteur et régisseur de théâtre, il débute en 1930 avec l'Ornière, prélude à une longue et riche série de comédies dramatiques qui comptent parmi les œuvres marquantes de la scène wallonne : les Loups (1931), la Terre (1933), l'Ombre du bonheur (1938), Deux printemps (1938). Son répertoire, d'une quarantaine de pièces, est des plus variés, allant de la satire en vers (Pour le divorce de Bertine, 1932) à l'opérette musicale, formule hybride qui, au moment de la Seconde Guerre mondiale, marqua l'achèvement de la carrière de Trokart et la fin de l'âge d'or du théâtre wallon.

Trollope (Anthony)

Romancier anglais (Londres 1815 – id. 1882).

Né dans une famille que des spéculations malheureuses ont ruinée, mais pourtant élevé à Winchester et à Harrow, il connaît une adolescence difficile et mène comme fonctionnaire des postes une existence médiocre jusqu'à ce qu'une carrière littéraire, dans laquelle il se lance sur le tard, lui amène la prospérité en faisant de lui un des romanciers les plus lus de l'époque victorienne. Commencée avec le Directeur (1855), la série des romans situés dans la province imaginaire du Barsetshire (les Tours de Barchester, 1857 ; le Docteur Thorne, 1858 ; le Presbytère de Framley, 1861 ; la Petite Maison d'Allington, 1864 ; Dernière Chronique du Barset, 1866-1867) campe toute une société provinciale dans laquelle l'argent et le prestige social jouent un rôle déterminant et où l'autorité de l'Église et les modèles imposés par l'aristocratie terrienne préservent pour quelque temps encore un ordre social menacé par l'influence de la ville. Adoptant la même technique qui consiste à prendre pour héros l'un des personnages secondaires d'un précédent livre, les romans « politiques » ou « parlementaires » (Peut-on lui pardonner ?, 1864-65 ; Phinéas Finn, 1867-1869 ; les Diamants Eustace, 1871-1873 ; les Antichambres de Westminster, 1873-1874 ; le Premier ministre, 1875-1876 ; les Enfants du duc, 1879-1880), en même temps qu'ils démontent les mécanismes du pouvoir, donnent le tableau de la classe sociale qui y aspire : la haute bourgeoisie du XIXe siècle anglais. Le réalisme de Trollope – qui, à la différence de Thackeray auquel on l'a comparé, accepte les valeurs de la société qu'il décrit – n'exclut pas la présence constante d'un humour qui, dans les derniers romans (Il savait qu'il avait raison, 1869 ; Notre vie d'aujourd'hui, 1874-1875 ; la Famille de M. Scarborough, 1883), devient proche de la satire.

tropicalisme

Mouvement de contre-culture brésilien, apparu en 1967, lors de la présentation des chansons Alegria, Alegria de Caetano Veloso et Dimanche au parc de Gilberto Gil au IIIe Festival de musique populaire brésilienne de Saõ Paulo. Son influence s'étendit à l'ensemble de la production culturelle de l'époque. Opposés au discours politique de l'intelligentsia de gauche et à l'académisme officiel en vigueur, poètes et paroliers se veulent les héritiers de la poésie concrète tout en se réclamant du primitivisme anthropologique d'Oswald de Andrade. Ils prônent le fragmentaire, l'allégorique, le quotidien, le corps, l'érotisme, l'humour, la fête et revendiquent le droit à la marginalité. La chanson Alegria, Alegria a recours à des procédés tels que l'énumération chaotique et le collage d'éléments contradictoires qui visent la ruine de la tradition musicale tout comme celle de l'idéologie du développement économique et du nationalisme populiste.

Trotzig (Birgitta)

Femme de lettres suédoise (Göteborg 1929).

Elle invente, dans des romans à la manière de Bernanos, des destins solitaires, marqués par les affres de la souffrance et du mal, qui se figent dans une atmosphère noire et glacée (Extraits de la vie des amants, 1951). La conversion au catholicisme ne modifie pas le tragique de l'inspiration et le rythme passionné du style (le Destitué, 1957), quasi visionnaire. Ces enfers, volontiers situés dans un passé de plusieurs siècles : Un paysage (1959), l'Accusation (1966) et la Maladie (1972) mènent à une extrême déréliction pour obliger, par transfiguration, à remonter vers Dieu. Les essais (Projets et Propositions, 1962) et nouvelles (la Reine, précédée de Barbara et de les Vivants et les Morts, 1964 ; Récits, 1977) étayent cette recherche, dont témoignent aussi ses derniers poèmes en prose (Anima, 1982).