Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Roché (Henri-Pierre)

Écrivain français (Paris 1879 – id. 1959).

Grand collectionneur, ce curieux professionnel, polyglotte, européen avant l'heure, a joué un rôle continu de médiateur entre les artistes d'avant-garde et les collectionneurs. Auteur d'articles et de textes sur l'art, il fut aussi un Don Juan qui passa la majeure partie de sa vie à transcrire ses multiples liaisons amoureuses. Ces écrits intimes, poursuivis avec méthode, nourriront les récits autobiographiques écrits et publiés sur le tard, Jules et Jim (1953), les Deux Anglaises et le continent (1956), qui seront adaptés par François Truffaut et lui donneront la célébrité.

Roche (Maurice)

Écrivain français (Clermont-Ferrand 1925 – Sèvres, Hauts-de-Seine, 1997).

Musicologue (Monteverdi, 1960), lui-même compositeur, dans la lignée de Berg et de Schoenberg (il a signé la musique concrète des Épiphanies de Pichette, en 1947), il écrit d'abord pour l'oreille, ce qui l'apparente à Pinget, sans que son œuvre ressortisse pour autant au Nouveau Roman. Ponctuée de jeux de mots, son écriture est en effet comparable à une étude de rythme, où l'organisation du récit empêche néanmoins d'associer la partition scandée du texte à une lyre poétique.

   La création, d'emblée, excède les cadres génériques. Dans Compact (1966), le tableau des variations pronominales répond à la diversité des notations typographiques, tandis que les pistes narratives entrecroisées, multipliant les codes et les combinatoires (des caractères Braille aux enseignes lumineuses, en passant par différents alphabets non romains), témoignent aussi d'une écriture pour l'œil. Après quelques années de silence, les fragments de Circus (1972) se recomposent en une « héautoscopie » aléatoire ; puis CodeX (1974) explore les réseaux de la lecture, « de la préhistoire à la fin de l'histoire ». Ce premier ensemble met en cause les structures sociales, culturelles et rhétoriques, en trois stades que l'auteur définit comme ceux de l'aveugle-voyant, de l'annexé-aliéné et de l'amnésique-mémorialiste.

   Outre une fantaisie exubérante et durable (Un petit rien-du-tout tout neuf plié dans une feuille de persil, 1998), l'inventivité lexicale, proche de celle d'un Laforgue, traduit l'obsession de la mort, la Camar(a)de dont procèdent Opéra bouffe (1975), Macabré (1979), Maladie Mélodie (1980). Les origines ressuscitées (Mémoire, 1976) préfigurent ainsi la fin. Le journal est un Testament (1979), l'humour noir (Je ne vais pas bien mais il faut que j'y aille, 1987) inséparable des humeurs du cadavre (Grande Humoresque opus 27, 1998). Apparemment, l'écrivain n'était pas né un 2 novembre pour rien...

Rochefort (Christiane)

Romancière française (Paris 1917 – Le Pradet 1998).

Premier roman, immense succès : le Repos du guerrier (1958, porté à l'écran par Vadim), dont le héros s'abîme dans les décombres du second conflit mondial, est aussi la revendication d'une femme à parler du sexe. Une même liberté d'esprit jointe à un sens aigu de la critique sociale anime les Petits Enfants du siècle (1961), sur la détresse morale des habitants des grands ensembles et de la société de consommation naissante. Après Printemps au parking (1969), qui évoque un amour homosexuel, les autres romans, qui restent de facture traditionnelle, dénoncent la souffrance des enfants ou des adolescents désorientés par les institutions familiales, scolaires et politiques (Stances à Sophie, 1963 ; Une rose pour Morrison, 1966 ; Encore heureux qu'on va vers l'été, 1975 ; la Porte du fond, 1988). On retrouve la rebellion contre les interdits et toutes les formes d'aliénation, comme recherche utopique du bonheur, dans ses essais (C'est bizarre l'écriture, 1970 ; Archaos ou le Jardin étincelant, 1972 ; les Enfants d'abord, 1976), dans Ma vie revue et corrigée par l'auteur (1978), son autobiographie, ainsi que dans Conversations sans paroles (1997), qui relève davantage de l'autofiction.

Rochefort (école de)

Groupe littéraire formé en 1941, à Rochefort-sur-Loire (Maine-et-Loire), par des poètes rassemblés autour de Jean Bouhier et René Guy Cadou : Marcel Béalu, Michel Manoll, Luc Bérimont, Jean Rousselot, Paul Chaulot. L'école de Rochefort tint aussi un moment dans sa mouvance Jean Follain, Louis Guillaume, André Verdet, Maurice Fombeure, Guillevic. Rejetant le dogmatisme et, tout en incitant ses membres à refuser la servitude et à résister à l'occupant, l'école de Rochefort se donna pour but la sauvegarde du langage poétique conçu comme le lieu de rencontre du merveilleux (dans une tonalité souvent proche du surréalisme) et du réel quotidien (dans sa saveur provinciale et paysanne). L'esprit du mouvement se prolongea bien au-delà de la guerre, jusque dans les années 1960.

Rochester (John Wilmot, 2e comte de)

Poète anglais (Ditchley, Oxfordshire, 1647 – Woodstock Park 1680).

Favori de Charles II, grand seigneur libertin et courageux, mais incontestablement le meilleur poète parmi les « beaux esprits » de la Restauration, il aura très jeune une mort édifiante, sous l'influence du pasteur écossais Gilbert Burnet. Sa correspondance avec sa femme et avec Henry Savile compte parmi les plus intéressantes de l'époque et sa Satire contre l'humanité (1875), qui dit l'amertume gracieuse du libre penseur, est le premier poème européen sur le néant.

Rochon de Chabannes (Marc Antoine Jacques)

Auteur dramatique français (Paris 1730 – id. 1800).

Il est l'auteur de comédies, de tragédies et d'opéras-comiques qui, malgré leur médiocrité, furent joués assez régulièrement au cours du XVIIIe s. On peut y déceler l'évolution générale du goût vers une théâtralité marquée par le drame bourgeois. Sa comédie Heureusement (1762) inspira peut-être à Beaumarchais le personnage de Chérubin. Dans un ensemble de pièces gaies, souvent de circonstance, se détache une comédie de mœurs en cinq actes, le Jaloux (1785).

Rod (Édouard)

Écrivain suisse de langue française (Nyon 1857 – Paris 1910).

Après avoir étudié les lettres à Lausanne puis séjourné en Allemagne, il enseigne à Genève, pour se fixer, en 1883, à Paris. Proche de Zola (dont il avait pris publiquement la défense), il compose un nombre impressionnant de romans un peu moralisants, mais au succès assuré : la Vie privée de Michel Teissier (1893), la Seconde Vie de Michel Teissier (1894), etc. On lui doit également des Nouvelles vaudoises (1883) et des ouvrages de critique (les Idées morales du temps présent, 1891). Il conseilla Ramuz à ses débuts.