Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Gaarder (Jostein)

Écrivain norvégien (Oslo, 1952).

Professeur de philosophie, il propose dans le Monde de Sophie (1995) de rendre accessible à une adolescente un savoir et une pensée présentés comme une sorte de voyage initiatique. Son parcours historique, ludique, apparaissant comme un moyen de vulgarisation satisfaisant pour le plus grand nombre, a valu à l'auteur une approbation internationale. Le Mystère de la patience a confirmé ce succès, relayé aujourd'hui par Dans un miroir obscur, sorte de conte qui permet à un enfant d'aborder avec moins d'angoisse la réalité de la mort.

Gaboriau (Émile)

Écrivain français (Saujon 1832 – Paris 1873).

Secrétaire de P. Féval, il devint célèbre en publiant l'Affaire Lerouge (1865) en feuilleton dans le Pays, en s'inspirant d'un fait divers. Accordant une place privilégiée à l'énigme et aux méthodes de déduction, et mettant en scène un personnage d'enquêteur, il créait ainsi une sorte de jeu entre l'auteur et le lecteur, et du même coup le roman policier français. Le Petit Journal publia ses autres romans : le Crime d'Orcival (1866), le Dossier nº 113 (1867), Monsieur Lecoq (1868).

Gace de La Bigne
ou Gace de La Buigne

Poète français (vers 1310 – v. 1380).

Chapelain de Jean le Bon, il est l'auteur d'un Roman des déduits, dont la première partie (vers 1359) évoque le traditionnel combat des Vices et des Vertus et dont la seconde (vers 1380) expose l'art de chasser avec chiens ou oiseaux.

Gadda (Carlo Emilio)

Écrivain italien (Milan 1893 – Rome 1973)

Après des études d'électronique et l'expérience de la guerre, qu'il vit d'abord comme une aventure héroïque, il fait ses débuts littéraires en 1926 dans la revue d'avant-garde et la collection éponyme « Solaria » (la Madone des philosophes, 1931 ; le Château d'Udine, 1934). Il choisit ensuite de s'exiler devant le raidissement du fascisme. Il participe alors à un mouvement de résistance intellectuelle au sein de la revue Letteratura à Florence. Il exprime son refus du fascisme dans un essai d'interprétation psychanalytique de la tragi-comédie mussolinienne (Éros et Priape, 1967). Après la guerre, il se consacre à la récupération stylistique de son œuvre antérieure (l'Adalgisa, 1944 ; Nouvelles du duché en flammes, 1953) et à la rédaction d'une somme romanesque et esthétique (l'Affreux Pastis de la rue des Merles, 1957) qui unit, sur le mode parodique, toutes les influences littéraires, de la farce médiévale aux structures labyrinthiques de Joyce. La violence qu'il impose au langage est l'écho d'une violence subie, une réponse à la « difformité spirituelle » infligée à l'écrivain par l'expérience traumatique qu'atteste son tout premier texte, composé à partir de 1915 (Journal de guerre et de prison, 1955). Face à une société qui n'a pas attendu la montée du fascisme pour être la contradiction vivante des idéaux auxquels elle sacrifie sa jeunesse, la caricature et l'autocaricature sont les seules voies ouvertes à une écriture qui se veut « instrument absolu du rachat et de la vengeance ». La « rage » de Gadda confine ainsi au masochisme dans la satire des mythes de la bourgeoisie lombarde dont s'est nourrie la culture de son adolescence (Saint Georges chez la famille Brocchi, 1930 ; les Rêves et la foudre, 1955). Sous l'humour et la virtuosité perce la Connaissance de la douleur (1938-1963), qui donne à cette œuvre son acuité et sa gravité. Après la mort de Gadda ont paru de très nombreux inédits, récits, nouvelles, essais (Méditation milanaise, 1972 ; Cahier d'études, 1983 ; Carnet de Caporetto, 1991), ainsi que l'amorce d'une abondante correspondance (Lettres à une dame gentille, 1983).

Gaddis (William)

Écrivain américain (New York 1922 – id. 1998).

Ses romans, Reconnaissances (écrit de 1947 à 1952 et publié en 1962), J. R. (1975), Gothique Charpentier (1985), le Dernier Acte (1998), qui font des objets et des personnages des reflets et des répliques d'une réalité « reconnaissable » uniquement dans l'art – qui n'est lui-même qu'imitation –, définissent la littérature expérimentale américaine par la complexité de la structure narrative, l'usage de l'humour et une systématique de la déception plaçant la création du côté non de l'authenticité mais de la ruse.

Gadenne (Paul)

Écrivain français (Armentières 1907 – Cambo-les-Bains 1956).

Principalement connu pour ses romans, il a également écrit des nouvelles (Baleine, 1949 ; Bal à Espelette, 1954), des poèmes (le Guide du voyageur, 1986), des textes pour le théâtre (Michel Kohlaas, 1987) et des « carnets », entre le journal et le brouillon, cabinet d'études de l'écrivain. Son œuvre romanesque, marquée tout entière par la misère et la maladie (la tuberculose le rongea à partir de 1933), nourrie par les thèmes de l'altérité, du jugement et de la culpabilité, compose une quête spirituelle qui n'est pas sans évoquer Herman Melville (Siloé, 1941 ; le Vent noir, 1947 ; la Rue profonde, 1948 ; la Plage de Scheveningen, 1952 ; les Hauts Quartiers, 1973).

gadl

Genre littéraire éthiopien de langue guèze, consistant dans le récit de la vie d'un saint et des hauts faits qui jalonnent sa vie spirituelle. Le terme gadl, qui traduit le grec agon, désigne comme lui le combat spirituel de cet athlète de la foi chrétienne qu'est le saint, énergique, intrépide, intraitable. Les ouvrages de ce genre (on traduit parfois par « Vie » ou « Actes ») comprennent généralement deux parties, dont la première et principale est le gadl proprement dit, suivi du récit des miracles accomplis par le saint, dont la liste est plus ou moins longue, selon qu'elle a été tenue à jour ou non. Lorsque le saint a été martyrisé, le récit de son martyre peut être détaché du gadl pour constituer une partie indépendante, insérée avant le récit des miracles. On trouve enfin, dans la plupart des cas, un poème à forme fixe, le malke'e ou « effigie » du saint, et parfois d'autres poèmes du genre salâm (« salut »).

   On distingue deux types de gadl : les ouvrages traduits en guèze pour célébrer des saints étrangers à l'Éthiopie, et les œuvres originales écrites en guèze pour célébrer des saints éthiopiens. Selon Guidi, le plus ancien gadl serait une version éthiopienne de la vie de saint Paul, premier ermite, traduite du grec à l'époque des Neuf Saints (seconde moitié du Ve s.). Cette traduction serait à mettre en rapport avec celle de la règle de saint Pacôme, en vue de la diffusion du monachisme en Éthiopie. Ce sont surtout les gadl des saints vénérés par les coptes qui ont été traduits (Basilide, Juste, Théodore, Apater, Claude, Victor, Sisinnie, Irène, Théoclie) ; mais la vie de saint Alexis est arrivée aussi jusqu'en Éthiopie. Ces traductions sont intéressantes pour l'étude de l'hagiographie chrétienne. On y trouve des stéréotypes qui seront empruntés abondamment par l'hagiographie indigène et qui font du gadl une œuvre qui s'analyse en traits et en motifs comme un récit folklorique. Les gadl ont été regroupés en cycles : des dissidents, des fondateurs, des saints du Tigré, des saints du Sud, etc. L'hagiographie indigène a aussi fait une place à des souverains que l'historiographie officielle voulait peut-être faire oublier, en particulier les rois Zâgwê, dont le plus célèbre est Lâlibalâ. Mais on a même un gadl du négus Iyâsu Ier (1682-1706) qui n'appartient pas à la dynastie zâgwê et qui est vénéré comme martyr par l'Église éthiopienne.