Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
L

Lucilius (Caius)

Poète latin (Suessa Aurunca, Campanie, v. 180 av. J.-C. – Naples 105 av. J.-C.).

Pénétré de culture grecque, il appartenait au cercle des Scipions. Il donna à la satire romaine sa forme littéraire, en 30 livres qui abordent aussi bien des questions d'actualité que des problèmes d'ordre littéraire ou grammatical. Son sens aigu de l'observation lui permet de caricaturer avec esprit ses contemporains et la leçon morale qu'il tire de sa critique de la société donne son originalité au genre, dans lequel s'illustreront Horace (qui reprochera cependant à son maître la désinvolture de son style), Perse et Juvénal.

Lucini (Gian Pietro)

Écrivain italien (Milan 1867 – Breglia, Côme, 1914).

Poète symboliste, « Scapigliato » (Poésies choisies, 1917), romancier de l'idéal égalitaire (Gian Pietro da Core, 1895), son goût de l'expérimentation fut appréciée des futuristes et redécouvert par les avant-gardes des années 1960 (le Monologue de Rosaura, 1898 ; Coups de revolver, 1909).

Lucot (Hubert)

Écrivain français (Paris 1935).

Après quelques livres brefs et hermétiques écrits dans les années 1960 (Jac Regrouper, Absolument, repris respectivement en 1993 et 1996), il compose en 1970-1971 le Grand Graphe, livre d'une seule page de douze mètres carrés qui fait coexister dans un même espace une multitude de plans spatiaux et temporels (publié tel quel en 1990, après avoir donné lieu à une version en pages séparées : Autobiogre d'A.M. 75, 1980). Il intègrera ensuite la technique du «  graphe  » au format nécessairement plus linéaire du livre, dans Phanées les nuées (1981), Langst (1984), Sur le motif (1995), Probablement (1999). Son écriture, d'une densité extrême, est à l'image – kaléidoscopique, fragmentaire, polyphonique – des entrelacs et les bifurcations de la mémoire. Mais si Lucot mène une recherche du temps perdu, il n'est pour lui d'autre temps que celui de l'écriture ni d'autre histoire que celle du livre en train de s'écrire, moyen de vivre le réel en différé. On lui doit aussi les Voleurs d'orgasmes (1998), roman d'aventure, et un texte sur Bram Van Velde, Bram ou seule la peinture (1994).

Lucrèce, en lat. Titus Lucretius Carus

Poète latin (vers 98 – 55 av. J.-C.).

La vie de cet aristocrate, peut-être d'origine campanienne, est inconnue et il faut tenir pour légendaires la plupart des informations données par les Anciens à son sujet, comme la tradition, transmise par saint Jérôme, qui veut que Lucrèce, frappé de folie, ait composé son De natura rerum dans ses rares moments de lucidité. Dans ce poème en 6 livres, qui s'inscrit dans la tradition des poèmes philosophiques grecs d'Empédocle ou de Parménide, Lucrèce a adopté le style épique pour exposer la philosophie épicurienne et convaincre son lecteur que, pour trouver le plaisir, il doit se défaire de la crainte des dieux et de l'angoisse de la mort. Dédiée au noble Memmius, l'œuvre débute par une invocation à Vénus, principe de fécondité. Les deux premiers chants, consacrés à l'exposition de la théorie épicurienne des atomes, rendent compte de la formation du monde. Selon la grande loi que « rien ne se crée, rien ne se perd », tout s'explique par des combinaisons d'éléments insécables, les atomes, entraînés dans le vide par une chute éternelle. Dans cette chute, les atomes subissent une inclinaison variable, le clinamen, et peuvent ainsi se rencontrer pour donner naissance à des « turbulences » locales et finalement aux choses et aux êtres. Cette explication dans laquelle la critique moderne (Michel Serres) retrouve les principes de la mécanique des fluides, rend compte de la formation des corps sans avoir besoin de recourir à l'intervention divine. Dans les deux chants suivants, Lucrèce s'intéresse plus particulièrement à l'homme : l'esprit (animus) et l'âme (anima) sont matériels, composés d'atomes et mortels, ce qui doit bannir toute peur des Enfers. Le chant IV est consacré à la théorie des sensations, produites par les simulacres ou images émises par les corps et qui pénètrent dans l'âme par l'intermédiaire des yeux ; mais les sens sont sujets aux illusions et provoquent les passions qui troublent le jugement. Les deux derniers chants brossent une histoire du monde, de la constitution des formes géologiques et animales aux manifestations historiques de la civilisation. Les phénomènes qui frappent l'homme dans son esprit (arc-en-ciel) ou dans son être (en particulier la grande peste d'Athènes) donnent à l'œuvre une conclusion « apocalyptique », leur évocation étant destinée à affranchir le sage de la crainte des catastrophes naturelles.

   Ce poème présente, dans sa démystification mythologique et religieuse, l'état archaïque des sciences humaines. Il place dans une même perspective la biologie (de la génération spontanée des origines à la reproduction sexuée dont la vigueur décroît selon le principe de dégradation) et l'histoire (chaque progrès culturel provoque une dérive nouvelle qui suscite à son tour un nouvel équilibre provisoire : le travail et les arts compensent la dégradation mais en accentuent la portée). La spirale de l'histoire est isomorphe à la genèse naturelle à partir du Chaos. L'histoire naît ainsi de la physique. Et la physique, science des turbulences, fonde l'ataraxie morale : vivre de peu, désirer peu, se situer au plus près de la naissance du trouble, de l'apparition de l'écart à l'équilibre, de la nature à l'état naissant. Qui comprend la physique se conduit selon la morale : il connaît son lieu, ses limites ; il cultive son jardin. Le style même du poème, par ses répétitions fréquentes et le rappel des principes dans la manière des exposés scientifiques, fait de l'œuvre « un texte en tourbillon, doué d'attraction à longue distance ».

Ludwig (Otto)

Écrivain allemand (Eisfeld 1813 – Dresde 1865).

Celui qui toute sa vie rivalisera avec Hebbel connaît le succès au théâtre avec le Forestier héréditaire (1850) et les Maccabées (1854). Dans ses écrits théoriques sur le théâtre, il combat l'héritage de Schiller (qu'il cherche pourtant à égaler) et prône l'exemple de Shakespeare (Études sur Shakespeare, 1871). Ses œuvres en prose les plus connues (notamment la nouvelle Heiterethei, 1854) et le roman Entre Ciel et Terre, 1855, sont des récits villageois représentatifs de cet art du juste milieu qu'il définissait lui-même comme « réalisme poétique ».