Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
R

Radicevic (Branko)

Poète serbe (Slavonski Brod 1824 – Vienne 1853).

La parution de son recueil (Poèmes, 1847, 1851, 1862) symbolise l'affranchissement de la poésie serbe des traditions néoclassiques et, sur le plan de la langue, le triomphe de la langue populaire et de la réforme de Karadzic.

Radichtchev (Aleksandr Nikolaïevitch)

Écrivain russe (Moscou 1749 – Saint-Pétersbourg 1802).

Fils d'un riche propriétaire terrien, il fit ses études dans le corps des cadets (1762-1766) et perfectionna son droit à l'université de Leipzig. Il est l'auteur du premier poème révolutionnaire russe, l'ode Liberté (1783), dans laquelle il chante la naissance des États-Unis. Il poursuit son œuvre, imprégnée de la philosophie des Lumières, avec le Discours sur ce qu'est un enfant de la patrie et la Vie de F. V. Ouchakov (1789), mais on retient surtout son Voyage de Pétersbourg à Moscou (1790), où il dénonce – et cela au moment où Catherine II, effrayée par la Révolution française, renonce à l'esprit des Lumières – l'absolutisme et les conditions sociales de son pays. Il a emprunté à Sterne l'idée d'un journal de voyage, ainsi que son sentimentalisme mais, révélant les causes de sa mélancolie et de sa pitié, il donnait en même temps à ce style un contenu spécifiquement russe. D'où cette étrange contamination entre le sentimentalisme de ton, le réalisme du contenu et le classicisme du langage. L'ouvrage fut prohibé (sa libre circulation n'interviendra qu'en 1905), son auteur arrêté et condamné à mort (peine commuée en exil en Sibérie), puis réhabilité par Alexandre Ier (1801). Mais, menacé de nouveau d'exil en raison de son projet de réformes sociales, Radichtchev se suicida. Toutefois, l'esprit de son œuvre resta toujours vivant et des poètes mineurs constituèrent même une école de « radichtchéviens ».

Radičkov (Jordan)

Écrivain et dramaturge bulgare (Radičkov 1929 – Sofia 2004).

Auteur d'une œuvre considérable où le thème fondamental est le déclin du village, à une époque de tournant historique où l'esprit primitif s'oppose d'une manière douloureuse aux temps modernes, novateur dans la poétique du récit et du théâtre, il se sert largement de l'ironie, du grotesque et de la caricature. Par le biais du folkore et de la mythologie populaire, il décrit la vie comme une éternelle comédie, qui témoigne de l'état psychique et social de la paysannerie actuelle dont l'existence aux aspects absurdes est rendue par le rire (Humeur féroce, 1965 ; Prose humaine, 1967). Estimant que les lois de la nature sont les seuls critères de la vie humaine et que celle-ci se trouve lourdement menacée par le progrès technique, Radickov propose comme condition indispensable d'équilibre et d'apaisement l'unité de l'homme et de son environnement – ce dont témoignent son roman Arche de Noé (1989), expression du désarroi d'une société en dérive, ainsi que son théâtre (Lazarica, 1978 ; Essai de vol, 1979).

Radiguet (Raymond)

Écrivain français (Saint-Maur-des-Fossés 1903 – Paris 1923).

Poète à 14 ans, journaliste à 15, lié au Montmartre artistique puis au Montparnasse des années 1920, celui de Picasso et de Max Jacob, de Modigliani et de Cocteau, mêlé à la brillante compagnie du « Bœuf sur le toit », Radiguet avait tout pour s'accomplir dans l'ordre de la modernité. Ses poèmes (les Joues en feu, 1920) et une comédie loufoque (les Pélicans, 1921) s'y inscrivent sans peine. Ce n'est pourtant pas par là qu'il demeure. Si ses deux romans, le Diable au corps (1923) et le Bal du comte d'Orgel (1924), nous retiennent aujourd'hui, c'est qu'ils sont classiques à tous égards : dans l'analyse des personnages, dans le style d'une « banalité supérieure » (Gide), dans les références explicites enfin (Mme de La Fayette et Laclos). Le Diable au corps peint une jeunesse tôt mûrie, entraînée plus vite et plus loin que ses aînés dans les « grandes vacances » de la guerre. Traditionnelle dans le discours amoureux, la narration joue aussi d'un langage plus secret, emprunte des images au symbolisme de l'eau et du feu, mettant peu à peu en place une inexorable machinerie. Sorte de pastiche de la Princesse de Clèves, le Bal du comte d'Orgel est d'une transparence trompeuse. Le trouble règne tout au long de ce récit rigoureux qui dissimule à peine les ambiguïtés, la grandeur et la douleur du renoncement à l'amour. Mort à 20 ans de la typhoïde, Radiguet laisse une œuvre précoce où l'écriture court sans assembler d'autres faits que nécessaires, élevant le détail psychologique à la maxime de portée universelle.

Radnóti (Miklós)

Poète hongrois (Budapest 1909 – Abda 1944).

Après l'obtention du diplôme de professeur de français et de hongrois, il ne put accéder à la profession d'enseignant. Déporté pendant la Seconde Guerre mondiale, il meurt, fusillé par les nazis. Ses premiers recueils d'inspiration bucolique (Salut païen, 1930 ; Chants de nouveaux bergers, 1931) sont suivis de poèmes de plus en plus inquiets. La montée du fascisme lui inspira Marche donc, condamné à mort (1936). Écrit pendant sa déportation, son recueil posthume (Ciel d'orage, 1946), empreint d'un certain classicisme au ton élégiaque, contient quelques-uns de ses poèmes les plus célèbres (Églogues, Marche forcée, Lettre à l'épouse, À la recherche) ainsi que ses poignants Razglednica (Cartes postales).

Radoev (Ivan)

Poète et dramaturge bulgare (Pordim 1927 – Sofia 1994).

Aussi bien dans sa poésie novatrice (Une feuille blanche, 1975) que dans son œuvre théâtrale influencée par le théâtre occidental de l'absurde, l'auteur incarne pleinement la négation et le rejet du totalitarisme. Pionnier du théâtre de l'absurde bulgare, par une nouvelle poétique où l'illogique joue un rôle fondamental, il rejette le monde figé, produit de l'idéologie dominante. À la recherche d'un autre idéal, à travers les collisions de ses personnages épris de vérité, Radoev ouvre de nouveaux horizons spirituels et artistiques (la Cannibale, 1979 ; Comédies dramatiques, 1987).

Raes (Hugo)

Écrivain belge de langue néerlandaise (Anvers 1929).

Membre de l'avant-garde des années 1950, il a établi sa notoriété sur des romans dans lesquels méditations, souvenirs, impressions et rêves – se suivant apparemment sans cohérence – sont en réalité structurés de façon originale et donnent de l'homme et de l'univers une vision plus suggérée qu'elle n'est imposée (les Rois fainéants, 1961 ; le Ciel et la Chair, 1964). Revenant au récit linéaire, il aborda avec le Voyageur de l'Antitemps (1970) un univers apparenté à celui de la science-fiction, prétexte à une critique sociale teintée d'humour.