Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
S

Soga monogatari
(Dit des Soga)

Récit épique japonais de la fin du XIVe s., relatant sous une forme romancée l'histoire des deux frères Soga, Goro et Juro, qui moururent en 1193 après avoir tué, lors d'une partie de chasse, Kudo Suketsune, qui dix-sept ans plus tôt avait assassiné leur père, Saburo Sukeshige. Dans la première partie du récit, marquée par le Dit des Heike, les causes de la vengeance sont replacées dans leur contexte historique dominé par l'ascension de Minamoto no Yoritomo, le fondateur du bakufu de Kamakura. La seconde partie dépeint la vie et les mœurs des guerriers du Kanto, dont les deux frères incarnent les valeurs héroïques. D'abord transmis oralement, le récit fut rédigé par un moine de Hakone qui, tout en prenant le parti des guerriers, manifeste un fort souci de moralisme. Le Dit des Soga inspira nombre de récits et de chants populaires ainsi que beaucoup d'œuvres du joruri et du kabuki.

sogdien

Langue iranienne appartenant au groupe oriental et au stade du moyen-iranien (IVe-Xe s.), et qui joua le rôle d'une véritable langue internationale dans toute l'Asie centrale médiévale  jusqu'en Mongolie et aux confins de la Chine et du Tibet. Il fut redécouvert au début du XXe s. Le document le plus ancien est une correspondance privée datant du IVe s. apr. J.-C., mais la plus grande partie des textes sont des écrits religieux bouddhiques, chrétiens et manichéens des VIIIe et IXe s. trouvés principalement à Tourfan et à Dunhuang, et transcrits dans des écritures diverses, toutes d'origine araméenne. Le yaghnobi, dialecte parlé à l'est de Samarcande, est actuellement le seul vestige du sogdien.

Soirées de Médan (les)

Recueil collectif de six nouvelles.

Zola est le chef de file d'un groupe de jeunes écrivains qu'il réunit chez lui, à Médan. Le recueil est le manifeste d'une école. Ces nouvelles ont pour cadre la guerre de 1870. Pas d'épopée dans cette « Invasion comique » (premier titre envisagé), les auteurs refusant tout chauvinisme : « Ce ne sera pas antipatriotique, mais simplement vrai. » Une préface-programme précède l'Attaque du moulin de Zola, située en Lorraine, où la guerre vient briser la vie du héros. Dans Boule de suif de Maupassant, la prostituée au grand cœur devient un martyr. Sac au dos de Huysmans raconte les tribulations tragi-comiques d'un soldat malade. Dans la Saignée de Céard, la maîtresse du gouverneur de Paris pendant le siège se moque de l'inertie de son amant. L'Affaire du grand sept de Hennique décrit l'assaut d'une escouade contre une maison de tolérance. Enfin, Après la bataille d'Alexis relate la rencontre d'une veuve et d'un prêtre.

Sojcher (Jacques)

Écrivain belge de langue française (Bruxelles 1939).

Auteur d'un essai sur Nietzsche (la Question et le Sens, 1972) et d'une réflexion sur la Démarche poétique (1976), il se livre, dans des textes plus personnels ou des fictions (le Professeur de philosophie, 1976 ; la Mise en quarantaine, 1978 ; le Rêve de ne pas parler, 1981), à  un incessant questionnement, souvent ironique, visant à saper l'autorité du logos et à désigner « l'aparole de tout récit ».

Soldati (Mario)

Écrivain et metteur en scène italien (Turin 1906 – Tollaro, Ligurie, 1999).

Étudiant en lettres à Turin et à Rome, il obtient une bourse d'études en histoire de l'art aux États-Unis, qu'il évoque dans un savoureux journal (Amérique, premier amour, 1935), ayant révélé, avec Salmace (1929), une précoce vocation d'écrivain. L'humour, le suspense et la vie (l'Affaire Motta, 1941 ; le Festin du Commandeur, 1950 ; les Lettres de Capri, 1954 ; le Vrai Silvestri, 1957 ; la Confession, 1955 ; l'Enveloppe orange, 1966 ; le Dernier rôle, 1974 ; l'Émeraude, 1974 ; l'Incendie, 1981 ; El paseo de Gracia, 1987). De son intense activité cinématographique (1936-1959), ses films les plus réussis sont des adaptations des romans de Fogazzaro. 

Soljenitsyne (Aleksandr Issaïevitch)

Écrivain russe (Kislovodsk 1918).

Descendant de propriétaires fonciers expropriés par la Révolution, il fait des études de sciences, puis de philosophie et d'histoire, avant d'être mobilisé en 1941. Arrêté pour délit d'opinion (1945), il purge une peine de détention, puis de relégation (1945-1956). Libéré, il enseigne dans des écoles de province, et entreprend de porter témoignage : en 1955, il a commencé le Premier Cercle, dont le titre fait référence à l'Enfer de Dante. Il y développe le motif de la résistance à l'asservissement moral, le thème de la liberté intérieure : le roman se déroule dans une prison où des zeks (prisonniers politiques) ingénieurs doivent déchiffrer des bandes téléphoniques ; l'auteur y brosse un tableau de l'univers carcéral et y montre comment l'humanité authentique se réfugie dans les prisons. Une journée d'Ivan Denissovitch, publié en 1962, dans la revue Novy Mir, est comme le pendant du Premier Cercle puisqu'il présente le même univers répressif, mais du point de vue d'un homme du peuple, prisonnier dans un camp de travail, et qui réussit à conserver sa noblesse, le respect des valeurs qui en font un être humain. Sa parution provoque un choc, car il offre une peinture sans concession de l'univers du bagne. C'est à la même période (1958) que l'écrivain entreprend l'Archipel du Goulag, conçu comme un « roman d'investigation littéraire » sur les racines du mal absolu ayant dominé la Russie pendant la période 1918-1956. Les récits ultérieurs hésitent entre la critique des séquelles du passé (Incident à Kretchetovka, Pour le bien de la cause, 1963) et l'affirmation de valeurs chrétiennes ou néotolstoïennes (la Maison de Matriona, 1963 ; Zakharie l'escarcelle, 1966). En butte à l'hostilité de l'Union des écrivains (Lettre sur la censure, 1967), qui finira par l'exclure (1969), c'est à l'étranger qu'il édite, en 1968, le Pavillon des cancéreux. Le titre est une métaphore pour dire un pays malade, gangrené, mais, par rapport aux œuvres précédentes, on trouve un motif nouveau, celui de la guérison, de la renaissance. En 1971, le roman Août 14 affirme son dessein de restituer le cours d'une histoire nationale qu'il estime « falsifiée »  : ce projet, concrétisé par la parution du livre ainsi que de l'Archipel du Goulag à Paris (1973), lui vaut d'être déchu de sa citoyenneté et expulsé en 1974 (il avait toujours refusé de s'exiler et ne s'était pas rendu en Suède en 1970 pour recevoir le prix Nobel). Installé aux États-Unis, il poursuit le projet amorcé avec Avril 14, en faisant de ce roman le premier « nœud » (le cycle se concentre autour de moments très précis, jusqu'en Avril 17) d'une épopée consacrée à l'histoire de la Russie au xxe siècle, à partir de la défaite de Samsonov jusqu'à 1922. La « Roue rouge » désigne les forces destructrices qui emportent le pays. L'œuvre frappe par son ampleur et son caractère apparemment composite : il n'y a pas de héros, mais l'attention se focalise sur tel ou tel personnage selon le moment ; l'auteur mêle les passages documentaires, utilisant un matériau historique, et les passages narratifs. Depuis 1967, Soljenitsyne consigne les développements de sa lutte pour la vérité et il publie ces « Mémoires » en 1975, sous le titre le Chêne et le Veau (il leur donnera une suite, le Grain tombé entre les meules, en 1978). De son exil, il s'efforce de fédérer les forces de la « dissidence », tout en opposant à l'effondrement moral de l'Occident le caractère vigoureux du peuple russe endurci par les difficultés et la tyrannie (Discours de Harvard, 1978). La publication de ses œuvres en U.R.S.S. à partir de 1989 et son retour en Russie (1994) font de lui une véritable institution : il jouit d'une autorité morale parfois remise en question par ceux que gêne en particulier une orientation slavophile de moins en moins nuancée. Dans les années 1990, il est revenu à des formes narratives courtes (Nos jeunes, 1993 ; Aldig Schvenkitten, 1998).