Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
V
V

V et W

Initiales de Jiří Voskovec (Sázava-Budy 1905 – Pearl Blossom, Californie, 1981) et de Jan Werich (Prague 1905 – id. 1980), acteurs et auteurs dramatiques tchèques.

Fondateurs du Théâtre libéré de Prague, ils écrivirent près de 30 pièces, donnant libre cours à leur verve imaginative, poétique et dadaïste (Vest pocket Revue, 1927 ; le Nord contre le Sud, 1930 ; le Golem, 1931 ; César, 1932 ; l'Âne et l'Ombre, 1933 ; le Bourreau et le Fou, 1934 ; Ballade des chiffons, 1935, inspirée de Villon ; l'Envers et l'Endroit, 1937 ; le Poing sur l'œil, 1938).

Vaarandi (Debora)

Poétesse estonienne (Võru 1916).

Elle publie ses premiers vers à l'époque stalinienne (Sous le ciel en feu, 1945), puis participe à la renaissance poétique du Dégel en exaltant les choses simples et la subjectivité (le Rêveur à la fenêtre, 1959). Aux évocations de l'histoire et des paysages de son pays se mêlent, dans sa poésie ultérieure, des méditations sur la vie humaine et un lyrisme aux tonalités élégiaques (À la lumière du vent, 1977).

Vaché (Jacques)

Écrivain français (Lorient 1895 – Nantes 1919).

Auteur de Lettres de guerre, publiées par André Breton, il écrit d'abord des poèmes symbolistes, qu'il livrera dans d'éphémères revues fondées avec ses camarades du lycée de Nantes. Mobilisé puis blessé en 1915, il rencontre Breton à Nantes, où il est soigné. Celui-ci, frappé par son « Umour » (hérité de Jarry), son détachement et son refus des valeurs établies, note : « Un surmoi de pure simulation, véritable dentelle du genre, n'est plus retenu par Vaché que comme parure ; une extraordinaire lucidité confère à ses rapports avec le soi un tour insolite, volontiers macabre, des plus inquiétants. C'est de ces rapports que jaillit à jets continus l'humour noir. » Mort d'un excès d'opium, J. Vaché exercera une influence déterminante dans la constitution du surréalisme.

Vadé (Jean Joseph)

Chansonnier et auteur dramatique français (Ham, Somme, 1719 – Paris 1755).

Il écrivit une vingtaine de pièces, vaudevilles, parades, opéras-comiques (les Troqueurs, 1753 ; la Nouvelle Bastienne, 1754 ; les Troyennes en Champagne, 1755). Sa comédie les Racoleurs (1756) est considérée comme le chef-d'œuvre du genre poissard, consacré à reproduire le langage des poissonniers de la Halle, que Vadé illustra également dans son poème la Pipe cassée (1758). Il recourut aussi au genre épistolaire, mettant en scène des gens du peuple s'exprimant en patois.

Vadeboncœur (Pierre)

Écrivain québécois (Strathmore 1920).

Syndicaliste, militant socialiste et indépendantiste, il devient écrivain (la Ligne du risque, 1963) avec la découverte, grâce au peintre automatiste Borduas, de l'influence de l'art et de la littérature sur les idées et l'évolution d'une société. Polémiste rigoureux (Un génocide en douce, 1976), il évoque de façon saisissante la Dernière Heure et la première (1970) de la nation québécoise, petite plante rampante et proliférante. Les Deux Royaumes (1978) opposent la souveraineté de l'esprit créateur, de l'écriture, au rationalisme et à l'efficacité immédiate. L'Absence (1985), « essai à la deuxième personne », est une déclaration d'amour libre, comme les brefs récits et dessins d'enfants qui illustrent la « pensée heureuse », lyrique, de l'essayiste.

Vaguinov (Konstantin Konstantinovitch)

Écrivain russe (Saint-Pétersbourg 1899-1934).

Après avoir combattu au sein de l'Armée rouge, il participe à l'effervescence du Pétersbourg littéraire. Passionné d'histoire, il associe dans sa poésie la paraphrase de thèmes et de mythes antiques à l'évocation du vieux Pétrograd (Voyage dans le chaos, 1921 ; Onomatopée, 1933). Dans son œuvre en prose, il affirme la nécessité de préserver l'art dans un contexte de mécanisation (l'Étoile de Bethléem, 1927) et met en scène, au travers de recherches originales (stylisations, collages, grotesque), des artistes que le déclin de l'ancienne culture condamne à se réfugier dans un monde irréel (le Chant du bouc, 1928 ; les Travaux et les jours de Svistonov, 1929 ; Bambotchada, 1931).

Vaid (Krishna Baldev)

Écrivain pakistanais de langue hindi (1927 dans le Panjab devenu pakistanais après l'Indépendance).

Auteur d'un ouvrage sur Henry James, traducteur de Racine, Beckett, Lewis Carroll, cet homme de lettres d'expression hindi a longtemps enseigné aux États-Unis. Après une période marquée par la partition et les conditions difficiles des classes modestes (Son enfance, 1957 ; Temps passé, 1981). Ses romans ultérieurs, écrits dans une langue riche, ourdouisée, et un style satirique, font place à une quête mystique et désespérée, qui évoque les paradoxes de l'exilé en quête de racines, refusant cependant l'héritage de la culture classique (Personne d'autre, 1978 ; Une Douleur sans remède, 1980 ; Mayalok, le Monde de Maya, 1998 ; Journal d'une servante, 2000). Il est également l'auteur de nombreuses nouvelles aujourd'hui traduites en français.

Vailland (Roger)

Écrivain français (Acy, Oise, 1907 – Meillonnas, Ain, 1965).

Après des études au lycée de Reims (où il crée, avec J. Sima, Daumal et Gilbert-Lecomte, le groupe des simplistes, qui sera à l'origine du Grand Jeu) puis à Paris, il approche les surréalistes, qui condamnent (1929) son activité journalistique, en particulier l'apologie qu'il aurait faite du préfet Chiappe. Devenu compagnon de route du parti communiste (avec lequel il prendra ses distances en 1956 après l'invasion de la Hongrie), il participe au conflit mondial comme correspondant de guerre et combat dans la Résistance. En 1948, il travaille avec Claude Roy à l'hebdomadaire Action. La même année, son pamphlet le Surréalisme contre la révolution règle ses comptes avec Breton et ses amis, déjà évoqués dans Drôle de jeu (1945). Dans ses romans (les Mauvais Coups, 1948 ; Beau Masque, 1954 ; la Fête, 1960 ; la Truite, 1964), toujours de facture serrée, il tente de concilier l'engagement marxiste contre l'injustice de la hiérarchie sociale (325 000 francs, 1955, qui dénonce l'aliénation ouvrière) avec le détachement aristocratique et volontiers cynique d'un dandy moderne (Monsieur Jean, 1959), en héritier du XVIIIe siècle libertin dont il garde la nostalgie (en témoignent ses essais Laclos par lui-même, 1953 ; Éloge du cardinal de Bernis, 1956 ; le Regard froid, 1962). Marqué par cette tension entre militantisme et idéal individualiste, la Loi (prix Goncourt, 1957) a pour cadre un pauvre village des Pouilles, dans une région qui meurt : la terre s'appauvrit, le commerce périclite, les pauvres ne subsistent que de rapines, les notables s'ennuient, leurs femmes les trompent sans entrain. Le maître des lieux, Don Cesare, voit ses désirs s'affadir comme les fruits de son verger. Seul un ancien quartier-maître de la marine, Brigante, enrichi par la prostitution de sa femme et ses propres intrigues, aspire à l'élévation sociale, à un poste administratif. Il parviendra à faire que la société compte avec lui, face aux privilèges d'une aristocratie épuisée. Que la loi émane des féodaux ou des nouveaux pouvoirs, plus marginaux ou plus souterrains, il faut, pour vivre, être suffisamment fort ou adroit pour changer l'espace du jeu et imposer ses propres règles.