Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Plaute, en lat. Maccius Plautus

Poète comique latin (Sarsina, Ombrie, v. 254 – Rome v. 184 av. J.-C.).

On sait peu de chose sur la vie de cet Ombrien venu fort jeune à Rome et qui exerça peut-être la profession de comédien ambulant. Entre 212 et 186 av. J.-C., il fit représenter avec beaucoup de succès ses pièces (au nombre de 130 d'après les Anciens) dont 21 sont parvenues jusqu'à nous : Amphitryon, Asinaria (comédie de l'âne), Aulularia (la Marmite), les Bacchides, les Captifs, Poenulus (le Carthaginois), Casina, la Cassette, le Charançon, le Cordage, Epidicus, le Marchand, les Ménechmes, le Persan, Pseudolus, Mostellaria (le Revenant), Miles gloriosus (le Soldat fanfaron), Stichus, Trinummus (les Trois Écus), Truculentus (le Rustre) et Vidularia (la Valise). Les intrigues de la nouvelle comédie grecque ont inspiré Plaute, mais il a enrichi ses comédies palliatae en y intégrant des éléments empruntés à l'atellane, populaire en Italie, et des références satiriques à l'actualité romaine. Les personnages traditionnels, vieillard, jeune homme, esclave, soldat fanfaron, parasite, proxénète ou courtisane, malgré leurs vêtements grecs, appartiennent à l'univers familier du public de Plaute et les conventions de l'intrigue ne sont qu'un prétexte pour l'auteur qui donne libre cours à son imagination : retournements de situation, comique de mots ou de caractères, monologues, chansons, ballets renouvellent les thèmes chers à la comédie hellénistique. En effet, les sujets des pièces de Plaute que nous possédons ne se distinguent pas par leur originalité : une jeune fille de naissance inconnue, souvent esclave d'un proxénète ou leno, est aimée d'un jeune homme ; grâce aux ruses de son esclave, l'amoureux parvient à extorquer à son père une somme d'argent pour acheter la jeune fille qui, à la fin de la pièce, retrouve ses parents. Plus que l'intrigue amoureuse, ce sont les fourberies de l'esclave qui donnent à la pièce son rythme. Le lien logique entre les scènes n'a qu'une importance secondaire, car la priorité est donnée à l'effet comique, au mouvement étourdissant qui ne ménage aucune pause dans l'action. La force comique de ce théâtre tient aussi à son style qui sait tirer parti de toutes les ressources de la langue latine : jeux de mots, calembours, inventions verbales et richesse des termes techniques permettent à Plaute de jouer sur tous les registres, poétique, familier, trivial, voire obscène. Plaute est avant tout un homme de théâtre et tout chez lui concourt à plaire au public romain dans sa diversité et ses exigences. Les extravagances, les bouffonneries, la truculence ont d'autant plus de poids que, à travers elles, l'auteur tourne en dérision l'ordre social et les conventions humaines et que, dans son univers, le plus rusé l'emporte sur les puissants tournés en ridicule. Une verve comique qui a inspiré des auteurs aussi différents que Boccace, l'Arétin, Rabelais, Shakespeare ou Molière.

Les Ménechmes (vers 215 av. J.-C.). Deux jumeaux ont été séparés dès leur enfance : l'un des deux, enlevé par des pirates, a été élevé à Épidaure, où le second débarque un jour. Toute une série de quiproquos découle de la ressemblance entre les deux frères, qui ne se rencontrent jamais sur scène. Un exercice de virtuosité dramatique (un seul acteur jouant les deux frères) qui inspira Shakespeare, Rotrou et Regnard.

Asinaria [Comédie des ânes] (entre 210 et 194 av. J.-C.), imitée de Démophile. En subtilisant une somme destinée à acheter des ânes, deux esclaves favorisent les amours de leur jeune maître pour une courtisane. L'intérêt de la pièce réside dans le personnage d'un père qui encourage la débauche de son fils afin de la partager, et dans le rôle prépondérant joué par les deux esclaves.

Le Soldat fanfaron [Miles gloriosus] (vers 205 av. J.-C.). La courtisane Philocomasie, qu'aime le jeune Pleusiclès, a été achetée par un mercenaire bravache, Pyrgopolinice. Pour reprendre Philocomasie, Pleusiclès et son esclave Palestrion montent une double machination, faisant tout d'abord croire à Pyrgopolinice que la jeune femme a une sœur jumelle, puis lui envoyant une belle courtisane qui feint d'être amoureuse de lui. Il y a donc en fait deux intrigues dans cette comédie, mais c'est le personnage burlesque de Pyrgopolinice qui, par ses rodomontades puériles et sa fatuité ridicule, donne son unité à la pièce. Il a inspiré de nombreux types de militaires hâbleurs, se vantant d'exploits imaginaires. Rodomont, Matamore, le capitaine Fracasse et autres « tranche-montagnes » ont ainsi pour modèle le Pyrgopolinice de Plaute, dans lequel certains virent une caricature du général romain Scipion l'Africain.

Amphitryon (IIIe-IIe s. av. J.-C.). L'intrigue, empruntée au cycle troyen, raconte comment Jupiter, amoureux d'Alcmène, prend l'apparence de son mari Amphitryon pour la séduire. Deux éléments dominent dans cette comédie : l'importance donnée à l'esclave Sosie et l'approfondissement psychologique du personnage d'Alcmène.

La Cassette [Cistellaria] (vers 200 av. J.-C.), imitée de Ménandre. La pièce, très mutilée, a pour personnage principal une courtisane vertueuse, Sélénie, dont on découvrira la véritable identité grâce à une cassette contenant ses jouets d'enfants. L'intrigue accorde à la vertu et aux sentiments une place inhabituelle dans le théâtre de Plaute.

Le Marchand [Mercator] (vers 200 av. J.-C.). Pour assagir son fils Charinus, le vieillard Démiphon l'envoie faire du commerce sur mer. Charinus revient accompagné d'une belle esclave dont son père tombe immédiatement amoureux. Un ami de Charinus et la femme d'un voisin tiendront en échec les visées du vieillard libertin, et Charinus retrouvera son esclave. La rivalité amoureuse entre le père et le fils constitue le thème principal de cette comédie, inspirée du grec Philémon, et dans laquelle Plaute a tendance à sacrifier le comique aux considérations morales.

Aulularia [la Marmite] (vers 195 av. J.-C.), imitée de Ménandre. Le vieil avare Euclion a découvert dans sa maison une marmite pleine d'or, qu'il promène de cachette en cachette, mais que lui dérobe l'esclave Strobile pour permettre le mariage du jeune Lyconide avec la fille d'Euclion. L'avarice d'Euclion, conçue comme un vice obsessionnel, a inspiré l'Avare de Molière.

Les Captifs (vers 193 av. J.-C.). C'est la seule pièce de Plaute où il n'y ait pas de personnage féminin. L'intrigue repose sur l'échange de personnalité que font deux prisonniers de guerre, un maître et un esclave. La situation se complique du fait que le maître devenu esclave est, sans qu'il le sache, le fils de celui qui le retient prisonnier. Les Captifs représentent un aspect très exceptionnel de l'art de Plaute, qui joue sur toutes les ambiguïtés des rapports entre maître et esclaves.

Le Charançon [Curculio] (vers 193 av. J.-C.). Le jeune Phédrome est amoureux de Planésie, pensionnaire du proxénète Cappadox ; le parasite de Phédrome, Curculio, dérobe à un soldat la somme qui permettra de racheter Planésie. L'intrigue, relativement simple, permet à Plaute d'accorder toute son attention à ses personnages : le soldat fanfaron, l'ignoble proxénète et surtout le parasite, jamais en repos et prêt à tout pour satisfaire sa gourmandise. La variété des rythmes, les monologues où le poète caricature les mœurs romaines, les dialogues pleins de mouvement et les chansons donnent un mouvement inégalé à toute la comédie.

Pseudolus [le Trompeur] (191 av. J.-C.). L'esclave Pseudolus, pour permettre à son maître Calidorus d'enlever au proxénète Ballio une de ses pensionnaires, monte une série de machinations pour trouver de l'argent et la fille (fausses identités, subtilisation de lettres, pari, etc.). Le génie inventif de l'esclave (qui trouvera son héritier dans le Scapin de Molière) commande les multiples rebondissements de cette pièce qui, d'après Cicéron, était la préférée de Plaute.

Le Revenant [Mostellaria] (vers 190 av. J.-C.), imitée sans doute du Grec Philémon. En l'absence de son père Théopropide, le jeune Philolachès dilapide gaiement la fortune paternelle en compagnie d'une courtisane. Mais le père survient : l'esclave Tranion veut l'empêcher d'entrer ; il le persuade que cette maison est hantée et que son fils l'a abandonnée. Il s'ensuit une série de rebondissements qui donnent à cette comédie un rythme éblouissant, dont s'inspirèrent entre autres Pierre de Larivey (les Esprits, 1579), Regnard (le Retour imprévu, 1700) et Destouches (le Dissipateur, 1736).

Les Bacchides (vers 189 av. J.-C.), inspirée du Double trompeur de Ménandre. L'intrigue repose sur la ressemblance de deux courtisanes jumelles, les sœurs Bacchis. La pièce abonde en scènes et en personnages comiques, tel l'esclave Chrysale, dont les fourberies annoncent celles du Scapin de Molière.