Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
V

Vogüé (Eugène Melchior, vicomte de)

Écrivain français (Nice 1848 – Paris 1910).

Diplomate de carrière, il joua un rôle décisif dans la diffusion de la littérature russe en France à la fin du XIXe siècle. Après un séjour à Constantinople (1871-1875) et la découverte du Moyen-Orient (Syrie, Palestine, mont Athos, voyage au pays du passé, 1876), il fut secrétaire d'ambassade en Russie (1877-1882), où il épousa Alexandra Annenka, la fille d'un général, s'immergeant dès lors dans la langue et la culture russes. Désireux d'œuvrer à un rapprochement politique franco-russe, il publia de nombreux articles sur la Russie (histoire, géographie, culture, économie) dans la Revue des deux mondes. En 1886, son ouvrage sur le Roman russe eut un impact considérable, découvrant au public français les œuvres de Gogol et de Tourgueniev, et surtout celles de Tolstoï et de Dostoïevski, à propos desquelles il oppose les beautés du réalisme russe, imprégné d'idéalisme et de mysticisme, à la sécheresse du roman naturaliste français. Il publia par la suite de nombreux essais (Souvenirs et Visions, 1887 ; Regards historiques et littéraires, 1897 ; Histoire et Poésie, 1898 ; Maxime Gorki, 1905 ; Trois Drames de l'histoire de Russie, 1911), ainsi que des nouvelles (Cœurs russes, 1894 ; Histoires d'hiver, 1898) et deux romans (Jean d'Agrève, 1897 ; les Morts qui parlent, 1899).

Voïnovitch (Vladimir Nikolaïevitch)

Écrivain russe (Douchanbé, 1932).

Dès les premiers récits publiés par Voïnovitch, pourtant membre de l'Union des écrivains (Je veux être honnête, 1963 ; Deux Camarades, 1967), perce une note critique de plus en plus affirmée. Le scandale éclate lorsqu'il fait publier, en Allemagne, la première partie (1969) des Aventures singulières du soldat Ivan Tchonkine (1975 et en 1979 paraît une suite, le Prétendant au trône). Tchonkine, humble, confiant, se retrouve dans les situations les plus absurdes, parce qu'il ne comprend pas les règles du jeu de la société soviétique. Ce roman donne le ton à l'œuvre de Voïnovitch, où prédominent les motifs satiriques (l'Ivankiade, 1976 ; l'Antisoviétique Union soviétique, 1985) et qui, comme telle, ne peut voir le jour en U.R.S.S. : Dossier nº 34840 raconte comment il a été conduit à quitter son pays. En Allemagne, il publie son anti-utopie, Moscou 2042 (1942), écrite dans une veine post-moderniste, mélangeant allègrement les genres et les styles.

Voisard (Alexandre)

Poète suisse d'expression française (Porrentruy 1930).

Militant jurassien, puis député et délégué de son canton aux Affaires culturelles, il formule, héritier des surréalistes et proche de René Char, son ami, le besoin d'amour et de fraternité (Écrits sur un mur, 1954 ; Chronique du guet, 1961), et chante le Jura et l'Ajoie (Liberté à l'aube, 1967). Également auteur de récits fantastiques (Louve, 1972 ; Un train peut en cacher un autre, 1979), il renoue, dans ses derniers recueils (Maîtres et Valets entre deux orages, 1993 ; le Repentir du peintre, 1995 ; le Déjeu, 1997 ; Sauver sa trace, 2000), avec une poésie dépouillée, elliptique à souhait, qui alterne avec une prose poétique d'une grande limpidité. Dans ses Carnets 1983-1998 (Au rendez-vous des alluvions, 1999), le lecteur peut encore découvrir la multiplicité des registres de ce poète-écrivain.

Voisenon (Claude-Henri Fusée de)

Écrivain français (Voisenon, près de Melun, 1708 – id. 1775).

Abbé d'Ancien Régime, il publia des poésies mondaines, des comédies (la Coquette fixée, 1746), des livrets d'opéra, des contes libertins (Quelques Aventures des bals des bois, 1745 ; Zulmis et Zelmaïde, 1745 ; le Sultan Misapouf, 1746 ; Tant mieux pour elle, 1761).

Voiture (Vincent)

Écrivain français (Amiens 1597 – Paris 1648).

Fils d'un riche marchand de vin, il fit des études de droit, mais se poussa rapidement dans le monde. Lié au duc de Bellegarde et au comte d'Avaux, il fréquenta le salon de Mme des Loges, et rencontra Mme de Rambouillet en 1625. Attaché cependant au service du frère du roi, Gaston d'Orléans, il le suivit dans sa rébellion. En 1634, il rentra en grâce auprès du roi et de Richelieu, reçut charges (gentilhomme ordinaire, maître d'hôtel du roi) et pensions (il fut le plus riche écrivain de son époque) et fut l'un des premiers membres de l'Académie française. « Âme du rond » de la marquise de Rambouillet, il mit au point tout un art de la conversation, de la lettre familière et spirituelle (rivale des Lettres éloquentes de Guez de Balzac et annonçant certaines de celles de Mme de Sévigné), de la poésie à la fois savante par la forme et mondaine par l'esprit (épîtres, sonnets, stances, madrigaux, épigrammes et rondeaux). Sans exclure totalement la sincérité, il s'agit surtout de jeux virtuoses, étroitement liés au monde qui les voit naître (d'ailleurs, Voiture ne publia rien de son vivant). Son goût pour les archaïsmes, les jeux de mots, l'allusion, le sous-entendu et la métaphore coquine ou ironique, comme dans la célèbre Lettre de la carpe au brochet (éloge adressé à Condé après sa traversée du Rhin), le rapproche du badinage et d'un burlesque « agréable ».

Vojnovic (Ivo)

Écrivain de Raguse (Raguse/Dubrovnik 1857 – Belgrade 1929).

Contemporain des réalistes, il est le précurseur des modernistes yougoslaves. Ses œuvres principales sont : Équinoxe (1895), la Trilogie ragusaine (1902), la Mort de la mère des Jugovic (1906), la Dame au tournesol (1912). Il puise dans l'héritage des littératures européennes, depuis le naturalisme jusqu'à l'expressionnisme.

Vold (Jan Erik)

Poète norvégien (Oslo 1939).

Issu du groupe « Profil » et rédacteur de la revue Vinduet, il est un des chefs de file de sa génération. Ouvert aux influences étrangères, notamment américaines, il se heurte à l'étroitesse du milieu (Entre miroir et miroir, 1965). La Joyeuse Version de Mère Boncœur Oui (1968) rassemble des poèmes-causeries au ton familier. Jonglant avec les mots et les idées, il fixe avec esprit une impression, une pensée (Ici, en ce monde, 1984).

Volkoff (Vladimir)

Écrivain français d'origine russe (Vanves 1932 – Bourdeilles, Dordogne, 2005).

Il étudie les lettres, enseigne l'anglais, le français et le russe. Il participe à la guerre d'Algérie. Auteur de science-fiction (Métro pour l'enfer, 1963), de théâtre (la Confession d'Igor Maksimovitch Popov du KGB, 1982 ), essayiste, biographe, il cherche dans ses romans à définir en lui l'homme écrivain, dans la lignée de Dostoïevski et de L. Durrell, entreprise évoquée dans L'exil est ma patrie (1982). Bilan des illusions d'une époque, ses récits, surtout la tétralogie des Humeurs de la mer, sont des instruments de lucidité dans un univers pollué intellectuellement et politiquement (le Retournement, 1979 ; le Montage, 1982 ; le Professeur d'histoire, 1985).