Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
I

Iqbal (Mohammad)

Poète et philosophe indien de langue urdu et persane (Sialkot v. 1873 – Lahore 1938).

Au lieu de se lamenter sur la gloire d'un passé révolu, il propose une revivification des valeurs de l'islam dans la société contemporaine. Il fut le premier à exprimer, en décembre 1930, la nécessité de la création d'un État séparé pour les musulmans de l'Inde. La philosophie d'Iqbal, qui puise aussi bien dans le Coran que chez Hegel, Nietzsche, Bergson, ou dans le Faust de Goethe, prône le dépassement de soi. L'influence d'Iqbal sur l'élite qui créa le Pakistan fut considérable (les Secrets du moi, 1915 ; la Cloche de la caravane, 1923 ; le Message de l'Orient, 1923 ; l'Aile de Gabriel, 1936).

Iraq

La production littéraire en Iraq demeura fidèle à un traditionalisme formel jusqu'à la veille de la Première Guerre mondiale, avec Mahmûd Chukrî al-Âlûsî et ses disciples. Jamîl Sidqî al-Zahâwî, Ma'rûf al-Rusâfî et Ahmad al-Sâfî al-Najafî assureront la transition avec l'engagement social et politique de nouvelles générations. Le courant symboliste doit beaucoup à al-Jawâhirî. Après 1947, une révolution poétique impose une écriture du refus, novatrice et libérée de la métrique arabe classique, combinant les mythes antiques aux temps nouveaux, autour de Badr Châkir al-Sayyâb, Nâzik al-Malâ'ika, Bayyâtî, Bûland al-Haydarî, Sa'dî Yûsuf et Jabrâ Ibrâhîm Jabrâ. Le roman irakien s'est affirmé avant 1950 autour de Dhû al-Nûn Ayyûb et Fu'âd al-Takarlî, puis autour de Rubay'î, de Muhammad Khudayr, du Palestinien Jabrâ Ibrâhîm Jabrâ et du romancier irakien d'origine saoudienne 'Abd al-Rahmân Munîf. Il a exploré toutes les formes, du réalisme à la narration classique jusqu'aux recherches les plus avant-gardistes.

Ireland (David)

Écrivain australien (Lakemba, Sydney 1927).

Son œuvre est une critique féroce de la civilisation industrielle, dont il dénonce les effets destructeurs sur l'homme et sur la nature, mais il n'a pas choisi la voie du réalisme social. Ses romans, faits de fragments disjoints, font éclater la narration en une multitude d'épisodes souvent très courts ; ses personnages n'ont souvent que des surnoms : thèmes et techniques composent une vision pessimiste de l'ordre du monde et de la condition humaine (l'Oiseau chanté, 1968 ; le Prisonnier d'usine inconnu, 1971 ; les Cannibales, 1972 ; le Canot de verre, 1976 ; Une femme de l'avenir, 1979 ; la Cité des femmes, 1981). Sa critique du monde capitaliste se retrouve encore dans Blowing My Top.

Iriarte (Tomás de)

Écrivain espagnol (Puerto de la Cruz 1750 – Madrid 1791).

Traducteur de Molière et de Voltaire, il défendit le goût classique comme en témoignent son poème-pamphlet les Littérateurs en carême (1773) et sa traduction de l'Art poétique d'Horace (1777). Plus que son poème didactique la Musique (1779) ou ses comédies (la Demoiselle mal élevée, 1788), ses Fables littéraires (1782) restent le meilleur exemple de la verve satirique alliée à l'invention formelle.

Irisawa Yasuo

Poète japonais (Shimane 1931).

Après des études de littérature française à l'Université de Tokyo, il fonda, avec Iwanari, la revue Amorphe et promut une révolution de la poétique japonaise : l'art pour l'art postmoderne par la construction formelle d'un langage poétique libéré du sens et du message de l'auteur. Bonheur ou bien malheur (1955), premier recueil de poèmes ; Essai sur les saisons (1965, prix M. H.) ; Mon Izumo, mon requiem (1968, prix Yomiuri), monument qui déclencha une des discussions les plus signifiantes de la poésie contemporaine (Notes sur la structure de la poésie, critique, 1968) ; « Esquisse pour un "bateau de bois" ». Il est également connu pour ses recherches sur Nerval et sur Miyazawa Kenji.

Irish (Cornell George Hopley-Woolrich, dit William)

Écrivain américain (New York 1903 - id. 1968).

Après des études classiques et un prix littéraire qui le désigne, pour la critique, comme l'héritier de F. S. Fitzgerald (1927), il se consacre à la littérature policière (1934). Ses romans suivent l'itinéraire de la future victime : le meurtre n'est pas, comme dans le roman-problème, à la source du récit, il en est l'aboutissement. Le lecteur cohabite avec la mort à venir dans des récits à la fois implacables et sensibles (aux gestes, aux bruits, aux paysages, aux couleurs) : le suspense dans l'infini de ses modulations possibles (La mariée était en noir, 1940 ; l'Heure blafarde, 1944 ; la Sirène du Mississippi, 1947 ; J'ai épousé une ombre, 1949).

Irlande

L'Irlande possède deux littératures, l'une gaélique, l'autre dans la langue du conquérant. Le Táin Bó Cuailnge (la Razzia du bétail de Cooley) est une épopée gaélique du cycle d'Ulster qui réunit dans les manuscrits du XIIe s. des histoires recueillies entre le VIIIe et le XIe s. et qui se déroulent au Ier s. av. J.-C. Liée au sort de la petite noblesse, la tradition gaélique disparut avec elle. Reste une culture en porte à faux, décidée à séduire et, s'il le faut, à choquer, dont l'influence, d'abord sur la culture de la métropole, est considérable : elle tente constamment de concilier le culte des racines et les prétentions à l'universel. Swift et Berkeley préludent à l'invasion de la scène anglaise par les Irlandais (Congreve, Farqhar, Goldsmith, Sheridan), phénomène qui se reproduira autour de Yeats, de O. Wilde et de B. Shaw, puis avec B. Behan et S. Beckett. Gaieté, bonté, dérision (Sterne) sont des armes pour un peuple qui doit émouvoir pour s'imposer et dont les héros, qu'il s'agisse de politique, de sexe, ou de violence, seront toujours partagés entre l'ardeur du défi et le poids de la honte. C'est le romantisme anglais qui suscite la poésie irlandaise : affaire d'érudits, le celtisme passe au peuple et à ses écrivains, tout d'abord à travers la chanson (Thomas Moore). Certains parient sur une esthétique populaire (G. Darley, M. Tighe, T. O. Davis, lady Wilde et lady Gregory), tandis que d'autres exploitent la veine fantastique (tels Mangan, De Vere, Allingham, Maturin, Le Fanu). Ce n'est qu'après la naissance du syndicalisme irlandais – qui deviendra le syndicalisme tout court – que le réalisme rural teinté de complaisance et le lyrisme poétique opèrent leur jonction. Le premier président sera un écrivain (D. Hyde), et si une tradition locale se développe (Bowen, Heany, Johnstone, S. O. Faolain, Flann O'Brien, B. Behan), les exilés ne peuvent parler de l'Irlande et de son hémiplégie spirituelle, où le cléricalisme a la plus lourde part, qu'après l'avoir fuie (Joyce, Beckett). La nouvelle guerre d'indépendance, au nord, n'a pas produit d'écrivains notables. À l'heure actuelle, quelques-uns des plus grands poètes de langue anglaise sont irlandais (Derek Mahon ou, surtout, Seamus Heaney, titulaire du prix Nobel de littérature 1995). Le théâtre a connu en Irlande un net renouveau dans les années 1980, avec Stewart Parker ou Brian Friel (fondateur de la compagnie « Field Day »). Le roman irlandais est aujourd'hui défendu par quelques grandes figures, comme John MacGahern ou Roddy Doyle, titulaire du Booker Prize en 1993, bien connu à l'étranger grâce aux adaptations cinématographiques dont plusieurs de ses romans ont fait l'objet.