Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
L

Leivick (Leivick Halpern, dit H.)

Écrivain américain d'expression yiddish (Igoumen, près de Minsk, 1886 – New York 1962).

Déporté en Sibérie de 1906 à 1912, il émigra en 1913 aux États-Unis, où il tenta, dans son théâtre (le Golem, 1921 ; la Comédie de la Rédemption, 1934 ; Héloïse et Abélard, 1936) et sa poésie (Je n'étais pas à Treblinka, 1945 ; la Noce à Fernwald, 1949 ; Au temps de Job, 1953), de répondre aux problèmes posés par la condition juive dans le monde moderne.

Lekain (Henri Louis Cain, dit)

Acteur français (Paris 1729 – id. 1778).

Il fut, dans des représentations particulières, puis à la Comédie-Française (1752), l'interprète de Voltaire. Il introduisit plus de naturel dans la déclamation et plus d'exactitude dans la mise en scène. En 1759, grâce au comte de Lauragais, qui paya une indemnité de 60 000 livres, il fit supprimer les banquettes qui encombraient la scène. Il a laissé des Mémoires (publiés en 1801), ainsi qu'une Correspondance (éditée par Talma en 1825).

Lély (Gilbert)

Écrivain français (Paris 1904 – 1985).

Lecteur précoce des poètes classiques français, il publie à 17 ans les Chefs-d'œuvre des poètes galants du XVIIIe siècle (1921), et ses premiers poèmes l'année suivante. Suivent quelques recueils, une libre traduction des Métamorphoses d'Ovide, une tragédie (Ne tue ton père qu'à bon escient, 1932). Arden (1933) marque le début d'un voisinage fructueux avec les surréalistes, confirmé par Je ne veux pas qu'on tue cette femme (1936) et la Sylphide ou l'Étoile carnivore (1938). Responsable de rédaction pour la revue d'humanisme médical Hippocrate, il publie les Curiosités de l'histoire de la médecine (1933-1939). Après sa rencontre avec Maurice Heine, exégète de Sade, ce sera, par l'intermédiaire de son ami René Char, face au château de Lacoste en 1942, la « rencontre mystique » avec Sade lui-même, dont Lély deviendra spécialiste (Vie du marquis de Sade, 1952-1957) et dont il éditera les Œuvres complètes (1962-1964), alliant dans son approche rigueur critique et enthousiasme lyrique. Parallèlement, Ma civilisation (1942 ; repris en 1947) est le noyau d'une œuvre poétique exigeante (rassemblée dans Poésies complètes, 3 vol., 1990, 1996, 2000), qui se développe par retranchements, corrections autant que par ajouts, dans un langage intense, accordant une fonction illuminante à la sexualité et voué à la présence au monde et à sa résurrection fugitive, qui lui vaudra l'admiration d'Yves Bonnefoy.

Lem (Stanisław)

Écrivain polonais (Lwów 1921-Cracovie 2006).

Né en Ukraine dans la ville polonaise de Lwów, il poursuit des études de médecine lorsque les Soviétiques envahissent la Pologne (1939), vit dans la clandestinité lorsque, le pacte germano-soviétique rompu, les nazis tiennent la ville, reprend ses études lorsque l'Armée rouge les repousse (1944), puis s'installe définitivement à Cracovie (1946). Auteur d'une soixantaine de livres, il vit de sa plume et s'est acquis la réputation d'un des meilleurs auteurs d'une science-fiction ambitieuse, intellectuelle. Son itinéraire personnel l'a mené de sujets contemporains (l'Hôpital de la transfiguration, 1947) à un fantastique conjectural qui, dans une première phase, met l'accent sur la puissance du génie humain parti à la conquête du cosmos (Astronautes, 1951 ; le Nuage de Magellan, 1955) ; puis, dans une deuxième étape, l'esprit humain, confronté à l'adversité et aux mystères insolubles, prend conscience de ses propres limites (Solaris, 1961 ; l'Invaincu et autres nouvelles, 1964). Viennent enfin des romans qui, mettant en œuvre une érudition toujours plus affirmée, dévoilent la complexité de l'univers (la Voix du maître, 1968) et s'intéressent à l'aspect social de la réalité (Mémoires trouvés dans une baignoire, 1961). L'auteur met en doute tant les possibilités de l'intellect que de la bonne volonté de l'homme (Fiasco, 1986 ; Provocation, 1984). L'action et l'aventure cèdent peu à peu la place à une tentative de pénétration des secrets du monde, la fiction se rapproche de plus en plus de l'essai littéraire et du traité philosophique (Philosophie du hasard, 1968 ; Discours et Esquisses, 1975) ; dès lors, les conclusions catastrophiques chassent l'optimisme humaniste : « Le monde ne se situe pas à mi-chemin entre l'enfer et le ciel, il semble de beaucoup plus proche du premier. » L'œuvre de Lem se polarise alors autour de réflexions sur les chances et les dangers qu'amène le développement des techniques et des sciences : elle s'interroge sur les possibilités de contacts et d'échanges avec d'autres civilisations, elle anticipe sur les perspectives évolutives de l'« intelligence artificielle » (domination exercée par les ordinateurs, biotechnologie) ainsi que sur les techniques sociales que pourraient mettre en œuvre des groupes humains et des sociétés entières. Toutes ces apories sont inscrites dans des récits réalistes mais projetées dans un avenir imaginaire, dans des nouvelles philosophiques amusantes (Cybériade, 1965), des récits dominés par le grotesque. La subtilité des hypothèses envisagées reste pourtant toujours un élément dominant (le Congrès de futurologie, 1973). Lem s'est également essayé à des livres-apocryphes, intéressants d'un point de vue formel, dans lesquels l'aspect conjectural se mêle étroitement aux facteurs réels ; le langage utilisé et les concepts exposés signalent la réflexion de très haut niveau d'un écrivain toujours curieux de l'avenir du monde (la Bombe à mégabits, 1999). L'action pleine de rebondissements, l'aura mystérieuse, les expéditions vers l'inconnu, l'humour, la sympathie pour le caractère imparfait de l'homme ont assuré à Lem une popularité mondiale, ses romans sont publiés dans vingt-cinq langues et connaissent plus de neuf cents éditions. Son immense érudition, l'honnêteté de ses diagnostics et l'originalité de ses idées lui valent une autorité certaine dans les milieux scientifiques. « Je suis conscient de me situer en un lieu insolite où voisinent littérature, science, philosophie, hypothèses nouvelles, divagations irresponsables et prophéties », déclare-t-il. Parmi ses œuvres majeures, il convient encore de retenir : le Temps non perdu, 1955 ; les Journaux des étoiles, 1957 ; le Livre des robots, 1961 ; Au retour des étoiles, 1961 ; les Contes des robots, 1964 ; Summa technologiae, 1964 ; Récits concernant le pilote Pixie, 1968 ; le Vide parfait, 1971 ; le Rhume, 1976 ; Golem XIV, 1981 ; Vision locale, 1982 ; les Nouvelles Aventures d'Ijon Tichy, 1987 ; Clin d'œil, 2000.