Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
C

Camelat (Michel)

Poète français de langue d'oc (Arrens 1871 – Tarbes 1962).

C'est le grand écrivain moderne de la Gascogne, dont l'aventure littéraire vient en contrepoint d'une existence modeste d'épicier de village. Responsable de l'Armanac patoues de Bigorro (1893), du journal La Bouts de la terre et de l'Armanac gascou (1894), il fonde en 1896 avec Simin Palay l'Escolo Gaston Febus, dont il dirigera longtemps la revue Reclams de Biarn e Gascougne. À côté de travaux pédagogiques (Garbes de pouesie, 1928 ; Garbes de prose, 1933), il s'est essayé au théâtre avec Lole (1925) et Gaston Febus (1936). En prose, c'est le chroniqueur de Bite Bitante (Vie de tous les jours, 1937) et de Lous memoris d'un cap-bourrut (les Mémoires d'un entêté, 1938). Mais c'est surtout avec ses poèmes épiques (Beline, 1899 ; Mourte e bibe [Morte et vive] 1901) qu'il redonne au gascon, à travers des images fulgurantes et la rigueur de la syntaxe, sa place de grande langue littéraire.

Cameroun

Le Cameroun occupe une place de choix dans les lettres africaines. Cette vitalité s'explique à la fois par la richesse de sa tradition orale (en particulier les épopées dumvet), l'existence de revues dynamiques (Abbia, fondée en 1963) et une solide infrastructure culturelle. Le roman camerounais a longtemps été dominé par Ferdinand Oyono et Mongo Beti. Mais le rayonnement de ceux-ci ne doit pas éclipser l'intérêt des romans de Francis Bebey (le Fils d'Agatha Moudio, 1967 ; l'Enfant-Pluie, 1994), de René Philombé (Un sorcier blanc à Zangali, 1969), de Rémy Médou Mvomo (Afrika ba'a, 1969) ou de Guillaume Oyono-M'Bia (Chroniques de Mvoutessi, 1971-1972). Plus encore que le roman, la poésie jouit au Cameroun d'une grande faveur avec Patrice Kayo, François Sengat-Kuo, Charles Ngandé, Jean-Paul Nyunaï, Paul Dakeyo. Les essayistes, dans le registre polémique, sont représentés par Martien Towa (Négritude ou Servitude, 1971), Daniel Ewandé (Vive le président, 1968) et Mongo Beti (Main basse sur le Cameroun, 1972). Le théâtre, d'abord fondé sur des textes écrits d'inspiration classique (G. Oyono-M'Bia, Trois Prétendants... un mari, 1964), fait de plus en plus retour à des rites traditionnels. Malgré une crise, sensible à la fin des années 1970 (disparition des revues Abbia, Ozila, le Cameroun littéraire), le Cameroun voit s'épanouir une nouvelle veine romanesque, surtout chez des écrivains de la diaspora : Yodi Karone (le Bal des caïmans, 1980 ; Nègre de paille, 1982), Bernard Nanga (les Chauve-Souris, 1980), Werewere Liking, qui bouscule allègrement toutes les conventions du récit traditionnel (Elle sera de jaspe et de corail, 1984), Calixthe Beyala, Simon Njami, auteur de l'un des premiers romans policiers du continent africain (Cercueil et cie, 1985).

Camilleri (Andrea)

Réalisateur, scénariste et écrivain italien (Porto Empedocle, Agrigente, 1925).

Son activité narrative oscille entre romans historiques (l'Opéra de Vigata, 1995 ; le Jeu de la mouche, 1997 ; la Concession du téléphone, 1998 ; le Coup du cavalier, 1999 ; la Disparition de Patò, 2000) et romans policiers. Ces derniers sont articulés autour du commissaire de police Salvo Montalbano, lequel s'inspire de Vazquez Montalban et de son personnage Pepe Carvalho, mais aussi de L. Sciascia dont il reprend l'ironie et l'ancrage sicilien (la Forme de l'eau, 1994 ; Chien de faïence, 1996 ; le Voleur de goûter, 1996 ; la Voix du violon, 1998 ; Un mois avec Montalbano, 1998 ; les Arancini de Montalbano, 1999 ; l'Excursion à Tindari, 2000).

Caminha (Adolfo Ferreira)

Écrivain brésilien (Aracati, Ceará, 1867 – Rio de Janeiro 1897).

Il publia des romans naturalistes qui font une peinture amère de sa province (la Normalienne, 1893) ou des marins (le Bon Mulâtre, 1895).

Camões (Luís Vaz de)

Poète portugais (Lisbonne 1524 ? – id. 1580).

Les détails de la vie de celui qui est considéré comme « le Prince des poètes portugais » (d'après l'épitaphe rédigée par un de ses contemporains) restent obscurs, y compris les secrets de sa vie amoureuse autour de laquelle on a tissé tant de légendes et livré tant de polémiques. Dès 1547, le poète part comme soldat pour le Maroc, où il perd l'œil droit. Rentré à Lisbonne, il mène une vie de bohème qui lui vaut un emprisonnement d'un an et précipite son départ pour l'Orient. Durant seize ans, il mène, de la mer Rouge aux Moluques, à Goa mais aussi à Macao, une existence aventureuse mais qui ne l'empêche pas de composer le meilleur de son œuvre lyrique et de son épopée nationale, les Lusiades, qu'il s'empresse de faire publier dès son retour à Lisbonne (1572). La légende raconte qu'il aurait sauvé le manuscrit d'un naufrage, nageant d'un seul bras jusqu'à la côte pour le tenir hors de l'eau. Cette publication lui vaut de la part du jeune roi Sébastien, auquel l'œuvre est dédiée, une maigre pension, unique ressource de ses dernières années. Il meurt alors que l'Espagne annexe son pays. Son œuvre embrasse les différents courants artistiques et idéologiques du XVIe siècle, la tradition portugaise ainsi que les innovations venues d'Italie. Il a touché à tous les genres, sauf la tragédie. Les Lusiades, qui sont publiées la même année que la Franciade de Ronsard, apparaissent comme un des chefs-d'œuvre de la Renaissance, mais l'œuvre lyrique (odes, canzones, pastourelles, élégies) de Camões n'est pas inférieure à son œuvre épique : c'est dans la redondilha et surtout le sonnet qu'il excelle ; sous une rigueur formelle parfaite, lumineuse, gronde une mer tumultueuse de passions parfois contradictoires. L'emploi des paradoxes, des antithèses n'est pas, chez lui, un exercice de style dans le goût italianisant : il traduit les tensions intérieures du poète devant ses propres contradictions et celles du monde extérieur. Camões occupe une place écrasante dans l'imaginaire et l'histoire littéraire du Portugal. Nombre d'œuvres (y compris cinématographiques) y font référence, au temps du salazarisme (1930-1974) pour exalter le nationalisme lusitanien, mais aussi après 1974 et la perte de l'empire colonial en une réflexion amère ou mordante sur le repli territorial et le destin de la nation.

Les Lusiades, poème épique (1572) en dix chants. Recréant l'épopée classique à partir d'Homère (Odyssée) et surtout de Virgile (l'Énéide), l'auteur attribue une mission quasi divine à son héros, le Peuple lusitanien. Le poème est structuré par le voyage maritime de Vasco de Gama aux Indes, à propos duquel est évoquée l'histoire du Portugal, sous forme de récit au roi de Melinde. Selon les règles du genre, les dieux interviennent et prennent parti dans l'action des hommes. L'intrigue entre les dieux ponctue le voyage en engendrant des difficultés (tempêtes, conflits, etc.) dont les Portugais viennent à bout. À la rivalité entre Vénus, protectrice des Portugais, et Bacchus, leur ennemi, Camões ajoute de nouveaux mythes : le géant Adamastor, qui garde le cap de Bonne-Espérance, personnifie les terribles dangers affrontés ; le Vieux de Restelo, qui interpelle les voyageurs au moment de leur départ, incarne l'opposition nationale à la dangereuse entreprise des découvertes. Mais le poème est aussi une œuvre réaliste par ses informations sur la vie maritime (la découverte du scorbut), les phénomènes naturels (la trombe marine), les rapports avec les peuples nouveaux, formant ainsi un pendant à la Pérégrination de F. M. Pinto, contemporaine mais nettement plus grinçante. Il oppose la valeur de l'expérience aux idées reçues et chante la confiance en l'homme qui triomphe des dieux.