Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
A

Alfonso (Paco)

Acteur, auteur dramatique et metteur en scène cubain (La Havane 1906-id. 1989).

Meilleur représentant du théâtre social de son pays, fondateur du Teatro Popular (1943), il s'inspire, dès les années 1930, de l'actualité politique pour composer des pièces brèves représentées au cours des meetings du Partido Socialista Popular. Après Sabanimar, violente satire des promoteurs immobiliers, il donne notamment un opéra-ballet sur des thèmes afro-cubains (Yari-yari, mamá Olua, 1941) et une pièce contre le racisme (Herbe fétide, 1951).

Alfred le Grand

Roi anglo-saxon (Wantage, Berkshire, 849 ? – 899).

Vainqueur des Danois à Edington (878), il prépara l'unité anglaise et entreprit l'éducation religieuse et intellectuelle de son peuple. Il traduisit lui-même ou fit traduire de nombreuses œuvres latines (Règle pastorale de Grégoire le Grand, Consolation de Boèce) et travailla aux Chroniques de Winchester. Héros culturel de l'Angleterre, le roi Alfred fit l'objet de nombreuses légendes prédisant sa résurrection. Sa sagesse proverbiale s'exprime à travers les Proverbes d'Alfred, recueil apocryphe. C'est dans le « masque » Alfred de Thomson (1740) que fut chanté pour la première fois le Rule Britannia.

Algarotti (Francesco)

Écrivain italien (Venise 1712 – Pise 1764).

Grand voyageur, il a laissé des lettres de ses Voyages en Russie. Ses ouvrages de divulgation philosophique et scientifique, dont le plus célèbre est le Newtonianisme pour les dames (1737), sont traduits en plusieurs langues. Parmi ses Œuvres variées (1757), on retiendra l'essai sur la musique (Sur l'opéra en musique).

Algérie

Littérature de langue arabe

Depuis 1962, l'Algérie, dont la jeunesse nombreuse se scolarise et s'arabise, affirme sa place dans le monde culturel arabe ; sa littérature en langue nationale connaît une nouvelle éclosion. Ce nouveau départ succède à d'autres étapes.

   La première période va du IXe s. (IIIe de l'Hégire) au XXe. Après la conquête, au Maghreb central, l'arabe s'impose comme langue de civilisation. Au fil des siècles, sous l'impulsion des dynasties, une série de villes deviennent des centres de ralliement et de rayonnement pour les lettrés, Arabes ou Berbères arabisés, auxquels se joignent, à partir du XIe s., des Andalous refoulés par la Reconquista espagnole : Tiaret et Ténès d'abord, sous les Rostémides ; puis Msila et les cités du Mzab, la Qalaa des Bani Hammad et Bejaia (Bougie) ; enfin Constantine, Alger et Tlemcen. La production de ces dix siècles, plus érudite que proprement littéraire (surtout pendant la période turque : 1516-1830), est variée : ouvrages de théologie et de droit ; traités scientifiques ; chroniques et Mémoires, en prose et en vers ; monographies et biographies ; récits de voyageurs ; tableaux de la vie intellectuelle, politique et sociale ; poésie didactique, épique (Geste des Banû Hilâl), satirique, érotique ; mawlidiyyat (poèmes célébrant la naissance du Prophète). Deux figures typiques : Ibn Khaldûn, qui parcourt le monde arabe et compose en Algérie, près de Frenda, de 1375 à 1378, sa fameuse Muqaddima ; al-Maqqari (mort en 1632), autre globe-trotter, originaire de Tlemcen, qui séjourne au Maroc, passe une grande partie de sa vie en Orient et laisse le meilleur ouvrage sur la civilisation culturelle de l'Espagne.

   Durant les 90 premières années de l'occupation française, une seule figure littéraire émerge, celle de l'émir Abd el-Kader. Mais, au lendemain de la Première Guerre mondiale, on assiste à des réveils. L'effervescence politique et intellectuelle est en rapport avec deux événements importants : la renaissance littéraire (Nahda) du Proche-Orient et la constitution (mai 1931) de l'Association des ulémas musulmans algériens. Leur chef de file est Cheikh Ibn Bâdîs qui, dès 1925, avait fondé un journal, al-Muntaqid, dont al-Chihâb puis al-Basâ'ir prendront le relais. Autour de lui se regroupent des poètes (Mohammed El Id El Khelifa, Tayeb El Oqbi), des historiens (Tawfiq El Madani, Moubarak El Mili, Abderrahmane El Djilali), des journalistes (Bachir Ibrahimi, Lamine Lamoudi, Saïd Zahiri, Larbi Tebessi). Ces écrivains animent le mouvement réformiste qui crée des centaines d'écoles libres à travers le pays et revivifie la culture arabo-islamique. Durant le deuxième quart du siècle, une vingtaine de poètes en langue classique s'affirment. Les plus connus sont Mohammed El Id El Khelifa et Moufdi Zakaria, auteur de chants patriotiques, dont l'hymne national. Les thèmes privilégiés sont la politique et la religion, dans des vers de facture classique.

   La presse arabe, notamment al-Basâ'ir, favorise le développement d'un genre qui en est à ses débuts, la nouvelle, en lui ouvrant ses colonnes. Un nom domine les autres, celui de Reda Houhou, dont plusieurs recueils sont édités entre 1947 et 1955. Il faut citer aussi Abdelmadjid Chafii (Mon ami m'a dit, 1947), Aboulqacim Saadallah, Ahmed Achour, Zehour Ounissi. Le genre, marqué par son origine journalistique, va du « récit didactique » à la nouvelle proprement dite en passant par le « tableau animé ».

   Dans les dernières années de la guerre de libération, qui fournit un thème essentiel, parfois galvaudé, et après l'indépendance, la nouvelle est un genre florissant, révélant des talents comme celui de Merzak Bagtache. Le cadre privilégié du genre reste la campagne, à travers la relation fondamentale du fellah aux thèmes de l'enracinement, du travail, de l'exploitation, de la révolte et de la révolution.

   Les années 1970 voient l'avènement du roman, avec la parution en 1971 de Vent du Sud, d'Abdelhamid Benhaddouga, traduit en de nombreuses langues, et porté à l'écran par Slim Riadh. Benhaddouga et Tâhar Wattâr font figure de chefs de file : ils se réclament, implicitement ou explicitement, d'une Algérie révolutionnaire et, attaquant avec une ironie parfois mordante diverses formes d'aliénation dans l'Algérie indépendante, ils s'efforcent de renverser des tabous et d'explorer de nouvelles pistes. D'autres romanciers sont apparus comme Abdelmalek Mourtad, Merzak Bagtache et surtout Wasînî l-A'raj (Laredj), qui s'impose par une écriture rendant compte intensément de la tourmente d'un pays traumatisé par une violence aveugle.

   La poésie, comme la nouvelle, reçoit un large accueil dans les journaux et les revues, avec Benhaddouga, Khemmar, Salah Kherfi, Ahmed Aroua, Abdallah Cheriet, Mohammed Lakhdar, Abdelkader Saihi, et, aujourd'hui, Ahlam Mosteghanmi, Rezagui Abdelali, Hamdi Ahmed, Hamri Bahri et Azradj Omar.

   À côté de l'écrivain en langue littéraire, il faut souligner l'importance du meddâh, ou conteur, et des gouwaline, ou diseurs, qui s'expriment en dialecte parlé. Cette littérature populaire aborde tous les thèmes, du roman d'amour à la geste héroïque et au chant de résistance. Le genre poétique du malhûn avec ses chants constitue une anthologie transmise de génération en génération. Cette veine, jamais tarie, reflète la vie quotidienne et les événements de l'histoire. Parmi les grands noms figurent Ibn Messaib, Ben Sahla et Ben Triki pour Tlemcen ; Mostefa Ben Brahim et Mohammed Belkheir pour le Sud-Oranais ; Ben Keriou pour Laghouat ; Mohammed Ben Guittoun (dont le poème d'amour Hiziya a inspiré un film) pour Sidi Khaled (région de Biskra). Ce riche patrimoine est encore incomplètement inventorié.

Le théâtre algérien

Le théâtre, sur le plan de la langue, se situe dans le prolongement de la poésie populaire. En effet, le théâtre en arabe littéraire demeure presque sans audience ; par contre, les pièces en arabe courant, allant de l'improvisation aux textes plus élaborés, suscitent volontiers l'enthousiasme. De 1926 à 1962, le théâtre professionnel passe par des fortunes diverses et connaît ses heures de gloire avec Rachid Ksentini et Mahieddine Bachetarzi. C'est surtout le théâtre militant qui a été connu pendant la guerre de libération, joué en français ou en arabe. En 1959 paraissait le Cercle des représailles de Y. Kateb, contenant le Cadavre encerclé, la Poudre d'intelligence et Les ancêtres redoublent de férocité. Hocine Bouzaher publiait en 1960 (dans Des voix dans la casbah) On ne capture pas le soleil et Serkadji, Henri Kréa donnait en 1962 son Théâtre (le Séisme), Mohammed Boudia, Naissances, Assia Djebar, Rouge l'aube (1969). Mouloud Mammeri faisait jouer en 1967 le Foehn.

   Depuis l'indépendance, le théâtre passe par des hauts et des bas. Parmi les créateurs, on distingue Rouiched, auteur et acteur ; Ould Abderrahmane Kaki (13 pièces), Abdelkader Alloula et, surtout, Slimane Benaïssa (Boualem, zid al goudam, 1975), qui sait investir d'un regard moderne les expressions imagées du terroir. Enfin Yacine Kateb est passé de la littérature en français au théâtre populaire avec Mohammed, prends ta valise (1971) et la Guerre de deux mille ans (1974) ; allant aux ouvriers et aux paysans, sa troupe a touché en huit ans environ un million de spectateurs. Plusieurs pièces ont été adaptées pour le cinéma ou pour la télévision, dont l'impact culturel est d'autant plus fort qu'une majorité d'adultes est analphabète.