Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Deshoulières (Antoinette du Ligier de La Garde, Mme)

Femme de lettres française (1637 – 1694).

C'est en fréquentant Ménage, Conrart et Gassendi que Mme Deshoulières se fit un esprit qui lui valut d'être mentionnée par Bayle dans son Dictionnaire. Elle dirigea la cabale contre la Phèdre de Racine et prit le parti de Perrault durant la querelle des Anciens et des Modernes. Elle publia des vers et deux tragédies sans grand succès, mais c'est surtout dans la poésie pastorale qu'elle se fit un nom, en mêlant aux idylles les événements contemporains de la vie de cour.

Desmarets de Saint-Sorlin (Jean)

Écrivain français (1595 – 1676).

Familier du cardinal de Richelieu, il sert les fantaisies théâtrales de son maître, tout en obtenant avec les Visionnaires (1637) le premier grand succès de la comédie moderne. Moins en faveur sous Mazarin, Desmarets se fit le défenseur de la foi, attaquant jansénistes et protestants. Dans son épopée en vingt-six chants, Clovis et la France chrétienne (1657), suivie des Délices de l'Esprit (1658), il s'efforce de mettre en valeur cette source incomparable de poésie que constitue, contre les Anciens, le christianisme. Mêlant une spiritualité un peu embrouillée aux reflexions de poétique, cet ouvrage gigantesque et composite reste difficilement classable. Antijanséniste, il ne tarde pas à être la cible des Lettres imaginaires de Pierre Nicole, qui renvoie à leur auteur le titre de visionnaire et en fait le plus fou de tous les poètes. Ses croisades mystiques, dans l'affaire Morin, ne doivent pas faire oublier cependant la très belle comédie des Visionnaires, éblouissante caricature d'une galerie de personnages extravagants, illustration d'un art aristocratique théorisé dans l'Avis au lecteur.

Desnica (Vladan)

Écrivain croate (Zadar 1905 – Zagreb 1967).

Toute son œuvre prend place en Dalmatie, son pays natal : Décombres au soleil (1952), Vacances d'hiver (1950), les Printemps d'Ivan Galeb (1957).

Desnos (Robert)

Poète français (Paris 1900 - Terezín, Tchécoslovaquie, 1945).

Amoureux de Paris, très attaché au quartier des Halles, où il est né et a passé son enfance, Desnos a la gouaille et la verve populaire de ses habitants. Aussitôt après avoir obtenu le brevet élémentaire (1916), il exécute divers travaux d'écriture afin d'assurer son indépendance. Secrétaire de Jean de Bonnefon, le catholique anticlérical, il apprend à connaître le monde des lettres. Le service militaire qu'il accomplit au Maroc (1920-1922) le tient éloigné de Dada, que son ami B. Péret lui avait fait découvrir. Son tempérament rebelle, ses attaches libertaires le conduisent vers le surréalisme. Il participe à une séance de sommeil hypnotique en 1922, où il se montre très doué, et dès lors alimente le groupe en poèmes et en dessins automatiques, prétendant être en correspondance mentale avec Rrose Sélavy (pseudonyme de Marcel Duchamp). Son aptitude aux jeux verbaux (Corps et Biens, 1930), son refus de toute entrave (Deuil pour deuil, 1924 ; la Liberté ou l'Amour, 1927), son amour romantique et douloureux pour une vedette de music-hall, Yvonne George (la Place de l'Étoile, antipoème, 1927-1945), en font un surréaliste exemplaire. Pourtant, son individualisme, son refus d'adhérer au parti communiste le conduisent à quitter le mouvement avec éclat, après la publication du Second Manifeste. Il donne alors libre cours à un lyrisme nervalien, qui ne refuse pas la versification classique. Il cherche à faire surgir l'expression populaire et la poésie du monde moderne à travers ses nouvelles activités : journalisme, radio (la Complainte de Fantômas), publicité, cinéma (scénarios recueillis dans Cinéma, 1966). La poésie et l'action se trouvent conciliés dans ses poèmes de la clandestinité (le Veilleur du Pont-au-Change, diffusé sous le nom de Valentin Guillois) qui affirment l'amour, l'espérance et la révolte contre l'envahisseur. Cette activité au service de la Résistance relance sa création littéraire : il publie des recueils de poèmes (Fortunes, 1942 ; État de veille, 1943), un roman (Le vin est tiré, 1943), Trente Chantefables pour les enfants sages (1944) et prépare le regroupement d'écrits antérieurs quand il est interné puis déporté : il meurt du typhus quelques jours après sa libération du camp. Son audience est assurée auprès d'un large public par la publication de ses poèmes dans Domaine public (1952), complétée par Destinée arbitraire (1975) et Nouvelles Hébrides (1978), qui regroupent ses écrits de 1922 à 1930.

Corps et Biens, recueil de poèmes (1930). L'exploration des limites verbales produit les aphorismes et contrepèteries de « Rrose Sélavy », les à-peu-près et carambolages de « l'Aumonyme » et de « Langage cuit », où le désir se travestit de poésie. Tandis que la confidence intime éclate dans « À la mystérieuse », « les Ténèbres » et autres poèmes de l'ouvrage rapportent une cascade d'images rares des espaces du sommeil. L'ensemble constitue l'un des témoignages les plus marquants du premier surréalisme.

Desportes (Philippe)

Poète français (Chartres 1546 – abbaye de Bonport, Normandie, 1606).

Né dans une famille de négociants aisés, tonsuré de bonne heure, le jeune Desportes reçut une instruction poussée. Ses études terminées, il entra, d'après Tallemant des Réaux, au service de l'évêque du Puy, qui l'emmena à Rome. De retour en France, il trouva un emploi auprès du marquis de Villeroy, secrétaire d'État de Charles IX, et fréquenta les plus importants salons littéraires. En 1573, il accompagne en Pologne le duc d'Anjou, que la Diète vient d'élire roi. L'accession de ce dernier au trône de France, en 1574, est l'apogée de la carrière politique et poétique de Desportes. Comblé de faveurs par Henri III, celui-ci fait paraître, de 1573 à 1583, les éditions successives de ses œuvres, dont le succès auprès du public mondain lui vaut une gloire qui éclipse celle de Ronsard. Sous le règne d'Henri IV, Desportes se tiendra plus écarté de la cour, entre l'abbaye de Bonport et son domaine de Vanves-lez-Paris, entouré de poètes.

   Desportes est le type du poète de cour. Par son écriture d'abord, étroitement modelée sur le goût des mondains. Par la destination de son discours ensuite, un discours « de commande » dans lequel le poète ne fait, la plupart du temps, que prêter sa voix à de grands personnages de la cour : les Amours de Diane célèbrent plusieurs maîtresses d'Henri III, et les Amours d'Hippolyte, Marguerite de Valois, qu'un gentilhomme, Bussy d'Amboise, courtisait. Avec Desportes, une poésie de salon succède à la poésie inspirée et savante de la Pléiade.

   Bien qu'elle ait connu, de 1573 à 1583, dix éditions successives et de constants enrichissements, l'œuvre de Desportes dans son ensemble – si l'on excepte la traduction des Psaumes à la fin de sa vie – n'a été marquée par aucun renouvellement important. Qu'il s'agisse des Amours (Amours de Diane, Amours d'Hippolyte, Amours de Cléonice), des Élégies ou des Mélanges, sa poésie a pour thème unique l'amour, en quoi elle se situe dans le prolongement de la Pléiade, en même temps qu'elle rompt avec elle par l'abandon des sources d'inspiration philosophiques, politiques, scientifiques. Une identique restriction de champ s'observe, au sein même de cette poésie amoureuse, dans le choix des modèles : tandis que, chez les poètes de la Pléiade, ceux-ci étaient relativement diversifiés (les pétrarquistes italiens s'y trouvant en concurrence avec les alexandrins, les élégiaques latins et les néolatins), Desportes se choisit un modèle unique : les Italiens (plus précisément, dans les Amours de Diane et d'Hippolyte, les néopétrarquistes Tebaldeo et Sasso, et, dans les Amours de Cléonice, les modernes Costanzo, Rota et Tansillo). Cela manifeste l'assujettissement de sa poésie au goût mondain, goût qui l'incite également à bannir la plupart des oripeaux « savants » sur lesquels se fondait la poésie des Ronsard, Baïf et Belleau (références mythologiques, archaïsmes, termes dialectaux, etc.) au profit de ce qui constitue son style propre – clarté, fluidité, une certaine facilité mêlée de mignardise –, un style marqué par la préciosité italianisante tout en préfigurant le dépouillement du futur vers malherbien.

   Quant à sa traduction des Psaumes de David (1603), elle est destinée à un public catholique (alors que les Psaumes de Marot étaient destinés aux huguenots). L'œuvre est un jalon sur la voie de l'inspiration chrétienne, qui s'épanouira avec les poésies spirituelles de Corneille et les stances de son Polyeucte.