Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
V

Vergani (Orio)

Journaliste et écrivain italien (Milan 1899 – id. 1960).

Journaliste sportif, critique littéraire du Corriere della sera, fondateur et directeur du Théâtre d'art de Rome (1924), il offre une peinture émouvante de l'enfance dans ses nombreuses nouvelles et ses romans, parmi lesquels : Moi, pauvre nègre (1928) ; Un jour de la vie (1948) ; Procès à huis clos (1957).

Verhaeren (Émile)

Écrivain belge d'expression française (Sint-Amands 1855 – Rouen 1916).

Il délaissa le barreau pour se consacrer à la littérature. Collaborateur à l'Art moderne de E. Picard et à la Jeune Belgique de M. Waller, il fréquenta Ensor, Rops et Van Rysselberghe, publiant ses premiers recueils de poèmes (les Flamandes, 1883 ; les Moines, 1886), d'esthétique encore parnassienne. Une crise morale, prolongée jusqu'à la rencontre de Marthe, sa future femme, quelques années plus tard, l'amena à une poésie mélancolique, souvent hantée de désespoir, voire du spectre de la folie, et où le vers se fait visionnaire (les Soirs, 1887 ; les Débâcles, 1888 ; les Flambeaux noirs, 1891). Si la thématique y doit beaucoup au symbolisme, l'expression est devenue personnelle, et les rythmes originaux ; une virtuosité verbale s'y révèle, férue de néologismes et d'images inattendues.

   Au sortir de cette période dépressive, le poète se tourne peu à peu vers le spectacle né des transformations de la révolution industrielle, déclin du vieux monde rural (les Campagnes hallucinées, 1893 ; les Villages illusoires, 1895) opposé au gigantisme des cités modernes où se forge l'avenir (les Villes tentaculaires, 1895). Ces trois chefs-d'œuvre inaugurent une forme d'inspiration nouvelle : la formidable expansion des mégalopoles, leurs foules, leurs usines sont ici célébrées en un lyrisme visionnaire, porté par une foi enthousiaste en l'avenir et en la puissance du travail humain. Cette poésie, à la fois épique et expressionniste, où prolifèrent métaphores exacerbées, leitmotive et récurrences sonores, est soutenue par des effets de rythme fortement marqués. Le poète, qui partage les idéaux socialisants de son ancien maître Picard, s'est aussi imprégné du vers libres de W. Whitman. Des recueils comme les Visages de la vie (1899), les Forces tumultueuses (1902), la Multiple Splendeur (1908), les Rythmes souverains (1910) reprennent cette exaltation panthéiste et visionnaire d'une société où l'homme maîtrisera l'univers et ses énergies fabuleuses.

   Installé à Saint-Cloud (1899), Verhaeren passe désormais tous les étés dans sa maisonnette champêtre de Roisin, entre Mons et Valenciennes. Devenu une personnalité de premier plan, il voyage, donne des conférences, reçoit de nombreux visiteurs, dont S. Zweig. Une première pièce de théâtre, les Aubes (1899), célèbre, comme les poèmes, la naissance d'une ère inédite. Elle est suivie du Cloître (1900) et de Philippe II (1901), montés par Lugné-Poe à l'Œuvre, et où subsistent certaines hantises, puis d'Hélène de Sparte (1912). L'écrivain s'illustre aussi dans la critique d'art (Rembrandt, 1905 ; James Ensor, 1908 ; Pierre-Paul Rubens, 1910).

   La poésie reste cependant son genre favori : de 1904 à 1911, il consacre à sa terre natale cinq recueils groupés sous le titre Toute la Flandre ; il y célèbre le paysage de l'Escaut avec la fuite du fleuve vers l'ailleurs infini, les plages de la mer du Nord, les vastes plaines entourant les Villes à pignons (1910) et leurs héros légendaires. Parallèlement se fait jour un pôle rasséréné dans les Heures, recueil poétique en trois parties : les Heures claires (1896), les Heures d'après-midi (1905) et les Heures du soir (1911) évoquent le bonheur d'aimer, la joie profonde et paisible de la vie de couple, l'exaltation d'une vie simple en harmonie avec la nature. Ton et rythmes se sont assagis, le poète abandonnant peu à peu les audaces stylistiques et les tours trop expressionnistes (retrouvant aussi dans ce sens ses premiers recueils). La guerre et l'invasion de la Belgique trouvent en lui un témoin horrifié (la Belgique sanglante, 1915) qui visitera le front de l'Yser et se dépensera sans compter pour sa patrie martyrisée. Il meurt écrasé par un train en gare de Rouen.

vérisme

École littéraire et artistique italienne axée sur la représentation de la réalité avec ses vulgarités et ses problèmes sociaux. Issu du naturalisme français, le mouvement littéraire italien anticipa, dans les trente dernières années du XIXe s., nombre de postulats du néoréalisme. L'originalité la plus évidente du vérisme est d'avoir élargi au-delà du milieu de prédilection du roman naturaliste – la grande ville industrielle – la représentation de l'aliénation populaire. Il s'exprime essentiellement dans les œuvres des Siciliens G. Verga, L. Capuana et F. De Roberto, dont les transpositions lyriques et théâtrales assurèrent la popularité. Il est également facile de déceler l'apport original de leur région chez Matilde Serao et Di Giacomo (Naples), D'Annunzio avec ses premières nouvelles véristes (les Abruzzes), Fucini (Toscane), Grazia Deledda (Sardaigne), De Marchi (Milanais). Dans les « Isthmes » contemporains (1898), Luigi Capuana, le principal théoricien du mouvement, oppose la « méthode impersonnelle » du vérisme italien à la « matière » du naturalisme français. Dans la lettre de dédicace à Salvatore Farina, qui sert d'introduction à sa nouvelle l'Amant de Gramigna (1880), Verga déclare que l'œuvre doit donner l'impression de « s'être faite toute seule, d'avoir mûri et d'être née spontanément comme un fait naturel, sans garder aucun point de contact avec son auteur, sans la moindre trace du péché de son origine ». Dans la préface des Malavoglia (1880), il expose parallèlement le principe d'une narration à plusieurs niveaux stylistiques adaptés aux différents niveaux d'une représentation sociale conçue selon un modèle darwinien : « J'ai en tête un travail qui me paraît grand et beau. Une espèce de fantasmagorie de la lutte pour la vie, qui va du chiffonnier au ministre et à l'artiste, et qui assume toutes les formes, de l'ambition à l'appétit du gain, et se prête à mille représentations du grand grotesque humain, lutte providentielle qui guide l'humanité à travers tous les appétits, nobles et bas, vers la conquête des vérités. Saisir en somme le côté dramatique, ou ridicule ou comique, de toutes les physionomies sociales, chacune avec sa caractéristique, dans ses efforts pour aller de l'avant au milieu de cette vague immense qui est poussée à aller de l'avant par les besoins les plus vulgaires ou par l'avidité de la science, incessamment, sous peine d'échec ou de mort pour les plus faibles ou/et les moins habiles » (lettre à Salvatore Paola Verdura, 1878). Une des dimensions essentielles du vérisme, le témoignage régionaliste, est liée d'autre part au renouveau des études dialectales et folkloriques qu'atteste avec éclat la monumentale Bibliothèque des traditions populaires siciliennes, en 25 volumes (1870-1913), de Giuseppe Pitré. Les deux œuvres qui ont le plus contribué à la popularité du vérisme sont la Cavalleria rusticana de Verga et le mélodrame Guignols de Leoncavallo, entraînant alors une floraison de mélodrames, pour la plupart situés dans des milieux paysans de l'Italie du Sud, qui diffusèrent une image caricaturale du vérisme, faite de drames passionnels et de couleur locale.