Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Dadelsen (Jean-Paul de)

Poète français (Strasbourg 1913 – Zurich 1957).

Né en Alsace d'une famille protestante, attentif à la dimension internationale de la poésie, il est l'auteur d'une œuvre brillante, rare. Grand voyageur comme Cendrars, engagé à la BBC après la guerre, il est journaliste comme son ami Camus (qui, avec Henri Thomas, fera publier Jonas, en 1962, à titre posthume), puis accompagne en fonctionnaire brillant l'essor européen, lorsqu'une tumeur lui ôte la vie.

   Sa parole saisit par son ampleur, un flux qui excède les formes habituelles, et se place, après Nerval, après Apollinaire, à l'écoute du monde de « l'ange insolite », l'Allemagne, celle de Bach (Bach en automne, 1956), de Goethe, celle du romantisme, sans doute aussi celle de la mystique rhénane. Agrégé d'allemand, il connaît la langue et l'histoire du pays comme aucun. Nulle concession non plus aux limites de la mesure, mais un « lyrisme à l'état sauvage » (Thomas) qui se détourne des minimalismes commodes pour se donner, au désespoir des typographes, l'espace et les mots de son déploiement. Déroutante, la mise en page révèle d'autres surprises dont celle d'un humanisme fervent et pessimiste, tendre souvent, et doté de mots justes, attentif aussi bien à la réalité profonde des êtres (Oncle Jean, achevé en 1955) qu'à une voix profonde du monde. On a parlé de lui comme d'un « Claudel luthérien ». 

Dadiani (Chalva Nik'olozis dze)

Prosateur, dramaturge et comédien géorgien (Zest'aponi 1874 – Tbilisi 1959).

Directeur d'une troupe ambulante, il dénonce dans ses pièces l'insouciant égoïsme des nantis (Quand ils festoyaient, 1907 ; Ceux d'hier, 1917), et les travers de la bureaucratie (En plein cœur, 1928). Ses romans historiques font revivre les querelles des féodaux géorgiens (la Famille Gvirgviliani, 1954).

Dadié (Bernard Binlin)

Écrivain et homme politique ivoirien (Assinie 1916).

Ancien élève de l'école normale William-Ponty de Dakar, il est, avec Senghor et Césaire, l'un des écrivains les plus représentatifs de la première génération. Son premier roman, Climbié (1956), largement autobiographique, retrace un itinéraire commun aux intellectuels de cette génération. Journaliste (il participe à la fondation de la revue Présence africaine), homme de théâtre, il est aussi conteur (Légendes africaines, 1954 ; le Pagne noir, 1955), poète (Afrique debout, 1950 ; la Ronde des jours, 1956 ; Hommes de tous les continents, 1967) et romancier (Un nègre à Paris, 1959 ; Patron de New York, 1964 ; les Jambes du fils de Dieu, 1980). Dadié doit surtout sa renommée à son œuvre dramatique, qui constitue un témoignage souvent ironique sur l'Afrique contemporaine (Assimien Déhylé, roi du Sanwi, 1949 ; Monsieur Thogo-Gnini, 1970 ; les Voix dans le vent, 1970 ; Îles de tempête, 1973 ; Papassidi maître escroc, 1975).

Dagerman (Stig)

Écrivain suédois (Älvkarleby 1923 – Enebyberg, Stockholm, 1954).

Politiquement très engagé dans le syndicalisme de gauche, il est le représentant le plus typique du mouvement dit « des années 40 », qui devait diffuser en Suède les idées et les thèmes existentialistes. Son premier roman, le Serpent (1945), enseigne, à travers une intrigue symbolique, l'angoisse de vivre et la volonté de vivre lucidement cette angoisse. L'Île des condamnés (1946) développe, dans une langue imagée, le thème de la liberté et de la responsabilité : cinq hommes et deux femmes échoués sur une île déserte, habitée par des oiseaux aveugles et des varans, incarnent différentes formes de faiblesse et de peur. Le drame le Condamné à mort (1947) dit en accents kafkaïens l'inéluctable nécessité de la mort, tout comme l'Ombre de Mart (1948). Les nouvelles des Jeux de la nuit (1947) et surtout le roman l'Enfant brûlé (1948) font un pas vers un réalisme insoutenable. Dans ce dernier ouvrage, Bengt, qui vient de perdre sa mère, entre dans une difficile confrontation avec son père, le soupçonnant, le jalousant, lui témoignant aussi indirectement son amour. Le drame l'Arriviste (1949) est plus nettement politique. Le roman Noces pénibles (1949) et le reportage Automne allemand (1947) sur l'Allemagne de l'immédiat après-guerre exposent « la manière de sombrer les yeux ouverts ». La problématique de toute cette œuvre est celle de l'aliénation et de la peur d'un homme malmené par la violence capitaliste. Le drame de cette vie, à laquelle il mettra volontairement fin, est de n'avoir pas su résoudre une angoisse existentielle fondamentale. Il en reste une œuvre exemplaire, d'une intensité tragique et d'une rare authenticité.

Dahl (Roald)

Écrivain anglo-gallois (Llandaff, Galles du Sud, 1916 – Londres 1990).

L'horreur du philistinisme inspire ses romans pour enfants pris entre la peur de la dévoration et la célébration de l'anarchisme puéril (les Gremlins, 1943 ; le Doigt magique, 1966 ; Sorcières, 1983). Parfois macabres, ses scénarios et récits pour adultes parent d'humour une violente misogynie (Kiss, Kiss, 1960 ; la Grande Entourloupe, 1976 ; Mon oncle Oswald, 1979).

Dahlberg (Edward)

Romancier américain (Boston 1900 – Santa Barbara, Californie, 1977).

Une enfance pauvre, une vie de vagabond, sa rencontre avec Alfred Stieglitz et Theodore Dreiser lui ont fourni la matière de textes autobiographiques, Chiens courants (1930) ou Parce que j'étais de chair (1964). L'image de la mère s'unit à celle de la ville américaine dans les Confessions d'Edward Dahlberg (1971).

Dai Wangshu (Dai Chaocai, dit)

Poète chinois (1904 – 1950).

Patriote et progressiste, traducteur de renom, il est très influencé par la poésie française, du symbolisme au surréalisme. La Ruelle sous la pluie, poème de son premier recueil (Mes souvenirs, 1929), passe pour le plus représentatif de son talent.

Daisne (Herman Thiery, dit Johan)

Écrivain belge d'expression néerlandaise (Gand 1912 - id. 1978).

Poète (Vers, 1935 ; La nuit tombe assez vite, 1961), influencé par la psychanalyse de Jung et le cinéma, il fut par ses nouvelles et ses romans (l'Escalier de pierre et de nuages, 1942 ; l'Homme au crâne rasé, 1948 ; Un soir, un train, 1950) l'un des promoteurs du « réalisme magique ». Son angoisse existentielle hésite entre une conception volontariste et idéaliste de la vie, particulièrement sensible dans son théâtre (la Charade de l'Avent, 1943 ; le Glaive de Tristan, 1948), et l'évasion dans le rêve et le fantastique (Touché par la Muse, 1959 ; Rencontre au solstice d'été, 1967 ; Treize à table, 1968). On lui doit aussi des récits de voyages qui composent une autobiographie romancée (Lago Maggiore, 1957 ; Baratzeartea, 1963).