Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
A

Ambrière (Francis)

Écrivain français (Paris 1907 – 1998).

Étudiant en lettres, puis rédacteur et chroniqueur littéraire, il évoque sa captivité pendant la Seconde Guerre mondiale dans les Grandes Vacances (1940, Goncourt en 1946, rééd. Le Seuil, 1984). Directeur des Guides bleus, il est aussi romancier (le Solitaire de la Cervara, 1946), journaliste et critique littéraire. Son goût de l'histoire privilégie la vie littéraire et théâtrale du XIXe siècle (Mademoiselle Mars et Marie Dorval au théâtre et dans la vie, 1992).

Ambroise (saint) de Milan

Père et docteur de l'Église latine (Trèves v. 340 – Milan 397).

Membre de l'aristocratie et gouverneur de Milan, il fut, en décembre 374, baptisé et aussitôt consacré évêque de cette ville. Très rigoriste, il s'opposa à Symmaque dans l'affaire de l'autel de la Victoire, et contraignit l'empereur Théodose à une repentance publique après une sanglante répression perpétrée à Thessalonique. Il joua enfin un rôle important dans la conversion de saint Augustin. Il réalise la synthèse des cultures antique et biblique dans ses sermons et ses traités, tels que Sur les devoirs des ministres sacrés, où il s'inspire du De officiis de Cicéron ; Sur les vierges, où il présente la virginité consacrée comme le plus haut idéal féminin ; Hexaméron, où il commente les six jours de la Création en donnant de la Bible une interprétation allégorique. Poète, il composa des hymnes où il s'affranchit totalement de l'imitation des poètes profanes et adopte une extrême simplicité stylistique, susceptible de toucher l'ensemble des fidèles.

Amichaï (Yehuda)

Poète et écrivain israélien d'expression hébraïque (Würzburg, Allemagne 1924 – Jérusalem 2000).

Il passa son enfance dans un milieu familial imprégné de traditions juives qui allaient se refléter plus tard dans son œuvre. Le nazisme qui anéantit la communauté juive de sa ville natale, et qu'il fit revivre dans son roman Ni de maintenant ni d'ici (1963), l'obligea à quitter l'Allemagne. Il immigra en Palestine en 1936 et s'installa à Jérusalem. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il s'engagea dans la brigade juive de l'armée britannique, puis participa à la guerre d'Indépendance. Dès la parution de son premier recueil de poèmes (Aujourd'hui et Autrefois, 1955), il s'affirma comme le chef de file d'une nouvelle lignée littéraire qui substituait au « nous » et à l'identification aux valeurs collectives de la génération précédente le « je » de l'homme moderne en proie au doute et à l'angoisse. Dans les recueils qui suivirent (À deux espoirs de distance, 1958 ; Au jardin public, 1959 ; Maintenant dans le tumulte, 1968 ; Derrière tout cela se cache un grand bonheur, 1974 ; Grande Quiétude : questions et réponses, 1980 ; Homme tu fus et homme tu redeviendras, 1985 ; Achziv, Caesarea et amour, 1996 ; Ouvert, fermé, ouvert, 1998), il confirme sa révolte contre les grands thèmes nationaux pour mettre en valeur la petite vie de l'individu, et choisit pour maîtres Auden, Eliot et Rilke. Adoptant l'hébreu parlé, il brise la métrique conventionnelle et emprunte au vocabulaire scientifique et militaire pour créer des images et des métaphores particulièrement originales. Les termes, les locutions, les versets bibliques qu'il utilise sont extraits de leur contexte habituel et réemployés dans de nouvelles combinaisons déconcertantes où souvent sacré et profane s'affrontent de manière inattendue. Ayant désacralisé la tradition, démythifié le passé, Amichaï fait apparaître la condition à la fois tragique et ironique de l'homme moderne, antihéros par essence, combattant malgré lui, à la recherche désespérée de l'amour et de la paix. Tout comme sa poésie, ses nouvelles (Dans ce vent terrible, 1961) et son théâtre (Voyage à Ninive, 1962 ; Cloches et Trains, 1968) sont marquées par l'abandon des relations logiques entre le temps et l'espace au profit d'un monde subjectif dominé par la nostalgie et l'absurde.

Amidi (al-Hasan ibn Bichr al-)

Poète et critique arabe (mort à Bassora, 987).

Il est connu pour un parallèle (muwazana) entre les poètes Abu Tammam et al-Buhturi, où il privilégie les remarques grammaticales et l'étude de la forme.

Amiel (Henri Frédéric)

Écrivain suisse de langue française (Genève 1821 – id. 1881).

Issu d'une famille protestante d'origine française, orphelin à 13 ans, Amiel fit de brillantes études, puis enseigna à l'Académie de Genève. Sa vie fut éclairée par la seule amitié de quelques femmes cultivées, dont Louise Wyder, son « Égérie ». Il aspira à la gloire littéraire, mais son œuvre poétique (de Grains de mil : Poésies et pensées, 1854, à Jour à jour, 1880), tout comme ses études (sur Mme de Staël, Rousseau) et articles ne lui valurent que des succès d'estime. À l'exception du succès populaire qu'il eut avec le chant patriotique « Roulez tambours », sa gloire sera posthume : de 1838 à 1881, il se consacrera à la rédaction exclusive d'un immense Journal intime de plus de 16 000 pages. Le retentissement fut immédiat. De nombreuses rééditions se succéderont, suivies de plusieurs traductions. Amiel y pousse l'introspection et le doute à son point de non-retour : « Ton défaut à toi, c'est la rêverie tournoyante, [...] tu te recueilles sans autre but que le recueillement, [...] redoutant tout ce qui engage, [...] tu fais de la méditation un opium, [...] un stratagème inconscient pour éluder les censures de la conscience » (3 juillet 1877). Y sont dévoilés bien des compromis et compromissions de la vie professionnelle ou culturelle. Tout en présentant des digressions (philosophie, religion, société), le Journal intime offre, sous le masque de l'aboulie chronique, une exploration des limites de la conscience, totalement libre de censures ou de tabous, aspects qui restent à étudier, tout comme la tentation de la dépersonnalisation et, à un autre niveau, les enjeux poétiques de bien des passages.

Amila (Jean Meckert, dit John, puis Jean)

Écrivain français (Paris 1910 – Nemours 1995).

Après cinq romans signés de son vrai nom (les Coups, 1942 ; Nous avons les mains rouges, 1947) il entre à la Série noire en 1950 avec Y a pas de bon Dieu !, roman pseudo-américain. Suivront vingt titres où il mènera son combat libertaire (Jusqu'à plus soif, 1962 ; la Lune d'Omaha, 1964 ; le Boucher des Hurlus, 1982 ; Au balcon d'Hiroshima, 1985). Hors Série noire, il publiera un amusant roman de science-fiction, le 9 de pique (1956), et, sous son vrai nom, un pamphlet anti-atomique, la Vierge et le Taureau (1971).