Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
G

Garcilaso de la Vega, dit l'Inca

Chroniqueur péruvien (Cuzco 1539 – Cordoue, Espagne, 1616).

Fils d'un conquistador et d'une princesse inca, il est le grand représentant du courant historiographique avec une œuvre majeure, premier chef-d'œuvre des lettres latino-américaines dans lequel il retrace l'histoire de l'empire des Incas, recueillant les traditions indigènes et laissant passer, de manière toujours émouvante, son amour pour son pays natal : le Commentaire royal, connu aussi sous le titre l'Histoire des Incas, rois du Pérou (1609-1617).

Gardner (Erle Stanley)

Écrivain américain (Malden, Massachusetts, 1889 – Temecula, Californie, 1970).

Avocat, il assura la défense de travailleurs illégaux. Il est le créateur, dans Griffe de velours (1932), du personnage de Perry Mason, avocat distingué et orateur talentueux, luttant contre l'injustice et les erreurs judiciaires.

Garland (Hamlin)

Écrivain américain (près de West Salem, Wisconsin, 1860 – Hollywood 1940).

Promoteur du réalisme américain, qu'il définit par le terme de véritisme, il évoque son expérience de l'Ouest (Vie d'enfant dans la Prairie, 1899) et donne des esquisses directes et simples de la vie dans les Grandes Plaines (Grands Itinéraires, 1891 ; Gens de la Plaine, 1893 ; Un fils des Grandes Plaines, 1917). Son pamphlet (Idoles en ruine, 1894) marque déjà la fin du rêve de la Frontière.

Garneau (Hector de Saint-Denys)

Poète québécois (Montréal 1912 – Sainte-Catherine-de-Fossambault 1943).

Il participe au groupe de la Relève et publie Regards et jeux dans l'espace (1937), seul livre paru de son vivant, œuvre inquiète, autocritique, d'une forme parfois géométrique, dépouillée à l'extrême. Replié dans une solitude aggravée par sa santé défaillante, il pousse le dépouillement de son expression jusqu'au mutisme. La publication de ses Poésies complètes (1949), de son Journal (1954) esthétique et métaphysique, des Lettres à ses amis (1967), de ses Œuvres (1971), en révélant l'intensité de son tourment, la qualité de ses questions, de ses doutes, a agi en profondeur sur le développement de la poésie contemporaine au Québec.

Garnier (Robert)

Auteur dramatique français (La Ferté-Bernard 1544 ou 1545 – Le Mans 1590).

En 1566, il s'établit comme avocat à Paris et se lie avec Ronsard. Sa première tragédie, Porcie, paraît en 1568. Lieutenant-criminel du Maine en 1574, il poursuit sa carrière dramatique en publiant six tragédies (Hippolyte, 1573 ; Cornélie, 1574 ; Marc-Antoine, 1578 ; la Troade, 1579 ; Antigone, 1580 ; les Juives, 1583) et une tragi-comédie (Bradamante, 1582). En 1568, lors de la publication de Porcie, rares étaient les tragédies originales en français parues sur le sol national (le César de Grévin, la Soltane de Bounin, l'Achille et la Lucrèce de Filleul, l'Aman de Rivaudeau) : les tragédies de Bèze et de Des Masures avaient été publiées à Genève, celles de Jodelle et de Jean de La Taille étaient encore inédites. Garnier travaille au renouvellement du théâtre français par l'imitation des Anciens (les Grecs, Sénèque). Une imitation conçue selon des critères très différents de ceux qui prévaudront dans le théâtre du XVIIe s. : il s'attache moins à l'action et à l'étude des caractères qu'à la production d'effets pathétiques et à la visée didactique. Autant que dramaturge, Garnier se veut poète lyrique, orateur et moraliste. C'est pourquoi ses tragédies présentent toutes des traits communs : prédominance de l'élément lyrique ou oratoire sur l'élément dramatique, place importante tenue par les débats d'idées, analogies avec les événements politiques contemporains (la tragédie est un « poème à mon regret trop propre aux malheurs de notre siècle », Dédicace de Cornélie).

   Les tragédies de Garnier présentent néanmoins des différences sensibles au niveau de leur structure. On peut schématiquement les répartir en trois principaux types. D'abord, les tragédies « romaines » (Porcie, Cornélie, Marc-Antoine) qui, au contraire de la future tragédie classique (où l'intérêt dramatique est fondé sur l'incertitude du dénouement et la progression d'une action bouleversée sur sa fin par un ou plusieurs coups de théâtre), commentent lyriquement les diverses conséquences d'une situation créée bien avant le début de la pièce. Une telle économie dramatique confère aux personnages un statut et des fonctions différents de ceux de la tragédie classique : chez Garnier, les passions, portées dès le début de la pièce à leur paroxysme, n'évoluent guère ; les personnages n'agissent pas les uns sur les autres, leurs affrontements, dans les scènes de dialogues, se réduisent à de purs débats intellectuels dans lesquels chacun des deux adversaires défend une position qui ne se modifie pas plus qu'elle ne cherche à modifier celle de l'autre.

   Les tragédies « grecques » (Hippolyte, la Troade, Antigone) montrent une accumulation de catastrophes, une plus grande subordination de l'action à la psychologie des personnages, une substitution de monologues délibératifs aux monologues purement lyriques, une utilisation des coups de théâtre.

   Dernière des tragédies de Garnier, les Juives (1583) ont pour sujet la vengeance de Nabuchodonosor après la révolte de Sédécie, roi de Jérusalem. Cette tragédie biblique catholique, qui s'inscrit dans la politique culturelle de la Contre-Réforme, est la plus grande réussite du genre avant l'Athalie de Racine. Elle marque un retour à manière des tragédies « romaines »  : l'action est peu chargée d'événements, les scènes purement lyriques dominent. Mais des innovations introduites par les tragédies « grecques » sont maintenues : l'action est commandée par la psychologie des personnages et sa progression s'effectue par une série de coups de théâtre.

   Contemporaine d'Hippolyte par l'époque de sa composition, Bradamante (1582) inaugure le genre de la tragi-comédie. Le sujet est tiré du Roland furieux de l'Arioste. Garnier évite les épisodes merveilleux du modèle italien pour s'attacher à la peinture des caractères à travers un mélange de scènes tragiques et comiques, pleines d'allusions aux luttes politiques et religieuses du temps. Le genre de la tragi-comédie connaîtra une grande fortune dans la première moitié du XVIIe s. : l'élément lyrique demeure prédominant, et le dénouement heureux deviendra la caractéristique essentielle du genre.

   De la double fonction que Garnier assigne à la tragédie – enseigner et émouvoir – procèdent certains traits spécifiques de son écriture : importance du style oratoire et de tous les aspects de l'éloquence contemporaine (discours d'apparat, plaidoyers civils et politiques, discours militaires), fréquence du style gnomique (due à l'influence de Sénèque), présence de nombreux récits (principale source du pathétique chez Garnier). À la tragédie antique Garnier a emprunté l'élément choral, dont la fonction principale est de tirer la leçon des événements qui viennent de se produire. À cette fonction morale correspond un mode d'expression spécifique : la forme strophique (on trouve chez Garnier quarante types différents de strophes) et les vers autres que l'alexandrin (notamment l'octosyllabe).

   Les tragédies de Garnier sont hantées par des questions majeures, politiques (la meilleure forme de gouvernement : Porcie, Cornélie ; la conciliation de l'ordre et de la justice : Antigone ; les droits des rois et la valeur de la raison d'État  : Marc-Antoine), métaphysiques (l'existence du mal, le règne de l'injustice, la croyance en un Dieu juste : la Troade, les Juives) et morales : sensible dans les tragédies romaines, l'influence du stoïcisme, qui exalte la maîtrise de l'homme sur son destin et légitime le suicide, fait place, dans les Juives, à une attitude chrétienne de soumission devant les épreuves imposées par Dieu.