Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
M

Martial d'Auvergne
ou Martial De Paris

Écrivain français (vers 1430 – v. 1508).

Procureur au parlement de Paris, il écrivit des Arrêts d'amour (vers 1460) qui continuent la Belle Dame sans merci et exposent des « cas » devant le parlement d'Amour, donnant lieu à des arrêts sans appel, dans l'esprit de la scolastique courtoise. Après un violent accès de folie (1466), l'auteur changea de registre et composa les Vigiles de Charles VII, éloge posthume sous forme de psaumes et de leçons, et les Matines de la Vierge, de même plan.

Martianus Capella

Écrivain latin (Ve s.).

D'origine africaine, il est l'auteur d'une curieuse « encyclopédie romanesque » des arts libéraux en neuf livres (les Noces de Mercure et de Philologie), qui, comme l'ancienne satura, mêle la prose et les vers, le sérieux et le bouffon, dans une perspective néoplatonicienne ; elle devait influencer profondément les conceptions didactiques du Moyen Âge.

Martin-Chauffier (Louis)

Écrivain français (Vannes 1894 – Puteaux 1980).

Traducteur de Dante et d'Aristophane, éditeur de Gide, de La Rochefoucauld et de Rousseau dans la bibliothèque de la Pléiade, auteur de Chateaubriand ou l'Obsession de la pureté (1943), il est aussi journaliste (cofondateur de Libération) et romancier (la Fissure, 1922 ; l'Épervier, 1925). Son œuvre de moraliste reçoit un éclairage profond et douloureux de son expérience de la déportation (l'Homme et la Bête, 1947 ; l'Écrivain et la Liberté, 1959).

Martin (Hansjörg)

Écrivain allemand (Leipzig 1920 – Majorque 1999).

Après des romans pour enfants, il est rapidement considéré comme le père du roman policier allemand moderne, socialement engagé. Sur ses quelque trente romans, traduits dans douze langues, seuls deux (Les acteurs n'aiment pas mourir, 1965 ; Un coup au cœur, 1980) sont parus en français, ainsi qu'une nouvelle à l'humour très noir, Black is beautiful (1979). Il fut aussi un théoricien du policier et auteur à la radio.

Martin du Gard (Roger)

Écrivain français (Neuilly-sur-Seine 1881 – Sérigny, Orne, 1958).

Très tôt, R. Martin du Gard se montre plus passionné par la littérature que par les études. La découverte de Guerre et Paix l'oriente vers « le roman de longue haleine, à personnages nombreux et à multiples épisodes ». Après le baccalauréat, il entre à l'École des chartes où il reçoit une solide formation d'historien. À la fin de ses études, il se marie et, avec l'aide de ses parents, il peut se consacrer entièrement à ses projets d'écrivain. Après de longs efforts avortés, il publie Devenir ! (1909), le roman d'un raté pour exorciser sa hantise de l'échec. Puis, pendant trois ans, il travaille à Jean Barois, « la fresque d'une vie entière » à travers laquelle il intervient dans les grands débats d'idées de son temps – le conflit de la religion et de la raison, l'affaire Dreyfus et les intellectuels –, mais il met aussi au point une nouvelle forme de récit : le roman est découpé en scènes dialoguées, comme dans une pièce de théâtre. G. Gallimard édite le livre en 1913 et l'auteur se lie d'amitié avec le groupe de la N.R.F., Gide, Schlumberger, Copeau. Celui-ci représente avec un grand succès au Vieux-Colombier le Testament du père Leleu, farce paysanne écrite avec beaucoup de verve aussitôt après le roman.

   Martin du Gard fait toute la guerre comme sous-officier dans un groupe automobile. Pacifiste, proche de R. Rolland, il passe ces années-là dans « un état de révolte permanent ». La paix revenue, il écrit « l'histoire de deux frères de tempéraments aussi différents que possible mais marqués par un très puissant atavisme commun ». L'histoire des Thibault (située de 1904 à 1918) est racontée dans un roman-fleuve en huit volumes. Les trois premiers paraissent en 1922-1923 : le Cahier gris et le Pénitencier sont surtout centrés sur l'adolescence difficile de Jacques, en révolte contre son père, un grand bourgeois conservateur ; dans la Belle Saison, Jacques réussit le concours de l'École normale, son frère Antoine devient un grand médecin. Trois volumes suivent en 1928-1929 : la Consultation est le récit d'une journée de travail d'Antoine ; dans la Sorellina, Antoine recherche Jacques qui a disparu ; la Mort du père est rapportée avec une grande intensité dramatique. En 1936, l'Été 1914 explique l'engrenage des événements qui a rendu la guerre inévitable ; alors qu'Antoine monte au front, Jacques, qui a lutté jusqu'au bout pour la paix, est tué dans une tentative suicidaire d'arrêter les combats. Le romancier, qui a voulu rappeler « la pathétique leçon du passé », reçoit le prix Nobel en 1937. Le cycle s'achève dans Épilogue (1940) avec la mort d'Antoine, gazé, le jour de l'armistice. R. Martin du Gard a remarquablement réussi à analyser en profondeur ses personnages, à suivre la formation et le développement de leur personnalité mais en inscrivant leur destinée dans l'histoire générale de leur temps.

   Parallèlement, il a écrit des œuvres très différentes. La Gonfle (1928) est une sombre farce paysanne pour laquelle il a inventé une langue mêlée de patois divers, d'une grande force poétique. La nouvelle Confidence africaine (1931) raconte l'inceste entre un frère et une sœur et, la même année, il fait jouer par Jouvet Un taciturne, la tragédie d'un homme qui se découvre homosexuel ; ces deux sujets, également scabreux, sont traités « avec un tranquille insouci de la morale » (Gide) afin de présenter comme banals des comportements jugés aberrants. Une autre nouvelle, Vieille France (1933), est formée de croquis villageois qui sont une satire sans pitié de « la race maudite » des paysans.

   En 1940, devant l'avance allemande, sa femme et lui quittent la Normandie pour gagner Nice, où ils restent jusqu'à la Libération. Il a bientôt l'idée d'un vaste roman, présenté comme les souvenirs rédigés par un colonel retraité (né en 1881, comme l'auteur) dans son château occupé par les Allemands. Il ne pourra achever son livre, gêné surtout par l'ampleur du projet. Mais il a assez avancé la rédaction de nombreux chapitres (sur les années de formation de personnages, sur le temps de l'Occupation) pour souhaiter leur publication en l'état : ce sera le Lieutenant-colonel de Maumort (1983). Cette œuvre monumentale devait accueillir les expériences de toute la vie de l'auteur, affirmer des valeurs morales et intellectuelles que deux guerres monstrueuses semblaient avoir anéanties. Mais ces problèmes apparaissent à travers l'histoire de personnages qui ont leur propre logique et sont fortement caractérisés. R. Martin du Gard a toujours refusé de participer aux débats littéraires et politiques par des articles. Par contre, dans les milliers de lettres qu'il a écrites et son Journal (3 500 pages de 1919 à 1949), il a engagé avec ses correspondants – ou avec lui-même – des discussions passionnées sur tous les grands problèmes de son temps, avec toujours la même exigence de lucidité. Ses Souvenirs autobiographiques et littéraires (1955) donnent une idée précise de sa formation intellectuelle et de sa conception d'une littérature objective.