Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
E

Églogue

Poème lyrique bref qui célèbre l'amour et la nature, sous forme de dialogue ou de soliloque, dans un cadre pastoral. Le modèle antique en est les Idylles de Théocrite et les Bucoliques de Virgile. Il est imité, à la Renaissance, par les poètes italiens (Dante, Pétrarque, Boccace) et français (Marot, la Pléiade, Scève). Il est régulièrement réemployé (A. Chénier, les Bucoliques, 1778-1787), y compris par des poètes contemporains.

Égypte

L'ÉGYPTE MODERNE

Successivement province culturelle hellénistique (elle est la patrie de l'alexandrinisme), romaine (elle joue avec la communauté juive d'Alexandrie puis avec l'école de Saint-Clément et d'Origène un rôle décisif dans l'élaboration des traditions culturelles du christianisme), byzantine, l'Égypte s'inscrit en 642 dans l'univers des lettres arabes (arabe).

Littérature moderne en Égypte

Avec le XIXe s. s'ouvre autour de pionniers comme Tahtâwî la Nahda (« Éveil, Renaissance »). Un vaste mouvement de traduction ('Uthmân Jalâl) s'intensifie avec l'arrivée de Syriens et de Libanais (Najîb al-Haddâd et Adib Ishâq) qui, fuyant les Ottomans et bénéficiant de la tolérance et de la liberté relative des Khédives, doteront l'Égypte de ses premiers journaux. L'influence culturelle française va être prépondérante pendant plus d'un siècle, et la domination politique anglaise, à partir de 1882, semblera même (ce sera une forme intellectuelle de protestation nationaliste de la part des élites égyptiennes) la renforcer. De fait, les lettres francophones comptent d'importants représentants égyptiens comme Albert Cossery, Georges Henein, Joyce Mansour et Andrée Chedid.

   La seconde moitié du siècle et le début du XXe verront la naissance d'une littérature arabe moderne et l'apparition de genres nouveaux, le théâtre (Ya'qûb Sannû') et le roman (Ya'qûb Sarrûf, Muhammad al-Muwaylihî). L'inspiration est didactique, populaire et historique avec Zaydân, romantique avec Haykal, sentimentale et moralisatrice avec Manfalûtî, autobiographique (Tâhâ Husayn) ou symboliste (Tawfîq al-Hakîm). Le réalisme s'impose cependant tant dans la nouvelle (Taymûr, Tâhir Lâchîn, Yahyâ Haqqî) que dans le roman. Il connaît un âge d'or avec Mahfûz, prix Nobel en 1988.

   Le réalisme social de Charqâwî et de Nu'man 'Âchûr, dans l'enthousiasme révolutionnaire d'après 1952, laisse place la décennie suivante à une remise en cause aggravée par le traumatisme de la défaite de 1967. Théâtre poétique et de l'absurde, nouvelles recherches narratives, écriture transgénérique, chosisme, exploration de l'imaginaire, du rêve, de l'inconscient et des mythes, hyperréalisme froid, de Yûsuf Idrîs à Kharrât, de Ghîtânî à Sun'allâh Ibrâhîm et aux autres, la littérature en Égypte est dynamique et novatrice, revendicatrice de liberté.

   Quant à la poésie égyptienne, elle a connu plusieurs générations majeures. Les néoclassiques (al-Bârûdî, Chawqî, Hâfiz Ibrâhîm) maintiennent jusqu'au milieu du XXe s. la tradition poétique, mais amorcent, avec Mutrân, le renouveau romantique. Le groupe Apollo (1932) se situe à mi-chemin entre le romantisme et le symbolisme (Abu Châdî, 'Ali Mahmûd Tâhâ). La tendance intimiste et pessimiste d'un 'Abd al-Rahman Chukrî annonce un lyrisme intime fortement influencé par l'Occident et qui fera de nombreux disciples (al-Mâzinî, al-Aqqâd). L'engagement politique et le renouveau des années 1950 affecta principalement la forme. C'est l'avènement du poème en prose et de la poésie libre. 'Abd al-Sâbûr et Hijâzi abordent des thèmes nouveaux, rompant avec la rhétorique et se démarquant définitivement de la rime classique. La génération d'après 1967 est celle du refus et de la révolte contre le fatalisme et la résignation. Cette perpétuelle mise en question est d'actualité avec la génération illustrée par Matar, qui allie l'écriture dépouillée à l'intensité dramatique, par Dunqul, poète de la rupture, et aujourd'hui par 'Abd al-Mun'im Ramadân, enfant terrible de la poésie arabe.

Égypte pharaonique

La production écrite de l'Égypte pharaonique commence vers l'an 3000 av. J.-C., mais les textes conséquents n'apparaissent pas avant le milieu du XXVIe s. av. J.-C. Cette littérature survit longtemps à la société pharaonique, puisqu'elle produit encore jusqu'au IVe s. de notre ère. Elle utilise trois écritures : l'écriture hiéroglyphique, caractérisée par un système mixte d'idéogrammes et de phonogrammes, et deux cursives, le hiératique et le démotique. Les supports sont très variés : monuments et objets d'une part, supports spécifiques d'autre part, le papyrus principalement, et plus rarement le cuir, les tablettes (métal, bois, de bois recouvert de stuc, calcaire), ostraca (tessons ou éclats de pierre à surface lisse). L'écriture hiéroglyphique participe de l'économie et de l'iconographie des monuments ou des objets sur lesquels elle figure, et contribue à leur « sacralisation ». En revanche, les supports spécifiques sont le plus souvent écrits en cursive, et servent à l'usage profane, ou encore à l'archivage des textes.

Littérature scientifique et technique

Le terme « scientifique » n'est évidemment pas à prendre dans son sens moderne quand il s'applique à une civilisation pour laquelle le religieux constitue l'ultima ratio de tout phénomène. Toutefois, entre la donnée immédiate et cette raison ultime s'ouvre un domaine où se déploie une activité qui peut être qualifiée de « scientifique et technique » et une production écrite correspondante relativement autonome. Nous sont parvenus : des traités de mathématiques (le Papyrus Rhind, copie du XVIe s. av. J.-C. d'un original antérieur), de médecine (Papyrus vétérinaire de Kahoun et le Papyrus gynécologique de Kahoun, tous deux du XIXe s. av. J.-C. ; Papyrus Smith, copie du XVIe s. av. J.-C. ; Papyrus Ebers, copie du XVIe s. av. J.-C.) ; des « calendriers » comme le Calendrier du Caire (copie du XIIIe s. av. J.-C.), où pour chaque jour sont indiqués le caractère faste ou néfaste de chacune de ses trois parties, la divinité fêtée, l'événement mythologique correspondant, la prescription à suivre ; « clefs des songes », dont le Papyrus Chester-Beaty III (copie du XIIIe s. d'un original ancien) ; enfin de très nombreux répertoires de signes hiéroglyphiques, de noms propres, de noms géographiques, comme l'Onomasticon d'Aménémopé (XIIe s. av. J.-C.), qui énumère 610 notions constitutives de l'univers égyptien.

Littérature administrative et juridique

État centralisé et bureaucratique, l'Égypte ancienne a sécrété une énorme littérature administrative et juridique ; ce qui nous en est parvenu, bien que ne représentant qu'une infime partie de la production réelle, parce qu'elle utilisait les supports les plus fragiles (papyrus, tablettes, ostraca), est déjà impressionnant par sa quantité et sa variété. L'une des bases de l'éducation du scribe est la copie et le ressassement de lettres modèles. La plus célèbre est la Kemyt (« la Somme »), composée au début du Moyen Empire (vers 2040 av. J.-C.), et qui rassemble l'essentiel du formulaire et du vocabulaire nécessaire au scribe. Au Nouvel Empire (vers 1551-1070 av. J.-C.), les lettres modèles se multiplient et abordent des sujets variés : rapports, instructions, plaintes, réprimandes administratives, mais aussi hymnes et prières, et surtout satire corrosive de la vie militaire et paysanne ainsi qu'éloge corrélatif de la profession de scribe. L'activité épistolaire a livré une assez abondante documentation, parmi laquelle ressortent la Correspondance de Héqanakhte, gestionnaire de domaines agricoles en Haute-Égypte au début du Moyen Empire (vers 2040 av. J.-C.) et la Correspondance de Djéhoutymès et de Boutehamon, scribes de la nécropole thébaine, à la fin de la XXe dynastie (vers 1070 av. J.-C.). Enfin, les scribes ont établit les archives de chaque institution : un document exceptionnel, le Papyrus Wilbour, présente ainsi l'état dressé sous Ramsès V (vers 1160-1156 av. J.-C.) des revenus imposables d'une région de la Moyenne Égypte. D'autres textes ont un caractère plus spécialement juridique : décrets royaux, actes privés, stèles de donation, documents relatifs à des procès. À partir du Nouvel Empire, la procédure oraculaire tend à investir le droit, d'où de nombreux textes relatant la manière dont un oracle a tranché une affaire ou cautionné un acte.