Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
C

Concolorcorvo

Sous ce nom d'auteur fut imprimé clandestinement à Lima (1775-1776) le livre Lazarillo voyageant aux quatre vents, donné comme sorti des presses en Espagne, à l'initiative de l'Espagnol Alonso Carrió de la Vandera (1773). Picaresque par son titre et son ton général, discrètement ironique, cet ouvrage est une sorte de journal de voyage qui constitue une source d'information de premier ordre sur la vie sud-américaine à l'époque coloniale.

concrétisme

Mouvement littéraire brésilien, qui débuta au musée d'Art moderne de São Paulo, en décembre 1956, par une exposition de poèmes, d'affiches et de sculptures. Ses initiateurs, les frères Haroldo et Augusto de Campos, et Décio Pignatari, s'inspiraient des arts plastiques non figuratifs, proposant de remplacer le vers par des structures fondées sur l'association formelle des mots et leur disposition spatiale, géométrique, sur la page ; d'abandonner la syntaxe discursive au profit d'une construction analogique « idéogrammique », permettant la juxtaposition directe des concepts ; de passer d'une poésie subjective à une poésie « exacte », synthétique, capable de réaliser la transcription d'images et de systèmes de représentation audiovisuels ; de relier la poésie aux autres arts dans le cadre du développement industriel et technologique moderne. Cette esthétique se réclamait de précurseurs brésiliens (Souzândrade, Oswald de Andrade) et étrangers (Mallarmé, Apollinaire, Pound, E. E. Cummings et Joyce). La « matrice » du groupe fut la revue Noigandres (1952). À partir de 1955, le mouvement se propagea en Allemagne, au Japon, en Grande-Bretagne. En 1958, les poètes de São Paulo publient le Plan-Pilote pour la poésie concrète, manifeste qui fait la synthèse des idées du mouvement. À partir de 1961 s'y incorpore une thématique d'engagement social sous l'invocation de Maïakovski. Plus récemment, le concrétisme a évolué vers des poèmes-codes, sans paroles, faits de symboles graphiques, et des poèmes popcrets, à base de montages de mots découpés. Réagissant contre la « génération de 1945 », les théoriciens de la poésie concrète remontent à la phase héroïque de 1922, c'est-à-dire à l'esprit d'avant-garde et d'expérimentation. Plusieurs poètes de 1922 se rapprochent d'ailleurs du concrétisme, tels que M. Bandeira ou Drummond de Andrade, à travers la revue Invenção. Les postulats du concrétisme ont exercé une très grande influence sur le lyrisme brésilien et tendent à la création d'une sorte d'espéranto poétique.

Condé (Maryse Philcox, dite Maryse)

Romancière française (Pointe-à-Pitre 1937).

Son œuvre est une remise en question du mythe de retour à l'Afrique-mère, miroir où se regardaient les intellectuels antillais de la génération précédente. Mariée à un Guinéen rencontré à Paris et fasciné par Sékou Touré, elle découvre assez vite la dure réalité du pouvoir africain, dont elle traite dans son premier roman, Heremakhonnon (1961). Expulsée du Ghana, elle revient à Paris, où elle est journaliste, et donne des essais sur les littératures orales et écrites des Antilles (la Parole des femmes, 1979) et publie un second roman (Une saison à Rihata, 1981) ; elle entreprend ensuite l'épopée de Ségou (deux volumes, 1984-1987), grand succès populaire qui raconte l'histoire de l'ancien empire du Mali et la lente agonisation d'une civilisation africaine. Elle revient en Guadeloupe, puis s'exile en Amérique, où elle publie des romans et des pièces de théâtre consacrés à la Caraïbe et à l'Amérique noire (Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, 1986 ; Traversée de la mangrove, 1989 ; la Vie scélérate, 1987 ; Célanire cou-coupé, 2000).

Condillac (Étienne Bonnot de)

Philosophe français (Grenoble 1714 – château de Flux, près de Beaugency, 1780).

Marqué par la pensée de Locke et de Newton, Condillac élabore une recherche philosophique originale centrée sur les rapports de la pensée et de la sensation. Il publie l'Essai sur l'origine des connaissances humaines (1746), puis un Traité des systèmes (1749), suivi d'un Traité des sensations (1754) et d'un Traité des animaux (1755). La somme de sa réflexion s'intitule la Logique (1780). Rompant avec la métaphysique cartésienne, Condillac donne à l'expérience une place centrale dans la constitution du sujet de la science et rejette l'innéisme cartésien pour identifier les idées avec les objets de la perception dans une approche « phénoménologique » de la conscience. Dans le Traité des sensations, il imagine une statue qui acquiert progressivement le développement des facultés humaines. Il ne recourt qu'au principe de plaisir pour expliquer l'activité de l'entendement et la volonté, et à l'usage des signes pour expliquer le passage de la sensation à la réflexion : les pensées sont des sensations transformées par le langage. Le sensualisme de Condillac apparaît comme une rupture et le fondement d'une nouvelle épistémologie des sciences du langage. Selon le philosophe, le rapport entre le signe et l'idée est arbitraire. Malgré l'influence de Condillac sur les idéologues, son œuvre a été constamment minorée, car sa philosophie amorce un mouvement de déconstruction analytique du sujet, inacceptable dans une perspective spiritualiste.

Condoglou (Photis)
ou Photis Kondoglou

Écrivain et peintre grec (Aïvali, Asie Mineure, 1895 – Athènes 1965).

Sa peinture s'inscrit dans la fidélité à l'hagiographie byzantine, qu'il renouvelle, tandis que son œuvre de romancier, d'abord empreinte d'imagination et d'exotisme, marque ensuite une crispation conservatrice sur les valeurs héritées de Byzance et de l'Orient, et un éloignement de la langue démotique (Pedro Casas, 1922 ; le Jardin secret, 1945).

Condorcet (Marie Jean Antoine Nicolas de Caritat, marquis de)

Mathématicien, homme politique et écrivain français (Saint-Quentin 1743 – Bourg-la-Reine 1794).

Né dans une famille noble du Dauphiné, il fit de brillantes études chez les jésuites et soutint à 16 ans une thèse de mathématiques. Il devint secrétaire perpétuel (1773) de l'Académie des sciences, puis membre de l'Académie française (1782). Son discours de réception porte sur l'union des sciences physiques et morales. Lié au clan philosophique, il s'initie avec Turgot à la politique : il milite pour faire reconnaître les droits des femmes et ceux des esclaves noirs (1781). Sous la Révolution, membre de la Législative, il s'occupe de projets d'instruction nationale ; c'est un des rares révolutionnaires à défendre l'égalité entre les sexes. Il promeut la mathématique sociale, application des statistiques au gouvernement. Accusé de modérantisme, il passe dans la clandestinité. C'est un proscrit qui rédige l'Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain (1794), profession de foi optimiste. Menacé d'arrestation, il s'empoisonne. – Sa veuve, Sophie de Grouchy, marquise de Condorcet (1764-1822), en prison sous la Terreur, retrouva la liberté après Thermidor. Elle publia la Théorie des sentiments moraux, traduite d'Adam Smith et suivie de Lettres sur la sympathie adressées à Cabanis. Elle anima le clan des idéologues et édita des textes de son mari.