Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Tallemant des Réaux (Gédéon)

Écrivain français (La Rochelle 1619 – Paris 1692).

Issu d'une famille de financiers protestants (il finit par abjurer le protestantisme, trois mois avant la révocation de l'édit de Nantes), il fit des études à Bordeaux puis vint à Paris (1634), où il s'imposa comme un pilier de la société précieuse. Il voyagea en Italie avec le futur cardinal de Retz et entassa, à partir de 1657, des notes sur les personnalités de la société intellectuelle, mondaine et politique qu'il croisait dans les salons de Mme de Rambouillet, de Mme de La Suze ou de Mlle de Scudéry. La fin de sa vie fut assombrie par la faillite de la banque familiale et des déchirements familiaux. Le recueil de ses notes ne fut publié qu'en 1834-1835, sous le titre, qu'il avait choisi, d'Historiettes : bien qu'expurgé (première édition complète en 1960), il fit scandale, tant il remettait en question d'idées reçues sur le XVIIe s. « classique » par son franc-parler : « Je prétends dire le bien et le mal sans dissimuler la vérité », écrit-il. Ces trois cents mini-biographies, portraits ou anecdotes, sont un précieux document sur ses contemporains, rarement épargnés par la verve caustique de l'auteur, et plutôt vus par leurs « petits côtés ».

Talmud

On désigne sous ce titre, qui signifie « étude », un corpus qui a, avec la Bible hébraïque, façonné le judaïsme. La tradition rabbinique affirme, à côté de la Tora révélée à Moïse et dénommée Loi écrite (tora she-bi-khtav), l'existence et l'autorité de la Loi orale (tora she-be-'al pe). Celle-ci, transmise à l'origine de maître à disciple, a pour objectif d'expliciter les commandements divins, d'en définir les champs d'application, d'adapter la Loi à de nouvelles conditions de vie. Elle comporte également des traditions sans lien évident avec l'Écriture, ainsi que les ordonnances édictées par les Rabbins. Le traité Avot en fait remonter l'origine à Moïse qui l'a enseignée à Josué, lequel l'a transmise aux Anciens, ceux-ci aux prophètes qui, à leur tour, l'ont transmise aux membres de la Grande Assemblée (anshe kneset ha-gedola). On sait peu de choses sur cette assemblée et certains doutent même de son existence. A-t-elle été une institution permanente ou ne se serait-elle réunie que lorsque les circonstances l'exigeaient ? Selon la tradition rabbinique, la Grande Assemblée, qui comptait cent vingt membres dont quelques prophètes, a été fondée par Ezra (Ve s. av. J.-C.). On lui attribue la canonisation de la Bible et l'institution des prières quotidiennes. Seuls les noms de deux des derniers membres de la Grande Assemblée nous sont parvenus, celui de Siméon le Juste (qui aurait rencontré Alexandre le Grand), et celui d'Antigone de Sokho.

   Du milieu du IIe s. av. J.-C. au début du Ier s. ap. J.-C., s'étend la période des Zugot (au sing. zug, paire, couple), dénommés ainsi car les Sages de cette époque sont cités par deux. Le dernier et le mieux connu de ces zugot est celui formé par Hillel et Shammaï. On attribue au premier la codification de sept règles d'interprétation de l'Écriture.

   À partir des disciples de Hillel et Shammaï et jusqu'au début du IIIe s., la transmission de la Loi orale est l'œuvre des Tannaïm (au sing. tanna, de la racine araméenne t.n.y. qui signifie « apprendre », « enseigner »). Parmi ces derniers on peut citer Rabban Yoanan ben Zakkaï qui, à l'époque de la destruction du Second Temple (70), a quitté Jérusalem pour Yavné où il a jeté les bases d'un judaïsme sans temple. Rabbi Akiba a soutenu la révolte de Bar Kokhba (132-135) qu'il considérait comme le Messie. Pour lui, chaque mot, chaque signe de la Tora pouvait être interprété. À l'inverse, son collègue, Rabbi Ismaël pensait que « la Tora parle le langage des hommes » et qu'il ne fallait pas chercher de sens aux particularités linguistiques de l'hébreu biblique. Rabbi Ismaël a porté à treize le nombre des règles d'interprétation de l'Écriture. Les disciples de Rabbi Akiba ont permis le renouveau de l'enseignement en Galilée, après les persécutions d'Hadrien. Enfin, c'est à Rabbi Juda le Prince (ha-Nasi), mort vers 220, souvent désigné sous le nom de Rabbi (le Maître) que l'on doit la compilation de la Mishna.

   La Loi orale n'avait, en effet, pas cessé de se développer. D'abord transmise parallèlement à la Loi écrite – on enseignait avec chaque verset ses interprétations et les conclusions qu'on en tirait –, elle a fini, sans qu'on sache précisément à quelle période, par constituer une matière en soi. L'abondance des enseignements et le risque de les oublier ont fait sentir la nécessité de les regrouper et de les classer. Une première tentative a été faite par les Sages de Yavné, dont on garde la trace dans le traité Eduyot (« Témoignages »). Elle a consisté à mettre ensemble les dits d'un même maître. Une autre classification, par thèmes cette fois, a été opérée par Rabbi Akiba et son disciple Rabbi Me'ir. C'est essentiellement sur la base de ce recueil que Rabbi Juda le Prince a constitué la Mishna (enseignement). Il a fait un choix parmi les enseignements connus, les a regroupés par sujets (même si cela n'est pas toujours systématique), en a peut-être parfois fixé la formulation, tous en conservant les divergences d'opinions.

   Le texte est dans un hébreu qui a évolué depuis la Bible et est encore en usage à l'époque des tannaïm, hébreu mishnique ou rabbinique. Le style en est concis, on ne précise que rarement les raisons qui ont poussé à formuler une loi ou les versets qui lui servent d'assise.

   On ne sait si Rabbi Juda voulait ainsi fixer un code de lois ou faire une compilation qui faciliterait l'étude. On ne sait pas non plus si la Mishna a été mise aussitôt par écrit. Certains ont peut-être établi des copies pour s'y référer en cas de besoin, mais l'enseignement est resté oral.

   La Mishna est divisée en six « ordres » (sedarim) : Zera'im (« semences », lois sur les prélèvements à effectuer sur les produits agricoles. Le premier traité est consacré à la liturgie) ; Mo'ed (« Fête », sur les solennités du calendrier juif) ; Nashim (« Femmes » qui traite du mariage, du divorce, des vœux) ; Neziqin (« Dommages », droit civil et pénal, organisation des tribunaux. Le traité Avot, « Pères », qui en fait partie, ne comporte que des sentences morales et sapientiales) ; Qadashim (« Choses saintes », sur le Temple, les sacrifices, l'abattage rituel) ; Teharot (« Puretés », lois de pureté et d'impureté). Chaque ordre est lui-même divisé en traités (massekhet, plur. massekhtot). Leur nombre, à l'origine de 60, est maintenant de 63 après le découpage de quelques traités jugés trop longs. Chaque traité est subdivisé en chapitres. Ce découpage est, selon toute vraisemblance, contemporain de la compilation de la Mishna par Rabbi Juda. Plus tard, on divisa les chapitres en petites unités dont chacune est dénommée, comme le corpus tout entier, mishna.

   Les enseignements que Rabbi Juda le Prince n'a pas inclus dans la Mishna constituent la Barayta (de l'araméen bar, « extérieur »). Certains sont regroupés dans les recueils du midrash-halakha et dans la Tosefta (« supplément »), organisée selon le même plan que la Mishna. D'autres encore ont été conservés dans le Talmud.

   Après la clôture de la Mishna, celle-ci va servir de base aux études menées aussi bien dans les académies palestiniennes que babyloniennes. Ces dernières existaient déjà, mais connurent un véritable essor à partir du IIIe s. Les maîtres de cette période sont désignés sous le nom d'Amoraïm, c'est-à-dire interprètes. Amoraïm palestiniens et babyloniens ont, durant environ trois siècles, étudié et discuté la Mishna. Ils ont, si besoin était, précisé le sens des termes ou justifié l'emploi d'un mot, le recours à une répétition. Ils se sont interrogés sur le sens et l'origine des lois énoncées, ont déterminé les textes scripturaires sur lesquels elles sont fondées. Ils ont tranché lorsqu'une controverse entre tannaïm n'avait pas été résolue. Ils ont réduit ou étendu la portée d'une loi. Ils ont comparé les textes de la Mishna avec ceux de la Barayta, tentant d'aplanir les difficultés et de lever les contradictions. Ils ont déterminé, autant que possible, quels étaient les auteurs des enseignements transmis de manière anonyme. Ils ont enfin, lorsque c'était nécessaire, précisé, voire corrigé, le texte de la Mishna. L'œuvre des amoraïm ne s'est pas limitée à cela. Ils ont évoqué des questions plus ou moins proches de celles dont traite la Mishna. Ils ont énoncé leurs propres sentences, livré leurs réflexions, apporté leur contribution à l'interprétation de l'Écriture. De ces discussions et commentaires est né le Talmud ou Gemara (de la racine araméenne g.m.r., « étudier »).

   Il existe deux Talmud, celui de Palestine et celui de Babylonie. Le premier, communément appelé Talmud de Jérusalem (Yerushalmi), a été compilé, essentiellement à Tibériade, au début du Ve s. Rédigé en hébreu et en araméen galiléen, il se ressent de la rapidité de sa mise en forme. Les enseignements des différentes académies palestiniennes sont juxtaposés sans transition. L'édition du Talmud de Babylone (Bavli), rédigé, lui, en hébreu et en araméen oriental, s'est étendue sur une plus longue période : de Rav Ashi (mort en 427) à Ravina II (mort en 499). Succédant aux amoraïm, les savoraïm (VIe-VIIe s.) ont fini de le mettre en ordre, y ont introduit des termes de liaison et peut-être aussi quelques enseignements supplémentaires.

   Aucun des deux Talmud ne porte systématiquement sur l'ensemble des traités de la Mishna. Quelques-uns sont étudiés dans les deux Talmud, d'autres dans l'un ou l'autre. Les deux Talmud ont d'abord joui d'une autorité égale, chacun dans son aire d'influence. Mais la suprématie du Talmud de Babylone s'est imposée. Il a été plus étudié que le Talmud de Jérusalem et jouit de nombreux commentaires.

   Les éditions imprimées du Talmud de Babylone conservent toujours la foliotation de l'édition de Daniel Bomberg à Venise en 1520.